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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/257

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Je suis si éloigné, dit-il, d’avoir de l’aversion pour les pécheurs, que c’est pour eux seuls que je suis venu. Mais afin de ne les point rendre lâches et paresseux par des paroles pleines d’une si grande confiance, après avoir dit : « qu’il était venu appeler les pécheurs », il ajoute aussitôt, « à la pénitence. » Car je ne suis pas venu, dit-il, afin que les pécheurs demeurent dans leurs péchés ; mais afin qu’ils en sortent et deviennent justes.
Enfin les Juifs confondus de toutes manières et ne pouvant répondre ni aux raisons de Jésus-Christ, ni aux passages de l’Écriture, voyant qu’ils n’avaient plus rien à dire, qu’ils étaient coupables eux seuls des péchés dont ils accusaient Jésus-Christ, qu’ils étaient opposés à la loi même ancienne, les Juifs quittent la personne de Jésus-Christ et tournent leurs accusations contre ses disciples. Saint Luc attribue les paroles qui suivent aux pharisiens, et saint Matthieu aux disciples de saint Jean. Mais il est vraisemblable qu’ils s’étaient joints ensemble, parce que les pharisiens se voyant trop faibles, eurent recours aux disciples de saint Jean comme ils eurent recours ensuite aux Hérodiens. Car les disciples de saint Jean avaient une jalousie continuelle contre Jésus-Christ. Ils témoignaient partout combien ils lui étaient opposés, et ils ne purent être humiliés que lorsque leur maître fut en prison. Ils parurent un peu plus doux alors, et ils vinrent trouver Jésus-Christ pour lui en donner avis, Mais on voit que dans la suite ils retournèrent à leur première jalousie. Que disent-ils donc ici à Jésus-Christ ? « Pourquoi les pharisiens et nous jeûnons-nous souvent, et que vos disciples ne jeûnent point (14) ? » C’était là proprement la maladie mortelle que Jésus-Christ tâchait de guérir lorsqu’il disait : « Quand vous jeûnerez, parfumez-vous la tête, et lavez-vous le visage (Mt. 5,20) », prévoyant combien de maux devaient naître de cette source. Cependant Jésus-Christ ne leur fait point de reproche. Il ne les appelle point vains et frivoles ; mais demeurant dans sa douceur ordinaire, il leur répond paisiblement : « Ceux qui accompagnent l’époux peuvent-ils jeûner pendant que l’époux est avec eux (15) ? » Quand Jésus-Christ parlait pour des personnes qui ne lui appartenaient pas, comme pour les publicains, il ne craignait pas, pour mieux consoler et adoucir leur âme blessée, de s’élever avec vigueur contre ceux qui les outrageaient ; mais quand c’est à lui ou à ses disciples que les Juifs s’en prennent, il leur répond avec la plus grande douceur du monde. Le reproche qu’ils faisaient à Jésus-Christ revient à ceci : Soit, vous êtes médecin, et en cette qualité vous êtes obligé d’user de cette condescendance envers vos malades ; mais quel prétexte peuvent avoir vos disciples de mépriser le jeûne pour se trouver à ces festins ? Et pour donner encore plus de poids à leur accusation, ils se nomment les premiers et les pharisiens ensuite, afin que ces comparaisons rendissent la conduite des apôtres encore plus odieuse. « Nous autres, » disent-ils, « et les pharisiens jeûnons beaucoup. » Ils jeûnaient tous, en effet, les uns, parce qu’ils l’avaient appris de saint Jean et les autres de la loi. C’est ce qu’on voit par ce pharisien qui disait : « Je jeûne deux fois la semaine. » (Lc. 15,12)
Que répond donc Jésus à cette accusation ? Ceux qui accompagnent l’époux peuvent-ils « jeûner pendant que l’époux est avec eux ? » Il vient de faire voir qu’il était le médecin des âmes, et il montre maintenant qu’il en est l’époux, découvrant des mystères ineffables dans ces différents noms qu’il se donne. Il pouvait répondre à ces calomniateurs d’une manière qui les confondît davantage. Il pouvait leur dire : Vous n’avez pas autorité pour établir par vous-même cette loi de jeûne et l’imposer aux hommes. Quelle utilité prétendez-vous tirer de vos jeûnes, lorsque votre âme est remplie de corruption et de malice ? lorsque vous accusez les autres, lorsque vous les condamnez pour une paille que vous voyez dans leur œil, sans vous apercevoir qu’il y a des poutres dans le vôtre, enfin lorsque vous faites tout par ostentation et par vanité ? Il faudrait commencer par renoncer à ce vain désir de gloire, travailler à acquérir les véritables vertus, et à vous établir dans la charité, dans la douceur et dans l’amour de vos frères. Il ne leur dit rien de semblable. Il leur répond seulement avec une humble modestie : « Ceux qui accompagnent l’époux ne peuvent pas jeûner pendant que l’époux est avec eux », les faisant souvenir de ces paroles de saint Jean : « L’époux est celui à qui est l’épouse ; mais l’ami de l’époux qui se tient debout et l’écoute, est ravi de joie parce qu’il entend la voix de l’époux. » (Jn. 3,29) Comme s’il leur disait : Ce temps est pour