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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/26

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qui, voyant deux hommes se battre, les prendrait tous deux par la main et les réconcilierait ensemble. Ainsi, en venant au monde, il a réuni la nature humaine avec la nature divine ; la grandeur de Dieu avec la bassesse de l’homme ; et la loi ancienne avec la nouvelle.
Vous voyez donc, dès l’entrée, quel est l’éclat de cette ville sainte ; et, comme le Roi y paraît d’abord revêtu de notre chair, ainsi qu’un prince au milieu de son armée. Souvent un roi dans le combat ne porte point les marques de sa dignité et de sa puissance. Il quitte la pourpre et le diadème, et s’habille comme l’un de ses soldats. Mais les rois de la terre se déguisent de la sorte de peur d’attirer sur eux, en se faisant connaître, tous les efforts de leurs ennemis, au lieu que le nôtre l’a fait pour ne pas mettre d’abord tous ses ennemis en fuite, et ne pas épouvanter ses amis. Il était venu, non pour nous effrayer, mais pour nous sauver. C’est pourquoi, dès le commencement de l’Évangile, il est appelé Jésus ; et ce mot qui est hébreu et non grec, signifie « Sauveur », parce que, dit l’Évangile, « il sauvera son peuple. » (Mt. 1,21)
3. Considérez comme l’écrivain sacré élève nos esprits, et comment, en ne nous disant que des choses communes, il nous découvre des merveilles qui dépassent toutes nos espérances. Car ces deux noms du Fils de Dieu, celui de Jésus et celui de Christ étaient tous deux connus de tous les Juifs Dieu prévoyant que les mystères qu’il devait accomplir seraient incroyables, a voulu qu’il y eût même des anciennes figures de ce nom divin, pour prévenir ainsi tous les troubles que la nouveauté cause d’ordinaire. Car Josué qui succéda à Moïse, et qui fit entrer le peuple dans la terre promise, s’appelait aussi Jésus. Vous voyez la figure, comprenez-en maintenant la vérité. Jésus a fait autrefois entrer les Juifs dans la terre promise : Jésus nous fait entrer dans le ciel et dans la jouissance des biens éternels. Le premier fait cette merveille après la mort de Moïse ; le second la fait après la fin de la loi de Moïse ; le premier a été le chef du peuple de Dieu ; le second en a été le Roi et le Souverain.
Mais de peur qu’en entendant ce nom de Jésus, vous n’hésitiez entre lui et ses homonymes, l’Évangéliste ajoute aussitôt le surnom de Christ : « De Jésus-Christ fils de David. » Josué n’était pas de la tribu de, David, mais d’une autre.
Vous me demanderez peut-être pourquoi saint Matthieu appelle son livre « le livre de la génération de Jésus-Christ », puisqu’il ne contient pas seulement sa naissance, mais encore toute la suite de sa vie. C’est parce que la naissance de Jésus-Christ est le principe, et comme la racine de tous ses autres mystères, et l’unique source de tous nos biens. Et comme Moïse a appelé son livre le livre de la création du ciel et de la terre, quoiqu’il y parle aussi de beaucoup d’autres choses, de même l’Évangéliste nomme son livre du mystère qui est la source et le principe de tous les autres. Car c’était une chose bien pleine d’étonnement, et qui surpassait l’espérance et l’attente de tous les hommes qu’un Dieu se fît homme ; mais après une si grande merveille, tout le reste suit naturellement de ce principe.
Mais pourquoi ne le nomme-t-il pas d’abord « fils d’Abraham », et ensuite, « fils de David ? » Ce n’est pas, comme disent quelques-uns, pour remonter du dernier au premier, puisqu’il l’aurait fait dans tout le reste comme saint Luc, ce qu’il ne fait pas néanmoins. Pourquoi donc nomme-t-il d’abord David ? Parce que le nom de David, prince illustre, et beaucoup moins ancien qu’Abraham, était alors dans toutes les bouches. Quoique Dieu leur eût fait à tous deux la même promesse, néanmoins la longue suite du temps faisait que l’on ne se souvenait plus de l’une, et qu’on ne parlait que de l’autre, comme plus nouvelle et plus récente. Les Juifs disent eux-mêmes dans l’Évangile : « Ne savons-nous pas que le Christ doit venir de la race de David, et de la ville de Bethléem où était David ? » (Jn. 7,42) Nul d’entre eux ne l’appelait fils d’Abraham, et tous l’appelaient fils de David. Je le répète, on se souvenait beaucoup plus de David, et parce qu’il était moins ancien, et parce qu’il avait été roi. C’est pourquoi ils appelaient de son nom les rois qu’ils voulaient le plus honorer. Dieu même use de cette manière de parler. Ézéchiel et les autres prophètes disent que « David s’élèvera et qu’il régnera. » (Ez. 37,24) ce qu’il ne disait pas de David qui était mort, mais des antres rois qui devaient être les imitateurs de sa piété. Dieu dit encore à Ézéchias : « Je protégerai cette ville, à cause de moi, et à cause de David mon serviteur. » (2R. 19,34) Il promet aussi à Salomon, « que de son vivant il ne détruirait