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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/27

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pas son royaume, à cause de son serviteur David. » (1R. 2,34) Ce roi était dans une grande gloire devant Dieu et devant les hommes. C’est pourquoi l’Évangéliste commence d’abord par lui, et il passe aussitôt au plus ancien de ses pères ; croyant qu’il était superflu, au moins à l’égard des Juifs, de remonter encore plus haut dans le dénombrement de ses ancêtres, parce que ces deux-là étaient les plus illustres de tous, l’un parce qu’il était roi et prophète, et l’autre parce qu’il était prophète et patriarche.
Mais comment peut-on prouver, me direz-vous, que Jésus-Christ descende de la race de David ? Car s’il n’est pas né d’un homme mais seulement d’une vierge dont on ne rapporte point la généalogie, comment saurons-nous qu’il soit de la race de ce roi ? Voici donc deux difficultés qui se présentent : l’une pourquoi l’on ne rapporte point la généalogie de la Vierge, et l’autre pourquoi on rapporte celle de saint Joseph, entièrement étranger à la naissance du Sauveur. Il semble que la première de ces généalogies était seule nécessaire, et que la seconde était inutile.
Que répondrons-nous donc à cela ? Comment montrerons-nous que la Vierge descendait de David ? Comment le prouverons-nous ? Écoutez ce que Dieu dit à l’ange Gabriel : « Allez, lui dit-il, à une vierge fiancée à un homme qu’on nomme Joseph, qui est de la maison et de la famille de David. » (Lc. 1,27) Que voulez-vous de plus clair, puisque Joseph était de la maison et de la famille de David, il est démontré que la Vierge en était aussi ? Car il était défendu par la loi de chercher une femme hors de sa tribu, et d’en épouser une qui n’en fût pas.
Le patriarche Jacob avait prédit que Jésus-Christ naîtrait de la tribu de Juda, lorsqu’il dit : « Les princes ne cesseront point dans la « tribu de Juda et les chefs sortiront toujours de sa chair jusqu’à ce que Celui qui a été destiné de Dieu soit venu, et il sera l’attente des nations. » (Gen. 44,10) Cette prophétie nous assure d’abord que Jésus-Christ est sorti de la tribu de Juda, mais elle ne montre pas qu’il soit de celle de David. Est-ce que toute la tribu de Juda n’était composée que de la famille de David ? n’en avait-il pas beaucoup d’autres ? Beaucoup au contraire étaient de la tribu de Juda sans être de la race de David. Mais pour vous empêcher de vous arrêter à cette pensée, l’Évangéliste dit formellement, que Joseph était « de la maison et de la famille de David. » (Lc. 1,27)
Si vous voulez encore d’autres preuves, nous en avons une très constante. Il n’était pas permis pour se marier, de sortir, non seulement de sa tribu, mais même de sa famille et de sa parenté. Ainsi que ces paroles « de la famille et de la maison de David », s’entendent ou de la Vierge ou de Joseph, on n’en peut tirer que la même conséquence. Car si Joseph était de la maison et de la famille de David, il n’a pris certainement une femme que de la famille d’où il était descendu.
Mais si Joseph, dites-vous, a violé l’ordonnance de la loi ? L’Évangéliste prévient cette objection, lorsqu’il dit « qu’il était juste (Mt. 1,19) », afin qu’en reconnaissant sa vertu, on ne l’accusât point de violation de la loi. Comment un homme qui était si charitable et si modéré qu’il ne voulut pas même penser à faire punir la Vierge, quoique toutes les apparences semblassent l’y forcer, comment, dis-je, un homme si vertueux aurait-il pu violer la loi pour satisfaire sa passion ? Comment un homme dont la vertu allait au-delà même de la loi, comme on le voit par le dessein qu’il prit de quitter sa femme en secret, eût-il pu se résoudre à pécher ouvertement contre la loi, sans y être contraint par aucune nécessité ?
Il est donc évident par ces preuves que la Vierge était de la race de David. Voyons maintenant pourquoi l’Évangéliste ne rapporte point sa généalogie, mais seulement celle de Joseph. C’est parce que ce n’était point l’ordinaire parmi les Juifs de tirer la généalogie du côté des femmes. Ainsi pour garder cette coutume, et pour ne point troubler les esprits par aucune nouveauté, il ne parle point des parents de la Vierge ; mais il se contente, pour nous la faire connaître, de nous rapporter la généalogie de Joseph. Si donc il eût rapporté la généalogie de la Vierge, il n’aurait pas gardé l’ordre commun, et s’il n’eût point rapporté celle de saint Joseph, nous n’aurions point su de quelle tribu était la Vierge. C’est pourquoi, afin que nous connussions qui était Marie et d’où elle descendait, et que la coutume des Juifs fût gardée, l’Évangéliste décrit la généalogie de Joseph l’époux de la Vierge, et montre qu’il était de la famille de David. Il s’ensuivait que La Vierge en était aussi, puisque indubitablement un homme si juste, comme j’ai déjà dit,