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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/263

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à fuir l’ostentation et la vaine gloire. « En même temps une femme qui depuis douze ans avait une perte de sang s’approcha de lui par-derrière et toucha le bord de son vêtement (20). Pourquoi ne s’approche-t-elle de Jésus-Christ, que par-derrière et en tremblant ? Que ne se présente-t-elle à lui hardiment ? C’était sans doute son mal qui lui causait trop de pudeur, et qui faisait qu’elle se regardait comme une personne impure. Car si les femmes passaient pour impures au temps de leurs incommodités ordinaires, celle-ci avait bien plus de raison de se regarder comme telle dans une si longue perte de sang, qui n’était point naturelle, mais contre l’ordre de la nature. C’est pourquoi elle se cache et ne veut point paraître en face devant le Sauveur. Et surtout elle n’avait pas encore une juste idée de ce qu’était Jésus-Christ, ni une foi parfaite, car autrement elle n’eût pas cru pouvoir se cacher de lui. C’est ici la première femme qui ose publiquement approcher de Jésus-Christ, parce qu’elle avait déjà su que Jésus-Christ voulait bien aussi guérir ce sexe, et qu’il était actuellement en chemin pour aller ressusciter la fille de ce prince de la synagogue. Elle n’ose prier Jésus-Christ de venir chez elle, quoiqu’elle fût riche. Elle ne vient pas même à lui devant tout le monde ; elle ne le fait qu’en secret et par-derrière, et elle touche ses habits avec foi. Je dis avec foi, parce qu’elle n’hésita point, et qu’elle ne dit point : Serai-je guérie de ma maladie si je touche ses habits, ou ne le serai-je plus ? Elle, ne doute point que cet attouchement ne la guérisse, et elle s’approche avec confiance. « Car elle disait en elle-même : Si je puis seulement toucher son vêtement je serai guérie (21). » Elle voyait que Jésus-Christ sortait de la maison d’un publicain, et que ceux qui l’accompagnaient étaient des publicains et des pécheurs. Tout cela lui donnait une sainte hardiesse et une ferme confiance. Mais que fait Jésus-Christ en cette rencontre ? Il ne veut pas souffrir qu’elle demeure cachée comme elle le désirait ; il la fait venir au milieu de cette foule et il manifeste sa foi devant tout le peuple. Il avait d’excellentes raisons pour agir ainsi, bien que des insensés aient osé dire qu’il l’avait fait par amour de la gloire. Pourquoi, disent-ils, ne la laissait-il pas demeurer dans ce secret qu’elle avait cherché ? Que dites-vous impie ? Que dites-vous blasphémateur ? Celui qui défend qu’on ne publie ses miracles, qui fait mille prodiges en passant, sans que les hommes les connaissent, aurait-il pu ici rechercher la gloire ? D’où vient donc, me direz-vous, qu’il manifeste cette femme et qu’il la produit devant tout le monde ? C’était premièrement pour dissiper la grande appréhension de cette femme, et pour empêcher le scrupule dont sa conscience l’aurait tourmentée dans la suite, comme ayant dérobé en quelque sorte sa santé sans l’avoir demandée à Jésus-Christ. C’était encore pour ajouter à sa foi ce qui lui manquait, puisqu’elle avait cru pouvoir faire quelque chose sans être vue par le Sauveur. C’était en troisième lieu pour proposer sa foi comme un modèle que tout le monde devait imiter. D’ailleurs était-ce un moindre miracle de connaître le secret des cœurs, que d’arrêter la perte du sang ?
Enfin comme la foi du chef de la synagogue était chancelante, et, que sa complète défaillance aurait tout gâté et empêché la guérison de la jeune fille, Jésus-Christ la raffermit par ce miracle de l’hémorrhoïsse. C’est qu’en effet il était déjà venu quelqu’un dire au chef de la synagogue : « Ne lui donnez pas la peine de venir chez vous, parce que votre fille est morte (Lc. 8,49) ; » et ceux qui étaient au logis « se moquaient de lui lorsqu’il disait qu’elle dormait. » C’est donc pour empêcher cette défaillance de foi assez présumable dans le père de la jeune fille, que Jésus révèle à tous et cette femme et la guérison qui vient de s’opérer en elle. Car on peut assez juger que cet homme était des plus grossiers par cette parole que Jésus-Christ lui dit dans saint Luc : « Ne craignez point : croyez seulement et votre fille sera guérie. » (Lc. 8,50)
2. Il attend même à dessein que cette jeune fille soit morte, afin de faire, en la ressuscitant, un miracle plus éclatant. Il ne se hâte point, il marche seulement, et s’arrête à parler longtemps avec cette femme, afin de n’arriver qu’après que la jeune fille serait morte, selon ce qui est rapporté dans saint Luc : « Lorsqu’il parlait encore », dit-il, « il vint quelqu’un lui dire : Ne lui donnez pas la peine de venir chez vous parce que votre fille est morte. » (Lc. 8,48) Ainsi il voulut qu’on ne doutât point de la mort, afin qu’ensuite on ne pût douter de la résurrection. C’est ce qu’il a observé presque partout. C’est ainsi qu’il ne se