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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/271

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lépreux, en ressuscitant les morts, en calmant la mer, en pardonnant les péchés ; en prêchant le royaume du ciel, et en conduisant les hommes à Dieu son Père : merveilles d’autant plus impossibles au démon, que n’en ayant point le pouvoir il n’en a pas même la volonté.
Les démons détournent les hommes du culte de Dieu, et ils les portent à adorer les idoles ils les attachent à cette vie, et ils leur ôtent la foi de l’autre. De plus, si l’on offense le démon, il n’a garde de faire du bien au lieu de se venger, puisqu’il nuit même à ceux qui le servent le mieux, et qui l’honorent davantage. Mais Jésus-Christ se conduit d’une manière bien différente, puisqu’après ces médisances, ces outrages et ces blasphèmes ; l’Évangile ne laisse pas d’ajouter : « Et Jésus allait de tous côtés dans les villes et dans les villages enseignant dans leurs synagogues, et prêchant l’évangile du royaume, et guérissant toutes sortes de maladies et de langueurs (35). » Bien loin de punir leur ingratitude, il ne veut pas même les en reprendre.
Il leur témoigne son extrême douceur, et en même temps il réfute leurs calomnies. Car il veut les convaincre d’abord de la fausseté de leurs accusations par une grande multitude de miracles, et les confondre ensuite par ses paroles et par ses raisons. Après donc avoir été ainsi outragé, il ne laisse pas d’aller dans les villes, dans les villages et dans les synagogues des Juifs, pour nous apprendre à riposter à nos calomniateurs, non en leur répondant injure pour injure, mais en redoublant notre affection envers eux. Car si vous ne regardez que Dieu et non pas les hommes, dans la charité que vous leur faites, vous ne cesserez jamais de leur faire du bien, quelque ingrats qu’ils puissent être envers vous, sachant que leur ingratitude augmentera votre récompense.
Celui qui se lasse de faire la charité, parce qu’on médit de lui, et qu’on le décrie, témoigne assez qu’il a été plutôt charitable pour être loué des hommes que pour plaire à Dieu. Jésus-Christ au contraire nous voulant apprendre qu’il ne suivait dans ces guérisons que le mouvement de sa bonté n’attend pas, même après toutes ces médisances, que les malades le viennent trouver. Il va les trouver jusque dans leur pays et dans leurs villes, Il leur fait deux grâces très-considérables en même temps : l’une qu’il leur prêche l’Évangile, et l’autre qu’il les guérit de toutes leurs maladies. Il ne passait aucune ville, il ne négligeait aucun village, mais il allait indifféremment en toutes sortes de lieux. Il n’arrêtait pas encore là l’excès et la tendresse de sa charité. « Car voyant la multitude du peuple, ses entrailles furent émues de compassion, parce qu’ils étaient languissants et dispersés çà et là, comme des brebis qui n’ont point de pasteur (36). » Considérez encore ici, mes frères, combien Jésus-Christ est éloigné de la vaine gloire. Pour ne pas attirer à lui tout le monde, il aime mieux envoyer ses disciples. Il veut que d’abord la Judée soit comme le lieu où ils s’exercent, pour les rendre ensuite capables de combattre et de lui assujettir toute la terre. Il les met d’abord dans des épreuves assez fortes, si l’on considère que leur vertu était encore bien faible, afin que s’étant fortifiés de plus en plus ils puissent entreprendre une guerre plus pénible. C’est un aigle qui tire du nid ses aiglons pour leur apprendre à voler.
Il leur donne d’abord de pouvoir de guérir les corps pour les rendre ensuite les médecins et les conducteurs des âmes.
Et remarquez comment il leur fait voir en même temps la nécessité et la facilité de ce qu’il leur ordonne. « La moisson est grande », dit-il, « et il y a peu d’ouvriers. » Je ne vous envoie pas pour semer, mais pour recueillir une moisson toute préparée. C’est ce qu’il dit dans saint Jean : « Les autres ont travaillé et vous êtes entrés dans leurs travaux. » (Jn. 4,59) Il leur parlait de la sorte pour les empêcher de s’enorgueillir et pour leur donner en même temps de la confiance en leur faisant voir que le plus grand travail était déjà fait.
Il est remarquable encore que ce qu’il fait en cette rencontre n’est point l’ouvrage d’une justice qui rende ce qui est dû, mais d’une miséricorde toute pure et toute gratuite. « Voyant la multitude du peuple, ses entrailles furent émues de compassion, parce qu’ils « étaient languissants et dispersés çà et là comme des brebis qui n’ont point de pasteur. » Ces paroles sans doute retombent comme une accusation grave sur la tête des Juifs, puisqu’au lieu d’être les pasteurs des peuples ils en étaient devenus les loups. Car non seulement ils ne les redressaient point de