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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/274

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obéissent sans difficulté ? —. Que dites-vous ? est-ce qu’ils n’avaient à exécuter aucune mission difficile ? est-ce que vous n’entendez pas parler de prisons, de supplices, de guerres civiles, de haine universelle et de tant d’autres maux qui les attendent ? Il les rend pour les autres des sources de biens et de grâces, mais il ne leur promet à eux-mêmes que des afflictions et des maux. Pour les rendre ensuite dignes de toute créance il leur dit : « Guérissez les infirmes, purifiez les lépreux, ressuscitez les morts, chassez les démons. Vous « avez reçu ces dons gratuitement, dispensez-les gratuitement (8). »
Considérez, mes frères, comme Jésus-Christ a souci des mœurs non moins que des miracles, et comme il montre que les miracles même ne sont rien sans la bonne vie : « Vous « avez », dit-il, « reçu ces dons gratuitement, dispensez-les gratuitement. » Il les détourne par ces paroles de deux grandes passions premièrement de l’avarice, puisqu’il est bien juste qu’ils dispensent ses dons aussi gratuitement qu’ils les ont reçus. Secondement de l’orgueil, afin qu’ils ne s’imaginent pas que les miracles que Dieu fait par eux, soient leur propre ouvrage et qu’ils ne s’en glorifient pas : « Vous les avez reçus gratuitement », leur dit-il : vous ne donnez rien du vôtre à ceux qui les reçoivent ; et ces effets miraculeux ne sont point la récompense de vos travaux, Ma grâce est à moi. Vous l’avez reçue de moi gratuitement, dispensez-la aux autres gratuitement. N’attendez point de prix de ce qui n’a point de prix. Et, pour arracher d’abord la racine de tous les maux, il dit : « Ne possédez ni or, ni argent, ni aucune monnaie dans vos ceintures (9). Ne préparez, pour le chemin, ni sac, ni deux habits, ni souliers, ni bâton (10). » Il ne leur dit pas seulement : Ne prenez point d’or avec vous ; mais quand on vous en offrirait, rejetez-le, fuyez la maladie si dangereuse de l’avarice. Jésus-Christ remédie par ce seul précepte à beaucoup de maux. Il empêche premièrement que l’on ne puisse soupçonner ses apôtres d’avarice. Secondement, il les dégage de toute sorte de soins, afin qu’ils soient plus libres pour la prédication de l’Évangile. En troisième lieu, il leur montre sa souveraine puissance, ainsi qu’il leur fait remarquer ensuite : « Quand je vous ai envoyés sans habits et sans souliers, avez-vous manqué de quelque chose ? » Il ne leur dit pas tout d’abord : « N’ayez ni or ni argent. » Il leur donne premièrement le pouvoir de guérir les lépreux et de chasser les démons, et il leur dit ensuite : « Ne possédez rien. Vous avez reçu ces dons gratuitement, donnez-les aussi gratuitement », se réservant de leur faire connaître par leur propre expérience qu’il ne leur donnait que des ordres très-saints en soi, très-utiles pour eux-mêmes et très faciles à exécuter.
Vous me direz peut-être que toutes ces ordonnances sont très-justes, mais que vous ne pouvez comprendre pourquoi il leur défend d’avoir « une bourse, deux habits, des souliers », et de porter même « un bâton. » Je vous réponds que c’était pour exercer les disciples dans la pauvreté la plus exacte. C’est ainsi que nous avons déjà vu qu’il leur a défendu de se mettre en peine du lendemain. Comme il les envoyait pour être les docteurs des nations, il en fait en quelque sorte des anges en les détachant de tous les soins de cette vie, pour les attacher uniquement à leur ministère. Il ne veut pas même qu’ils se mettent en peine sur ce point : « Ne vous mettez point en peine », leur dit-il, « comment vous leur parlerez. » Ainsi il leur rend très-aisé ce qui paraissait le plus pénible. Car rien ne donne tant de joie à l’âme que cette absence de tout soin, lors principalement que sans nous mettre aucunement en peine, nous sommes assurés de ne manquer jamais de rien, Dieu pourvoyant à tous nos besoins et nous tenant seul lieu de toutes choses.
5. Mais parce que ses disciples auraient pu dire en eux-mêmes : D’où aurons-nous donc ce qui nous est nécessaire pour la vie ? il prévient cette pensée et il ne leur propose plus ce qu’il avait dit ailleurs : « Considérez les oiseaux du ciel. » Ils n’étaient pas encore en état de pratiquer ce conseil ; mais il les fortifie contre cette appréhension, par une considération moins haute : e Celui qui travaille mérite qu’on le nourrisse (10). » Il montre par là que ceux qu’ils instruiraient les devaient nourrir, afin-que d’une part les maîtres ne s’élevassent point au-dessus de leurs disciples, comme leur donnant tout et ne recevant rien d’eux, et que les disciples de l’autre n’eussent point la douleur de voir que ceux qui les instruisaient ne voulussent point souffrir qu’ils leur rendissent aucune assistance. Ensuite, pour que les apôtres ne disent pas qu’il les