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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/273

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son frère, à cause du rapport de vertu et de mœurs qui était entre eux. « Jacques fils de Zébédée, et Jean son frère ; Philippe et Barthelemi ; Thomas et Matthieu le Publicain ; Jacques fils d’Alphée ; et Lebbée, surnommé Thaddée (3). » Il est visible que l’Évangéliste ne prend pas garde au rang et à la dignité, puisqu’il me semble que saint Jean était plus grand non seulement que les autres, mais encore que son frère même. De même, après avoir nommé « Philippe et Barthelemi », il parle de « Thomas et de Matthieu le Publicain. » Mais au lieu que saint Matthieu met saint Thomas avant lui, saint Luc met saint Matthieu avant saint Thomas. Il appelle « Jacques fils d’Alphée », parce qu’il y avait, comme j’ai déjà marqué, un autre Jacques fils de Zébédée, après lequel il émet « Lebbée, surnommé Thaddée ; Simon le Chananéen, et Judas Iscariote, celui qui le trahit. »
Il met Judas le dernier de tous, et il en parle non comme un ennemi et avec passion, mais comme un historien fidèle qui dit les choses dans leur ordre. Il ne dit point, le méchant, le détestable Judas, mais il l’appelle seulement comme les autres, du nom de la ville d’où il était, « Judas Iscariote », parce qu’il y avait un autre Judas, Judas Lebbée, surnommé Thaddée, que saint Luc dit être fils de Jacques. « Judas Iscariote, celui qui le trahit. » Il ne rougit point de rapporter cette parole : « Qui fut celui qui le trahit », parce qu’il a soin de ne rien cacher de ce qui paraît mêlé de honte. Ainsi on voit assez, par son Évangile, que saint Pierre, le premier de tous, était un homme du peuple sans lettres et sans science. Mais voyons où Jésus-Christ envoie ses disciples, et vers qui il les envoie. « Jésus envoya ces douze après leur avoir s donné ces instructions et leur avoir dit (5) : Quels sont ces douze ? » Ce sont des pêcheurs et des publicains, puisqu’il y en avait parmi eux quatre qui étaient pêcheurs et deux qui étaient publicains, saint Matthieu et saint Jacques. Et l’un de ces douze encore devait être le traître de Celui qui l’envoyait. Mais voyons quels sont les ordres et les instructions que Jésus-Christ leur donne. « N’allez point vers les Gentils, et n’entrez point dans les villes des samaritains (6). Mais allez plutôt aux tribus de la maison d’Israël qui sont perdues (6). » Ne croyez pas, leur dit-il, que j’aie quelque aversion pour les Juifs qui m’outragent et m’appellent démoniaque. Ce sont au contraire les premiers que je tâche de convertir, et je vous défends d’aller prêcher à d’autres qu’à eux, parce que je veux que vous soyez leurs maîtres et leurs médecins, non seulement je vous défends de prêcher aux autres avant eux, mais je ne vous permets pas de faire un pas dans la voie qui conduit aux autres peuples, ni d’entrer dans une seule de leurs villes, pas même dans celles des samaritains qui étaient toujours opposés aux Juifs.
4. Et quoique ce peuple fût beaucoup plus aisé à convertir que les Juifs, et qu’il fût plus susceptible de la foi, Jésus envoie néanmoins ses apôtres plutôt aux Juifs qu’à ceux-ci, pour faire mieux voir le zèle et le soin qu’il avait de leur salut, Son dessein était de fermer ainsi la bouche aux Juifs, de les disposer à la prédication des apôtres, de prévenir les calomnies qu’ils publiaient contre eux de ce qu’ils iraient prêcher aux incirconcis, et d’empêcher que la haine qu’ils devaient leur porter un jour ne parût avoir quelque fondement. Il les appelle des « brebis perdues. » Il ne dit point qu’elles se soient volontairement égarées. Il leur témoigne partout qu’il est prêt à leur pardonner, et il tâche toujours de les attirer à lui. « Et dans les lieux où vous irez, prêchez en disant : le royaume des cieux est proche (7). » Admirez ici la grandeur des apôtres et la dignité de leur ministère ! Jésus-Christ ne leur commande point de prêcher rien de sensible, ou de semblable à ce que Moïse et les prophètes avaient annoncé avant eux. Ils proposent des choses nouvelles et inouïes jusqu’alors. Les prophètes ne promettaient que la terre et les biens terrestres ; mais les apôtres annonçaient le royaume du ciel, et promettaient des biens éternels.
Ce n’est pas néanmoins cette seule excellence des promesses de l’Évangile qui rend les apôtres supérieurs aux prophètes, mais encore cette obéissance si prompte qu’ils témoignent à Jésus-Christ. Ils ne s’excusent point, ils ne résistent point comme quelques-uns des prophètes. De quelques périls, de quelques maux, de quelques combats qu’on les menace, ils ne laissent pas d’embrasser avec une parfaite soumission tout ce qu’on leur commande, comme de véritables prédicateurs d’un royaume céleste et divin.
Et quoi d’étonnant, direz-vous, si, n’ayant rien à publier de pénible et de fâcheux, ils