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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/283

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du Maître qui parle et de l’autre la vertu des disciples qui l’écoutent ? Car ne doit-on pas s’étonner comment de pauvres gens accoutumés à la pêche, et qui ne connaissaient que leurs filets et le lac où ils pêchaient, ne se sont pas retirés aussitôt qu’ils ont entendu ces paroles, comme ils n’ont point dit en eux-mêmes :
De quel côté fuirons-nous à l’avenir ? Tous les tribunaux sont déclarés contre nous, tous les souverains nous persécutent, les princes des prêtres sont nos ennemis, les synagogues nous haïssent. Les juifs et les gentils, les princes et les peuples sont unis et conspirent tous ensemble contre nous. Vous ne nous parlez plus seulement de la Judée. Vous nous dites que nous serons menés « devant les gouverneurs et devant les rois. » Ainsi vous nous faites voir tout un monde armé contre nous, les peuples, les magistrats et les souverains. Vous dites même, ce qui est encore plus horrible, que notre doctrine fera massacrer les frères par les frères, les fils par les pères, les pères par les fils dans tous les lieux de la terre. « Le frère, dites-vous, livrera son frère à la mort, et le père son fils, les enfants se soulèveront contre leurs pères et leurs mères, et les feront mourir. » Comment donc pourra-t-on croire ce que nous dirons, si l’on voit que nous sommes cause que le frère tue son propre frère, le père son fils et le fils son père, et que toute la terre soit remplie de meurtres et de parricides ? Ne nous chassera-t-on pas comme de mauvais démons, comme des corrupteurs des hommes, comme des pestes publiques, lorsqu’on verra les familles divisées, la tendresse la plus naturelle changée en haine et les plus proches s’entre-tuer les uns les autres ? Est-ce ainsi que nous devons donner la paix à ceux qui nous recevront dans leurs maisons, auxquels, au contraire, nous ne devons apporter que la guerre, le sang et le meurtre ? Quand nous serions un grand nombre au lieu que nous ne sommes que douze ; quand nous serions savants et éloquents au lieu que nous sommes ignorants et grossiers ; enflez quand nous serions rois au lieu de pauvres que nous sommes, et que nous aurions des richesses immenses et de puissantes armées, nous ne pourrions néanmoins jamais persuader aux hommes de recevoir une doctrine qui doit produire parmi eux des guerres domestiques et civiles, et plus que civiles. Enfin, quand nous mépriserions notre propre vie comme vous nous le commandez, que gagnerions-nous après tout cela, pour acquérir quelque créance dans l’esprit des hommes ?
Les apôtres ne pensent et ne disent rien de semblable. Ils ne pénètrent point trop curieusement dans les ordres qu’on leur prescrit, et ils n’en demandent point les raisons. Ils se rendent simplement à ce qu’on leur ordonne, et obéissent à ce qu’on leur commande. Et cette soumission était une preuve non seulement de la vertu des disciples, mais encore plus de la sagesse du Maître. Car je vous prie de considérer comme il apporte à chacun de ces maux le remède et la consolation qui lui était propre. Il dit d’abord contre ceux qui ne les recevraient pas, « que le peuple de Sodome et de Gomorrhe endurerait des maux plus supportables que la ville qui les rejetterait. »Après qu’il leur a dit « qu’ils seraient menés devant les tribunaux des juges et devant les rois », il ajoute aussitôt : « à cause de moi, pour leur être en témoignage ainsi qu’aux gentils. » Voilà une grande consolation, de souffrir pour Jésus-Christ et pour servir de témoignage à l’égard de ceux même qui nous font souffrir. Car lorsque Dieu a entrepris une chose, il la fait réussir infailliblement, et il l’exécute lui-même, quoique par des voies inconnues à tous les hommes. Ces paroles consolaient les apôtres, non parce qu’ils désiraient de voir leurs ennemis punis, mais parce qu’elles leur donnaient la confiance de trouver Dieu présent partout, lui qui savait tout et qui leur avait tout prédit, et en même temps, parce qu’ils souffraient comme des ministres de Dieu, et non comme des méchants et des criminels. Ce qu’il leur dit ensuite est encore un sujet de grande consolation. « Lorsqu’ils vous livreront aux juges, ne vous mettez point en peine comment vous leur parlerez ni de ce que vous leur devez dire. Car ce que vous leur devez dire vous sera donné à l’heure même (19). Ce n’est pas vous qui parlez, mais c’est l’Esprit de votre père qui parle en vous (20). » Il veut leur ôter tout sujet de dire : Comment pourrons-nous leur persuader ce que nous leur prêcherons, lorsque notre doctrine produira de si étranges effets ? C’est pourquoi il leur ordonne d’attendre de lui ce qu’ils devront répondre pour se défendre. Il leur dit ailleurs : « Je vous donnerai moi-même une bouche et une sagesse à laquelle tous vos ennemis ne pourront contredire ni résister. » (Lc. 21,15) Et il dit ici : « C’est l’Esprit de votre père qui parle en vous : » les égalant ainsi aux prophètes qui parlaient par l’Esprit de Dieu. Ce n’est qu’après leur avoir marqué la force invincible qui leur serait donnée, qu’il leur parle de meurtres et de massacres. « Le frère livrera son frère à la mort, et le père son fils ; les enfants se soulèveront contre leurs pères et leurs mères et ils les feront mourir (21). » Il ne s’arrête pas même à cela. Il dit des choses plus horribles, qui pouvaient ébranler des cœurs de marbre et de diamant. « Vous serez », dit-il, « haïs de tous les hommes », à quoi il joint aussitôt la consolation, lorsqu’il ajoute ces paroles : « à cause de mon nom ; » et ces autres : « Celui-là sera sauvé qui persévérera jusqu’à la fin (22). » D’ailleurs rien n’était si propre à les consoler que de savoir que leur prédication serait si puissante qu’elle rendrait les hommes capables de rompre toutes les liaisons de la parenté et du sang, et de mépriser tout ce qu’il y a de plus aimable ou de plus redoutable dans la vie. C’est comme si Jésus-Christ leur disait : Qui pourra vous vaincre si vous surmontez la nature même et si elle est contrainte de céder à la vertu de vos paroles, quelque absolue qu’elle soit d’ailleurs sur l’esprit des hommes ? Cependant n’espérez pas pour cela que votre vie en soit plus tranquille et plus assurée. Vous aurez pour ennemis tous les hommes, et vous serez comme en butte à la haine et à l’aversion de toute la terre.
4. Où est maintenant ce Platon si célèbre parmi les païens ? où est ce Pythagore ? où sont tous les stoïciens ensemble ? N’est-il pas certain que si Platon s’est acquis une grande réputation, il a néanmoins été méprisé de telle sorte qu’il