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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/282

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donc prudents comme des serpents et simples comme des colombes (16) » Mais quel avantage tirerons-nous de toute « notre prudence » parmi de si grands périls ? Comment pourrons-nous appliquer notre raison et notre jugement au milieu de ces tempêtes ? De quoi servira à l’agneau toute sa sagesse, lorsqu’il est environné de loups et de loups si furieux ? De quoi servira à la colombe d’être simple, lorsqu’elle est assaillie de tant de vautours ? Il est vrai que cela est inutile dans ces animaux ; mais vous en retirerez vous autres de grands avantages. Il veut que la prudence qu’il demande de ses apôtres soit une « prudence de serpent. » Car, comme le serpent abandonne tout son corps pour conserver sa tête, ainsi abandonnez tous vos biens, votre corps et votre vie même s’il est besoin, pour conserver votre foi. Elle est votre tête, elle est votre racine. Conservez-la seule, et quand vous auriez tout perdu, tout refleurira avec plus d’abondance, et vous recouvrerez tout avec plus de gloire. C’est pourquoi il ne leur commande point séparément ou d’être simples, ou d’être prudents, mais il allie ensemble ces deux qualités, afin qu’unies l’une à l’autre, elles deviennent des vertus. Il demande une prudence de serpent, afin que pour sauver votre tête vous exposiez tout le reste ; et une simplicité de colombe, afin que vous ne vous vengiez point de ceux qui vous font injure, et que vous ne désiriez point la punition de ceux qui vous dressent des pièges pour vous perdre. Car toute la prudence du serpent serait inutile, si elle n’était accompagnée de cette douceur de la colombe. Quelqu’un me dira peut-être : Qu’y a-t-il de plus pénible que ce précepte ? Ne suffit-il pas de souffrir tout le mal qu’on veut nous faire ? Non, répond Jésus-Christ. Cela ne vous suffit pas, mais je vous défends encore d’eu ressentir la moindre aigreur. Et c’est en cela que je veux que vous ayez la simplicité de la colombe. N’est-ce pas, mes frères, la même chose que si quelqu’un jetant un roseau dans le feu, non seulement lui défendait de brûler ; mais lui commandait même d’éteindre le feu ?
Cependant ne nous troublons point. L’événement a justifié la sagesse de ce précepte. On l’a vu accompli parfaitement. Les apôtres ont effectivement été sages comme des serpents et simples comme des colombes, non en changeant de nature, mais en demeurant toujours des hommes semblables à nous. Que personne donc ne croie que ces commandements de Jésus-Christ soient impossibles. Personne ne connaît mieux le véritable état des choses que celui-là même qui donne ces lois. Il sait parfaitement que l’audace ne s’abat point par l’audace, et qu’elle ne cède qu’à la douceur. Si vous désirez de savoir comment ce précepte a été accompli, lisez les Actes des apôtres. Vous y verrez combien de fois, lorsque le peuple juif se levait furieux contre les apôtres, et qu’il aiguisait déjà ses dents comme une bête fauve, ils se sont sauvés de sa rage en imitant la douceur de la colombe ; vous verrez que c’est en répondant avec une grande modération, qu’ils ont apaisé la colère, éteint la fureur, arrêté l’emportement. Lorsque les Juifs leur dirent : « Ne vous avons-nous pas commandé très expressément de ne point parler au peuple, et de ne le point enseigner en ce nom (Act. 4) ? » au lieu qu’ils pouvaient se justifier par une infinité de miracles, ils ne font et ne disent rien qui puisse témoigner la moindre aigreur, mais ils répondent avec une souveraine modération : « Jugez vous-mêmes s’il est juste que nous vous écoutions plutôt que Dieu. » Vous voyez dans ces paroles la douceur et la simplicité de la colombe, voyez maintenant la prudence du serpent : « Car nous ne pouvons pas ne point dire ce que nous avons vu et ce que nous avons entendu. » Considérez donc, mes frères, combien nous devons être sur nos gardes, afin que d’un côté nous ne soyons point abattus par les dangers, et que de l’autre nous ne, soyons point emportés par la colère. C’est dans cette vue que Jésus-Christ leur dit : « Mais donnez-vous de garde des hommes, car ils vous feront comparaître devant l’assemblée de leurs magistrats et ils vous feront fouetter dans leurs synagogues (17). Et vous serez menés à cause de moi devant les gouverneurs et devant les rois ; afin que ce leur soit un témoignage tant à eux qu’aux gentils (18). » Il les avertit encore ici d’être sur leurs gardes et de se préparer à tout, en ne leur promettant que des maux, et permettant aux hommes de les affliger pour nous apprendre qu’on ne peut vaincre qu’en souffrant, et que c’est la patience qui nous couronne. Il ne leur dit point : « Combattez contre eux et résistez à ceux qui vous attaqueront ». Il leur prédit seulement qu’ils souffriront les dernières extrémités.
3. Qui peut assez admirer d’un côté la puissance