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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/285

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solitudes du monde, purifiant par la force de leur prédication, non seulement toute la terre habitable, mais encore jusqu’aux déserts eux-mêmes. Et ce qui est plus admirable, c’est que pour accomplir ces grandes actions, ils n’ont eu besoin ni d’armes, ni de corps d’armées, mais qu’ils sont venus à bout de tout par leurs travaux et par leurs souffrances !
Les villes, les synagogues et les rois avaient au milieu d’eux douze hommes pauvres et grossiers qu’ils tenaient dans les prisons, qu’ils chargeaient de chaînes, qu’ils déchiraient par les fouets et par mille autres tourments, qu’ils faisaient errer de ville en ville, et de province en province ; et cependant ils ne pouvaient leur fermer la bouche. Il leur était aussi impossible de lier leur langue qu’il le serait de lier les rayons du soleil. Et nous ne devons pas nous en étonner, parce qu’un si grand miracle n’était point l’ouvrage de ceux qui parlaient, mais du Saint-Esprit qui parlait par eux. Ce fut par cette force invisible que saint Paul vainquit Agrippa, et Néron même, le plus méchant de tous les hommes. « Le « Seigneur », dit-il, « m’a secouru de sa présence, il m’a fortifié, et m’a délivré de la gueule du lion. » (2Tim. 4,16)
Mais admirez comment, après avoir entendu ces paroles : « Ne vous mettez en peine de rien », ils les pratiquent en effet, sans se laisser ébranler par tout ce qu’il y a de plus terrible. Que si vous dites qu’ils ont été assez fortifiés par cette parole « L’Esprit de votre Père parlera en vous », je dis au contraire que ce qui m’étonne davantage, c’est que, loin de chanceler dans leur résolution, ils n’ont pas même désiré d’être délivrés de tant de maux, dont ils se voyaient menacés non pas durant un an ou deux ans, mais pendant toute leur vie. Car c’est le sens de cette parole : « Celui-là sera sauvé, qui persévérera jusqu’à la fin. »
Il ne veut pas que sa grâce fasse tellement tout dans eux, qu’ils n’y contribuent en rien de leur part. Il y a des choses qui viennent de lui seul, et d’autres qui viennent aussi des apôtres. Les miracles étaient de lui seul ; le renoncement à tous les biens était aussi des apôtres. Cette entrée libre dans toutes les maisons des chrétiens venait de Dieu seul ; mais cette retenue qui les bornait au seul nécessaire venait aussi d’eux : « Car celui qui travaille mérite qu’on le nourrisse. » La puissance de donner la paix en entrant était une grâce de Dieu seul, mais le soin de ne chercher que ceux qui en étaient dignes, et dé n’aller pas indifféremment chez tout le monde, était l’effet de leur sagesse. La punition de ceux qui ne les recevaient pas, était de Dieu seul, mais la douceur qu’ils témoignaient dans ces rencontres, en se retirant sans aigreur et sans reproches, était des apôtres. C’était Dieu qui leur donnait le Saint-Esprit, et qui les empêchait de se mettre en peine de ce qu’ils devraient dire, mais c’était par leur constance et par leur sagesse qu’ils enduraient tout avec courage, et qu’ils étaient doux comme des brebis et simples comme des colombes. C’était par leur force qu’ils voyaient sans s’abattre cette haine que tous les hommes avaient pour eux ; mais c’était la grâce de Celui qui les envoyait qui les faisait persévérer, et qui les sauvait. C’est pour ce sujet qu’il disait : « Celui qui persévérera jusqu’à la fin sera sauvé. » Comme plusieurs ont coutume de commencer d’abord avec ferveur et avec zèle, et de se relâcher ensuite, je vous avertis, leur dit-il, que je considère principalement la fin. Que sert-il que les grains fleurissent d’abord, s’ils sèchent aussitôt après ?
5. Il veut donc que ses apôtres aient une patience persévérante pour empêcher qu’on ne crût que Dieu faisait tout dans les apôtres, sans qu’ils y eussent aucune part, et qu’on ne devait pas beaucoup admirer leur courage, puisqu’ils n’auraient rien de bien pénible à souffrir. Il leur dit clairement qu’ils auraient besoin de patience : Quand je vous délivrerai d’un péril, ce sera pour vous laisser tomber dans un autre. Vous passerez d’un moindre dans un plus grand, et la fin de tous vos travaux sera la perte de votre vie. C’est ce qu’il leur promet par ces paroles : « Celui-là sera sauvé qui persévérera jusqu’à la fin. » C’est pourquoi leur ayant dit ici : « Ne soyez point en peine de ce que vous répondrez », il dit ailleurs : « Soyez prêts à répondre à toutes sortes de personnes qui vous demanderont compte de votre foi. »
Quand nous n’avons à disputer qu’avec nos amis, il semble qu’il nous laisse à nous, et qu’il veut que nous nous mettions nous-mêmes en peine de ce que nous devons dire. Mais quand nous sommes devant le tribunal d’un juge sévère, environnés d’une populace