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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/292

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cette expression par une espèce d’hyperbole. Comme il leur parlait à eux seuls, et dans un petit coin de la Judée, il dit qu’il leur parlait dans l’obscurité et à l’oreille, en comparaison de cette liberté qu’il leur devait donner un jour dans la prédication de sa parole. Car tous n’annoncerez pas, dit-il, mon Évangile à une, à deux ou trois villes seulement, mais généralement à toutes les parties du monde ; vous traverserez les terres et les mers, les pays habités et inhabités ; vous prêcherez devant les rois et devant les peuples ; vous enseignerez les philosophes et les orateurs, et vous leur parlerez avec une fermeté et une assurance qui leur donnera de la terreur. Il se sert de ces mots : « Qu’ils prêcheront sur le haut des maisons, et dans la lumière », pour marquer cette hardiesse sainte avec laquelle ils devaient parler.
Mais ne suffisait-il pas de leur dire : « Prêchez sur le haut des maisons et dans la lumière ? » Pourquoi ajoute-t-il : « Ce que je vous ai dit à l’oreille et dans les ténèbres », sinon pour leur élever l’esprit, et les rendre capables de ses grands desseins ? C’est ainsi qu’il leur dit dans saint Jean : « Celui qui croit en moi fera les mêmes œuvres que je fais, et en fera même de plus grandes. » (Jn. 14,1) Il montre ici de la même manière qu’il ferait tout par eux, et plus encore qu’il n’avait fait par lui-même. J’ai commencé, leur dit-il, j’ai marqué la première trace, et j’ai comme ébauché les choses ; mais je veux par vous achever le reste.
Cette parole au reste n’est pas seulement un commandement, c’est encore une prédiction ; c’est la parole d’un homme sûr que ce qu’il dit s’accomplira, et qui affirme aux apôtres qu’ils triompheront de toutes les difficultés, et qui, en leur montrant le succès, détruit doucement mais sûrement l’angoisse que leur causait la prévision des calomnies auxquelles ils seraient en butte. Il semble qu’il leur disait : Comme la prédication de l’Évangile, qui jusqu’ici a été cachée et secrète, remplira néanmoins toute la terre ; de même ces calomnies que vos ennemis publieront de toutes parts contre vous, se dissiperont bientôt et s’évanouiront comme des songes. Après les avoir ainsi fortifiés, il leur prédit encore de plus grands périls. Mais il leur inspire en même temps un si grand courage, qu’il met leur âme au-dessus de tous les maux. « Ne craignez point ceux qui tuent le corps et qui ne peuvent tuer l’âme ; mais craignez plutôt celui qui peut perdre et le corps et l’âme en les jetant dans l’enfer (28). » Considérez, mes frères, combien Jésus-Christ élève ses disciples, non seulement au-dessus des soins, des inquiétudes, des périls et des pièges, des médisances et des calomnies, mais au-dessus de la mort même, qui est la chose de toutes la plus terrible, et non seulement de la mort, mais de la mort la plus sanglante et la plus cruelle. Il ne leur dit point : On vous tuera. Il use d’une expression plus douce et moins effrayante : « Ne craignez point ceux qui tuent le corps et qui ne peuvent tuer l’âme, mais craignez plutôt celui qui peut perdre et le corps et l’âme en les jetant dans l’enfer. »
Il use souvent de cette conduite, et il ménage tellement la pensée des hommes, qu’il leur fait conclure tout le contraire de ce qu’ils croyaient. Vous craignez la mort, leur dit-il, et cette crainte vous fait appréhender de prêcher mon Évangile. Mais c’est au contraire, parce que vous craignez la mort, que vous devez prêcher hardiment, puisqu’il n’y a que cette hardiesse sainte qui vous puisse délivrer de la véritable mort. Vos ennemis vous peuvent tuer, mais quelques efforts qu’ils fassent, ils ne peuvent vous toucher dans la plus noble partie de vous-mêmes. C’est pourquoi il ne dit pas seulement de ces ennemis qu’ils ne tuent point l’âme, mais « qu’ils ne la peuvent tuer », pour montrer que quand ils le voudraient ils ne le pourraient pas. Si donc vous craignez les tourments des hommes, craignez encore plus ceux dont Dieu vous menace dans l’enfer.
Vous voyez encore ici que Jésus-Christ ne promet point à ses disciples de les délivrer de la mort, et qu’il les abandonne à la violence des hommes ; mais qu’il leur promet une grâce plus grande que la délivrance même de la mort, puisque c’est beaucoup plus de persuader à un homme de mépriser la mort, que de le délivrer de la mort. Ainsi Jésus-Christ n’abandonne pas ses apôtres aux périls, mais il leur donne un courage plus grand que tous les périls.
Il établit ici en passant la vérité de l’immortalité de l’âme ; et il imprime par ce peu de paroles dans l’esprit de ses disciples une doctrine salutaire qui les devait fortifier contre