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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/293

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tous les maux. Mais pour les consoler d’une autre manière, et pour les empêcher de se croire abandonnés de Dieu, en se voyant dans les périls, dans les tourments et dans la mort même, il les instruit encore et les assure de sa providence dans la suite. « N’est-il pas vrai qu’on a deux passereaux « pour une obole ? et néanmoins aucun d’eux « ne tombe sur la terre sans la volonté de « votre père (29). Les cheveux mêmes de votre « tête sont tous comptés (30). » Qu’y a-t-il de plus vil « que ces petits passereaux ? » leur dit-il, et cependant on n’en prend pas un sans que Dieu le sache. Il ne dit pas que c’est Dieu qui les fait tomber sur la terre : cela serait trop indigne de la majesté divine ; mais il déclare seulement que cela ne se fait point sans sa connaissance. Que si Dieu n’ignore rien de tout ce qui arrive ; et s’il vous aime avec encore plus de tendresse que les pères n’aiment leurs enfants, et jusqu’à tenir compte de tous vos cheveux, que devez-vous craindre ? Jésus-Christ parle de la sorte, non que Dieu compte effectivement le nombre de leurs cheveux ; mais seulement pour faire voir jusqu’où va son soin et sa vigilance sur ceux qui le servent. Puis donc qu’il connaît tout, et qu’il peut et veut vous sauver, lorsque vous souffrirez quelque chose, ne croyez point que ce soit parce qu’il vous abandonne. Car son dessein n’est pas de vous délivrer des maux du corps, mais de vous apprendre à les mépriser, parce que ce ne sont plus des maux quand on les méprise.
3. « Et ainsi ne craignez point : vous valez beaucoup mieux qu’un grand nombre de passereaux (31). » Vous voyez, mes frères, comme il arrête leur crainte. Car il pénétrait le secret de leurs pensées. C’est pourquoi il dit : « Ne les craignez donc point. » S’ils ont quelque avantage sur vous, ce ne sera que sur la plus faible et sur la plus vile partie de vous-mêmes, sur le corps, qui mourrait de lui-même par une mort toute naturelle, si on ne la prévenait par une autre plus glorieuse. Ainsi ce ne seront point proprement vos ennemis qui vous feront mourir : ce sera plutôt la nature qui leur cédera son pouvoir. Que si vous craignez un homme qui a cette puissance, combien devez-vous plus craindre celui qui peut perdre l’âme et le corps, en les jetant dans l’enfer ? Il ne dit pas clairement que ce soit lui qui ait cette puissance de perdre l’âme et le corps en les jetant dans l’enfer, mais il est aisé de tirer cette conséquence par ce qui précède, puisqu’il déclare qu’il est le juge du monde.
Cependant, mes frères, nous faisons le contraire de ce que Jésus-Christ nous commande. Nous ne craignons point celui qui peut perdre nos âmes, et nous craignons beaucoup ceux qui peuvent perdre nos corps, quoique Dieu puisse perdre en même temps et l’âme et le corps, et que les hommes soient si éloignés de nuire à l’âme, qu’ils n’ont pas même le pouvoir de punir le corps. Car ils ont beau le déchirer et le mettre en pièces, ils l’honorent au lieu de le punir, et toutes ses peines deviennent sa gloire. C’est ainsi que Jésus-Christ adoucit les travaux auxquels il les destinait. Car la mort leur paraissait encore bien terrible, et elle faisait une grande impression sur leurs esprits, parce que jusqu’alors on ne nous avait point appris à la vaincre, et que ceux qui la devaient mépriser n’avaient pas encore reçu la grâce et l’effusion du Saint-Esprit.
Mais après avoir banni cette frayeur qui les abattait, il les encourage encore dans la suite. Il chasse une crainte par une autre crainte, et il y joint l’espérance d’une grande récompense. Il allie ainsi les menaces avec les promesses, et il se sert de ces moyens opposés pour les encourager à prêcher la vérité avec une liberté apostolique. « Quiconque donc me confessera et me reconnaîtra devant les hommes, je le reconnaîtrai aussi devant mon Père qui est dans le ciel (32). Et « quiconque me renoncera devant les hommes, je le renoncerai aussi devant mon Père qui est dans le ciel (33). » Il n’exhorte pas seulement ses disciples par l’espérance des biens futurs, mais encore par la terreur de ses jugements. L’Évangile ne dit pas proprement Quiconque me confessera ; mais « quiconque confessera en moi », c’est-à-dire, en mon nom, en ma puissance, pour marquer que celui qui fait cette confession ne la fait point par sa propre force, mais par le secours et par la grâce de celui qui confesse. Il dit au contraire de celui qui renonce « Celui qui me renoncera », et non pas « qui renoncera en moi », parce qu’il ne renonce qu’étant privé du secours de la grâce.
Vous me direz, peut-être : Pourquoi donc accuse-t-on celui qui renonce Jésus-Christ,