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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/300

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dit-il, que je ne vous commande que de renoncer à vos parents, à vos enfants et à vos femmes ? Il n’y a rien de plus uni à l’homme que son âme ; or si ce renoncement ne va jusqu’à l’abandonner elle-même et à la haïr, je vous traiterai non comme mes amis, mais comme mes ennemis. Et il ne commande pas seulement de la haïr, mais il veut que ce soit jusqu’à l’exposer à tous les combats et à tous les périls, et à ne rien craindre de tout ce qui peut nous ôter la vie. « Et celui qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas, n’est pas digne de moi (38). » Il veut que nous soyons toujours prêts non seulement à la mort, mais à une mort sanglante, et même la plus honteuse de toutes les morts. Il ne leur parle point encore de sa passion, mais de choses cependant qui devaient les rendre plus susceptibles d’en entendre parler.
Mais ne devons-nous pas admirer, mes frères, comment les apôtres, après des prédictions si effroyables, non seulement n’ont pas été saisis de crainte, mais ne sont pas morts effectivement de frayeur, puisqu’ils ne voyaient pour eux que des maux présents, et que tout le bien qu’ils attendaient n’était qu’en promesse et en espérance ? Comment donc ne se sont-ils pas abattus ? commuent sont-ils demeurés fermes ? Nous n’en pouvons trouver d’autre cause que la grandeur de la puissance du Maître et de la charité des disciples. C’est pourquoi se voyant exposés à souffrir des choses beaucoup plus dures et plus fâcheuses que ces grands hommes, Moïse et Jérémie, n’en avaient souffertes, ils n’en ont point été surpris et ils se sont soumis à tout sans rien répliquer. « Celui qui conserve sa vie la perdra, et celui qui perd sa vie pour l’amour de moi, la conservera (39). » Considérez ici, mes frères, ce que perdent ceux qui ont trop d’amour pour leur vie, et ce que gagnent ceux qui savent la haïr et la perdre quand il le faut Comme Jésus-Christ commandait à ses apôtres des choses si difficiles, de renoncer à père, mère, femme et enfants, à toute la terre, et à leur vie même, il leur montre en même temps la grande récompense qu’ils en doivent retirer. Ces maux, leur dit-il, non seulement ne vous nuiront pas, mais ils vous seront même très avantageux, et ce serait pour vous le plus grand des maux que de ne vouloir pas vous y exposer. Il fait encore ici ce qu’il a accoutumé de faire : il se sert de ce qu’ils désirent pour leur persuader ce qu’il leur dit. Car pourquoi, leur dit-il, ne voulez-vous point abandonner votre vie ? n’est-ce pas à cause que vous l’aimez ? Si donc vous l’aimez, méprisez-la. C’est l’aimer que de la perdre, puisque vous la gagnez en la perdant.
Et remarquez la sagesse ineffable de Jésus-Christ ! Parlant du détachement des pères et des mères, il y joint aussitôt le détachement de sa propre vie, pour faire comprendre que s’ils sauvent leur vie en la méprisant, ils serviront aussi très-utilement leurs pères en leur désobéissant. Tout ceci était capable de persuader les hommes de recevoir chez eux les apôtres qui leur pouvaient procurer de si grands biens. Car qui n’aurait reçu avec joie des hommes si généreux, qui allaient comme des lions par toute la terre, et qui méprisaient leur propre vie pour sauver les autres ?
Mais il leur propose encore une autre récompense, qui fait voir qu’il ne s’intéresse pas moins à ceux qui recevront qu’à ceux qui seront reçus. Il commence par montrer d’abord quel honneur les hommes retireraient en recevant chez eux les apôtres. « Celui qui vous reçoit, me reçoit ; et Celui qui me reçoit, reçoit celui qui m’a envoyé (40). » Peut-on souhaiter une plus grande gloire que de recevoir, chez soi Jésus-Christ et son Père même ? II promet encore ensuite une autre récompense en disant : « Celui qui reçoit le prophète en qualité de prophète, recevra la récompense du prophète ; et celui qui reçoit le juste en qualité de juste, recevra la récompense du juste (41). » Il avait fait auparavant de grandes menaces contre ceux qui ne recevraient pas ses apôtres ; et il promet ici le comble des biens à ceux qui les recevront. Et pour marquer expressément qu’il avait en cela plus de soin de ceux qui traiteraient bien ses disciples que de ses disciples même, il ne dit pas simplement : « Celui qui recevra un prophète, ou un juste ; » mais il ajoute : « en qualité de prophète ; et en qualité de juste » ce qui retranche toutes les considérations d’intérêts, et suppose qu’on ne reçoit ce prophète et ce juste que parce qu’il est juste et prophète. Il recevra, dit Jésus-Christ, la récompense du prophète et du juste, c’est-à-dire la récompense que mérite raisonnablement celui qui reçoit un juste ou un prophète ; ou bien la récompense que ce prophète