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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/299

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ces victimes sanglantes, veut bien rapporter l’endroit d’un prophète, qui bien qu’il n’ait pas été dit pour ce sujet, ne laisse pas de l’exprimer parfaitement. « L’homme aura pour ennemis ceux de sa propre maison. » (Mic. 7,3) Voyant que les Juifs étaient divisés, qu’il y avait de vrais et de faux prophètes, et que toutes les familles étaient partagées à leur sujet, les uns voulant suivre les véritables, et les autres s’attachant aux faux, le prophète Michée avertissait le peuple de se tenir sur ses gardes « N’ayez point », disait-il, « de confiance dans vos amis, ni d’espérance dans vos chefs. Gardez-vous même de votre propre femme, et ne lui confiez rien, parce que l’homme aura pour ennemis ceux de sa propre maison. » Le prophète tâche par ces paroles d’élever celui qui les croirait au-dessus de tout. Car ce n’est pas un mal que de mourir ; mais c’est un mal que de mourir mal.
Jésus-Christ dit aussi : « Je suis venu apporter le feu sur la terre. » Il marque par là combien grand doit être l’amour qu’il nous demande. Il nous a aimés avec excès, il veut que nous l’aimions de même. C’est pourquoi il fortifiait ses disciples par ces paroles, et il voulait les mettre au-dessus de tous les maux. Il semble qu’il leur dise : Si ceux que vous allez enseigner doivent renoncer à leurs femmes, à leurs enfants et à leurs pères, jugez ce que vous devez faire, vous autres qui serez leurs maîtres. Car tous les maux que je vous prédis ne se termineront pas à vous, mais ils passeront encore à ceux que vous convertirez, et qui embrasseront mon Évangile. Je suis venu apporter aux hommes des biens ineffables je redemande aussi d’eux une grande obéissance et un grand amour. « Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi ; et celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi, n’est pas digne de moi (37). » Remarquez ici, mes frères, l’autorité de Celui qui parle. Voyez comment il se déclare Fils unique de son Père, en commandant de renoncer à tout, et de préférer son amour à tout le reste. Je ne vous commande pas seulement, dit-il, de me préférer à vos amis et à vos proches. Mais je vous dis de plus, que si vous préférez votre propre vie à l’amour que vous me devez, vous êtes bien éloignés d’être du nombre de mes disciples.
Quoi donc ! Ces paroles ne sont-elles pas opposées au commandement que Dieu fait dans l’ancienne loi d’honorer son père et sa mère ? – Au contraire, le rapport est, sur ce point, parfait entre l’une et l’autre loi. Ainsi dans l’ancienne, Dieu commande non seulement de haïr les idolâtres, mais même de les lapider. Et le Prophète admire dans le Deutéronome ceux de qui il dit : « Celui qui dit à son père et à sa mère : Je ne vous connais point ; et à ses frères : Vous m’êtes étrangers ; et à ses enfants : Je ne sais qui vous êtes, celui-là, Seigneur, garde votre parole. » (Deut. 7,13) Que si saint Paul recommande avec tant de soin aux enfants d’être obéissants à leurs pères, ne vous en étonnez pas. Car il ne leur commande de leur obéir qu’en ce qui ne blesse point la piété. C’est une chose qui de soi est très-juste et très-sainte de leur rendre toute sorte d’honneur et de déférence. Mais s’ils exigent de nous ce qui ne leur est point dû, il ne faut point leur obéir contre l’obéissance qui est due à Dieu. C’est pourquoi saint Luc dit : « Si quelqu’un vient à moi, et ne hait pas son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et sa vie même, il ne peut être mon disciple. » (Lc. 14,27) Dieu ne vous dit pas d’une manière absolue : Haïssez vos parents et vos proches, mais seulement lorsqu’ils voudront que vous les aimiez plus que moi ne craignez point alors de les haïr, puisque cet amour si déraisonnable que vous auriez pour eux ne servirait qu’à perdre et celui qui aime et ceux qui seraient aimés.
2. Ainsi par un même commandement Jésus-Christ rend les enfants plus hardis et plus courageux lorsqu’il s’agit de la piété, et les pères qui les en voudraient détourner, plus raisonnables et plus doux. Car voyant que Dieu est assez puissant pour attacher leurs enfants à lui, et les séparer de leurs pères, ils ne tenteront pas de les lui ôter, comprenant bien que tous leurs efforts pour cela seraient inutiles. C’est pourquoi Jésus-Christ en cet endroit ne s’adresse qu’aux enfants. Il ne parle point aux pères ; mais il les avertit suffisamment de ne point tenter l’impossible en voulant lui arracher leurs enfants.
Mais afin que les pères ne se fâchent point de ce commandement qu’il fait aux enfants, considérez jusqu’où il porte ce renoncement qu’il nous ordonne. Après avoir dit : « Celui qui ne hait pas son père et sa mère », il ajoute aussitôt : « et sa vie même. » Croyez-vous,