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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/302

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de vos adresses pour amasser de l’argent, je vous réponds que ce n’est point là un travail ni des actions de chrétien. Les œuvres d’un chrétien sont les aumônes, la prière, la défense des pauvres, la protection des opprimés, et tout ce qui a du rapport à ces actions. Quoi que vous fassiez, en ne vous occupant point à ces choses, votre vie n’est qu’une oisiveté et une paresse. Cependant, Dieu ne vous dit pas
Puisque vous êtes paresseux, je ne ferai plus luire sur vous mon soleil, je couvrirai la lune de ténèbres, je vous rendrai toute la terre stérile, et je tarirai toutes les sources, je sécherai tous les fleuves et tous les étangs, j’anéantirai tout l’air, et je retiendrai toutes les pluies. Dieu, dis-je, n’agit point de la sorte, mais il verse sans cesse avec une grande abondance toutes tes richesses de sa bonté. Il fait luire son soleil et il répand ses pluies, non seulement sur des lâches et des paresseux, mais sur des méchants et des scélérats.
Souvent, lorsque vous voyez un pauvre, vous vous écriez : Ce misérable me met en colère, il est jeune, il est sain et robuste, il peut travailler et il ne le fait pas, et après cela il veut qu’on lui donne de quoi nourrir sa paresse. C’est un vagabond qui s’est enfui et qui s’est dérobé lui-même à son maître. Voilà les reproches que vous faites à ce pauvre. Mais vous devriez vous les faire à vous-même ; ou plutôt si vous lui en aviez donné la liberté, vous devriez trouver bon qu’il vous les fit, et qu’il dît de vous plus justement que vous n’avez dit de lui : Cet homme me met en colère ; il est sain, il est fort et robuste, et cependant il est lâche, et il ne fait rien de ce que Dieu lui commande ; c’est un serviteur désobéissant et rebelle ; c’est un fugitif qui s’est dérobé à son maître et qui est maintenant vagabond dans une terre étrangère, c’est-à-dire plongé dans toutes sortes de crimes : dans l’ivrognerie, dans la gourmandise, dans les larcins et les vols. Il me reproche ma paresse et moi j’aurais à lui reprocher ses crimes, ses fourberies, ses parjures, ses mensonges, ses rapines, et mille autres dérèglements.
4. Je dis ceci, mes frères, non pour autoriser la paresse, Dieu me garde de cette pensée I Je souhaite avec ardeur que tout le monde travaille, car l’oisiveté est la mère et la maîtresse de tous les maux. Mais je vous conjure en même temps de n’être pas durs, sans compassion et miséricorde. Saint Paul a fait de grands reproches contre les lâches : « Si quelqu’un », dit-il, « ne travaille pas, qu’il ne mange pas non plus (2Thes. 3,1) ;» mais il ne laisse pas de dire aussitôt : « Pour vous, mes frères, ne vous lassez pas de faire le bien. » Il semble qu’il y ait de la contradiction dans ces paroles :
Si vous défendez aux paresseux de manger, comment nous commandez-vous de leur donner à manger ? Il est vrai, nous répond ce grand apôtre, que j’ai commandé qu’on se séparât en quelque sorte d’eux, et qu’on n’eût avec eux aucun commerce ; mais je vous ordonne aussi de ne les point regarder comme des ennemis, et au contraire d’avoir grand soin d’eux. Je ne me contredis point, et tout cela s’accorde parfaitement. Si vous êtes prompts à faire l’aumône, votre charité apprendra à travailler à celui qui la reçoit, et vous bannirez en même temps la paresse de son cœur et la dureté du vôtre.
Mais ce pauvre, me direz-vous, invente tous les jours cent mensonges. Et voilà précisément ce qui le rend plus digne de compassion ! la nécessité où il est réduit le jette dans cette extrémité et lui fait perdre la honte, après avoir perdu tout le reste. Cependant non seulement nous ne sommes point touchés de cette misère, mais nous leur disons même des paroles outrageantes : Ne t’ai-je pas déjà donné hier ? ne t’ai-je pas encore donné avant-hier ? Quoi ! mes frères, ce pauvre, pour avoir vécu hier et avant-hier, ne doit-il pas vivre aujourd’hui ?
Vous imposez-vous cette loi à vous-mêmes ? vous dites-vous : j’ai bien mangé hier, j’ai bien mangé avant-hier, je ne mangerai donc point aujourd’hui ? Vous ne laissez pas, après ces festins des jours précédents, de bien manger encore aujourd’hui, et vous ne donnez pas ce peu que vous demande ce pauvre, dont vous devriez avoir d’autant plus de compassion qu’il est contraint de vous demander chaque jour de quoi pouvoir vivre. Cela seul devrait vous toucher, puisqu’il n’a recours si souvent à vous, que parce qu’il y est contraint par l’extrémité où il se trouve réduit. Si vous n’êtes point sensible à son état, vous le devriez être au moins à cette dure nécessité qui l’oblige d’essuyer tous vos reproches, et de perdre la honte en vous importunant encore, parce que la misère le presse et l’accable. Et cependant au lieu de lui faire la charité vous lui faites outrage ; et au lieu que Dieu vous commande