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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/308

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Il leur montrait par ces paroles qu’il pénétrait dans leurs pensées. S’il leur eût dit : Oui, c’est moi, cette réponse les eût blessés, et ils eussent pu dire, au moins en eux-mêmes, ce que lui dirent les Juifs : « Vous vous rendez témoignage à vous-même. » (Jean 8,27) Pour éviter cela, il ne leur dit rien de lui ; il les laisse juger eux-mêmes de toutes choses par les miracles qu’il fait devant eux, les instruisant ainsi de la manière la plus persuasive et la moins suspecte. Il leur fait même un reproche secret par ces paroles. Sachant qu’ils étaient scandalisés en lui, il leur découvre leurs maladies cachées, mais n’en rend témoin que leur propre conscience. Il leur fait voir à eux seuls le scandale où ils tombaient à son sujet, et il tâche en les épargnant de les attirer à lui davantage : « Heureux », leur dit-il en les désignant, « celui qui ne tirera point de moi un sujet de chute et de scandale ! »

Mais pour éclaircir davantage cette difficulté, il est bon qu’après vous avoir dit ma pensée, je vous rapporte aussi celles des autres, afin qu’en les examinant et les comparant ensemble, nous en puissions tirer quelque lumière pour le discernement de la vérité. Il y en a qui soutiennent que saint Jean n’a pas envoyé cette ambassade au Sauveur pour la raison que nous venons de dire. Ils prétendent que saint Jean doutait en effet, non pas absolument si Jésus était le Christ, mais s’il devait mourir pour les hommes, et que c’est pour cette raison qu’il fait dire à Jésus-Christ : « Êtes-vous celui qui doit venir ? » c’est-à-dire Êtes-vous celui qui doit descendre dans les enfers pour en retirer les captifs ?

Mais ce sentiment est sans apparence, parce que saint Jean ne pouvait pas même ignorer ce qu’on dit qu’il ignorait, puisqu’il l’avait prêché lui-même et qu’il avait dit : « Voilà l’Agneau de Dieu qui porte le péché du monde. » Il l’appelle « l’agneau » pour marquer qu’il devait être immolé sur la croix ; et il dit la même chose par ces autres paroles : « C’est lui qui ôte le péché du monde », puisqu’il ne devait ôter le péché du monde qu’en mourant sur une croix. C’est ce que saint Paul déclare, lorsqu’il dit que Jésus-Christ a effacé « la cédule qui nous était contraire, et qu’il l’a entièrement abolie en la clouant à sa croix. » (Col. 2,14) De plus saint Jean nous assurant que ce serait lui qui baptiserait par le Saint-Esprit, prédit comme prophète ce qui devait suivre la résurrection du Sauveur.

3. Il est vrai, réplique-t-on, que saint Jean savait que Jésus-Christ ressusciterait et qu’il donnerait le Saint-Esprit ; mais il ne savait pas qu’il serait crucifié. Et moi je demande comment Jésus-Christ pouvait-il ressusciter sans être mort et sans avoir été crucifié ? Comment saint Jean qui était le plus grand de tous les prophètes, aurait-il ignoré ce que tous les autres prophètes avaient su et prédit de Jésus-Christ ? Car on ne peut douter que saint Jean n’ait été le plus grand de tous les prophètes, puisque Jésus-Christ le dit lui-même ; et on voit partout que les prophètes ont su et prédit la croix et la passion du Sauveur. (Mat. 11,9) « Il a été mené comme un agneau à la boucherie », dit Isaïe : « et il se taira comme une brebis qui n’ouvre pas la bouche devant celui qui la tond. » (Isa. 53,7) Et il avait dit auparavant : « Il sortira une tige de Jessé d’où naîtra Celui qui doit régner sur les Gentils, et les Gentils mettront en lui leur espérance. » (Id. 11,1) Et marquant ensuite les souffrances et la gloire de la passion, il ajoute : « Le sépulcre où il reposera sera en honneur. » Isaïe ne prédit pas seulement que le Christ serait crucifié, mais il marque ceux mêmes qui seraient compagnons de son supplice : « Il a été mis au nombre des scélérats. » (Id) Il prédit encore qu’il ne se défendrait pas : « Il n’ouvrira pas sa bouche », et fait voir l’injustice de ceux qui le condamneraient en ajoutant : « On lui a prononcé son arrêt dans son humilité. 3 » (Id)

David avait prédit avant lui ces mêmes choses : « Pourquoi », dit-il, « les nations se sont-elles assemblées en tumulte, et pourquoi les peuples ont-ils formé de vains projets ? Pourquoi les rois de la terre et les princes se sont-ils élevés ensemble et ont-ils conspiré contre le Seigneur et contre son Christ ? » (Psa. 2,1) Il marque ailleurs la croix en particulier, lorsqu’il dit : « Ils ont percé mes pieds et mes mains. », (Psa. 21,17) Et il décrit même exactement l’attentat des soldats : « Ils ont partagé entre eux mes vêtements et ils ont jeté le sort sur ma robe. » (Id) Il n’oublie pas même ailleurs de marquer le vinaigre qu’on lui présenta : « Ils m’ont donné pour mets du fiel très amer et lorsque j’ai eu soif, ils m’ont donné du vinaigre à boire. » (Ps. 68) Ainsi après que les