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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/309

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prophètes ont décrit si longtemps auparavant le jugement et la condamnation de ceux qui seraient crucifiés avec le Sauveur, le partage de ses vêtements, le sort qu’on, jetterait sur sa robe et plusieurs autres particularités semblables que je ne rapporte point de peur d’être long, qui pourrait croire que le plus grand des prophètes aurait ignoré ces choses ? Ce sentiment ne se soutient donc pas. D’ailleurs si telle eût été la pensée de saint Jean pourquoi ne disait-il pas clairement à Jésus-Christ : Êtes-vous celui qui doit venir aux enfers, et non pas simplement « Êtes-vous celui qui doit venir ? »
Ils ajoutent encore à cela quelque chose de bien plus ridicule, savoir, que saint Jean lui faisait cette question, afin d’y annoncer sa venue prochaine. Ne peut-on pas dire à ces personnes ces paroles de saint Paul : « Mes frères, n’ayez point un esprit d’enfants ; mais soyez sans malice comme des enfants et ayez un esprit d’hommes. » (1Cor. 14,17) La vie présente est le temps auquel il faut penser à soi. On ne trouve plus à la mort que le jugement de Dieu et le supplice des coupables. David dit : « Qui vous confessera dans l’enfer ? » (Ps. 6,5)
Comment donc, me direz-vous, Jésus-Christ « a-t-il brisé les portes d’airain ? comment a-t-il rompu les gonds de fer (Ps. 100,17) », comme il est dit dans le psaume ? Je vous réponds que ce fut par la vertu de son corps. Car on vit alors, pour la première fois, un corps immortel vaincre la mort et détruire sa domination et sa tyrannie. Ce que prouvent ces paroles de l’Écriture, c’est que Jésus-Christ fut alors le vainqueur de la mort, mais non pas qu’il délivra de leurs péchés ceux qui étaient morts avant sa venue au monde. Que si ce que je dis n’était pas, et s’il était vrai que Jésus-Christ eût délivré de l’enfer tous ceux qui y étaient auparavant, comment aurait-il dit lui-même : « Le peuple de Sodome et de Gomorrhe sera traité plus doucement alors ? » (Lc. 10,12) Il ne dit pas qu’ils ne seront point punis alors, mais qu’ils seront moins punis. Il suppose donc que ceux qui auront été punis comme ceux de Sodome, le seront encore éternellement. Que si ceux qui auront été châtiés si sévèrement dès ce monde ne laissent pas de l’être dans l’autre ; combien plus le seront ceux qui n’auront point été punis de leurs crimes dans cette vie ?
Vous me direz, peut-être, que la manière dont ceux qui sont morts avant Jésus-Christ, ont été traités, ne paraît pas juste. Si, leur punition est juste. Car ils pouvaient se sauver sans confesser Jésus-Christ. Dieu n’exigeait point cela d’eux, mais seulement qu’ils s’éloignassent de l’idolâtrie, et qu’ils adorassent le vrai Dieu : « Le Seigneur votre Dieu est seul Dieu. » C’est pourquoi nous admirons les Macchabées qui aimèrent mieux souffrir de si grands tourments que de trahir leur loi. Nous admirons encore ces trois enfants de la fournaise et beaucoup d’autres d’entre les Juifs qui vécurent sans reproche et qui conservèrent inviolablement cette connaissance qu’ils avaient de Dieu, sans qu’on exigeât d’eux rien de plus. Car, comme j’ai déjà dit, il suffisait alors de connaître un seul Dieu. Mais il n’en est plus ainsi maintenant. Il faut joindre à cette foi la connaissance de Jésus-Christ. C’est pourquoi il dit lui-même : « Si je n’étais point venu et si je ne leur avais point parlé, ils n’auraient point de péché ; mais ils n’ont plus maintenant d’excuse de leur péché. » (Jn. 15,22)
Nous sommes de même obligés de vivre plus saintement, et d’être plus réglés dans les mœurs que n’étaient les Juifs. Les Juifs étaient condamnés à mort quand ils avaient tué un homme, et un chrétien est condamné, lors seulement qu’il se met en colère contre un autre homme. On punissait alors celui qui commettait un adultère, et on punit maintenant jusqu’aux regards impudiques. Comme les connaissances sont devenues plus grandes dans la loi nouvelle, la morale aussi est devenue plus pure et plus parfaite que dans la loi ancienne.
Nous voyons donc par tout ce que j’ai dit que Jésus-Christ n’avait pas besoin de précurseur dans les enfers. Car si les incrédules pouvaient se convertir après leur mort et croire en Dieu, personne ne périrait jamais, puisque tous se repentiront un jour et adoreront Jésus-Christ selon cette parole : « Toute langue confessera que Jésus-Christ est le Seigneur, et tout genou fléchira devant lui dans le ciel, sur la terre et dans les enfers. » (Phil. 2,14) Et ailleurs : « La mort sera le dernier ennemi que Jésus-Christ détruira. » (1Cor. 5,11) Mais toutes ces adorations seront alors très-inutiles, parce qu’elles ne viendront point d’une humiliation volontaire, mais d’une reconnaissance forcée.