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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/31

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nos pères, de ces hommes illustres et admirables. Si Jésus-Christ lui-même a d’abord caché beaucoup de choses, en s’appelant fils de l’homme, en ne déclarant pas nettement partout qu’il était égal à son Père, doit-on s’étonner s’il a voulu céler aussi quelque temps le mystère de sa naissance, par une conduite pleine de sagesse, et pour de très importantes raisons ?
Quelles sont, dites-vous, ces raisons si importantes ? C’était pour épargner la Vierge, sa mère, et pour la défendre d’un fâcheux soupçon. Si les Juifs eussent su d’abord cette merveille, ils n’auraient pas manqué de l’interpréter malignement, et peut-être auraient-ils lapidé la Vierge après l’avoir condamnée comme adultère : car si leur impudence combattait en Jésus-Christ des actions dont ils avaient vu des exemples dans l’Ancien Testament ; s’ils appelaient démoniaque Celui qui chassait les démons ; et ennemi de Dieu celui qui faisait des miracles le jour du sabbat, quoique le sabbat eût été souvent violé sans aucun crime, que n’eussent-ils point dit en écoutant cette naissance si miraculeuse, puisqu’ils avaient pour eux l’autorité de tous les siècles passés, où l’on n’avait jamais rien vu de semblable ? Si après tant de miracles ils ne laissaient pas de l’appeler fils de Joseph, comment l’auraient-ils cru fils d’une Vierge avant ces miracles ? C’est pourquoi l’Évangéliste fait la généalogie de Joseph, où il rapporte qu’il épousa la Vierge. Si Joseph même, quoique si saint et si juste, a besoin de tant de preuves pour croire cette merveille ; s’il faut qu’un ange lui parle, qu’il ait des révélations durant la nuit, qu’il soit rassuré parle témoignage des prophètes ; comment les Juifs si aveugles, si corrompus, et si déclarés contre Jésus-Christ, eussent-ils pu se rendre à cette vérité ? Une merveille si rare et si inouïe dans toute l’antiquité, les aurait jetés sans doute dans un trouble étrange.
Une fois bien persuadé que Jésus-Christ est le Fils de Dieu, on ne s’étonne plus de sa merveilleuse naissance ; mais comment ceux qui l’ont appelé depuis un séducteur et l’ennemi de Dieu, n’eussent-ils pas été scandalisés de cette vérité, et n’en eussent-ils pas conçu quelque soupçon détestable ? C’est pourquoi les apôtres ne se hâtent point d’annoncer d’abord cette naissance merveilleuse de Jésus-Christ. Ils établissent fortement sa résurrection, fait qui était plus à la portée des Juifs, parce qu’il y avait eu, autrefois, des exemples de personnes ressuscitées, quoique d’une manière bien différente de la sienne ; mais ils ne publient point d’abord que Jésus-Christ est né d’une vierge. Sa mère même n’ose pas en découvrir le secret ; et on voit qu’elle dit à Jésus-Christ, lorsqu’elle le trouva dans le temple « Nous vous cherchions, votre père et moi. » (Lc. 2,48)
Si les Juifs eussent eu quelque connaissance de ce mystère, jamais ils n’auraient cru que Jésus-Christ était fils de David, et leur incrédulité, sur ce point, aurait eu les plus funestes conséquences. Aussi les anges mêmes ne révèlent point ce secret ; ils ne le découvrent qu’à Joseph et à Marie ; et lorsqu’ils annoncèrent aux pasteurs la naissance du Sauveur, ils ne leur dirent point de quelle manière elle s’était faite.
Mais d’où vient que l’Évangile, en parlant d’Abraham, dit qu’il a engendré Isaac, et qu’Isaac a engendré sans dire un seul mot d’Esaü, son frère, au lieu que parlant de il dit expressément qu’il engendra Juda et ses frères?
Quelques-uns disent que c’est parce qu’Esaü et ceux de sa race ont été méchants, mais je ne crois pas que cette raison soit bonne ; si elle l’était, pourquoi un peu après nommerait-on des femmes qui ont été fameuses par leur déshonneur ? Il semble plutôt que l’Évangéliste a eu dessein de relever la gloire de Jésus-Christ par l’effet d’un contraste, par la petitesse et la vulgarité de ses ancêtres plutôt que par leur gloire ; car rien n’est plus glorieux à Celui qui est infiniment grand, que d’avoir bien voulu se rabaisser de la sorte.
Pourquoi donc l’Évangéliste ne dit-il rien d’Esaü et de sa race ? C’est parce que les Sarrasins, les Ismaélites, les Arabes, et tous les autres peuples descendus de lui n’avaient rien de commun avec les Israélites. C’est pour ce sujet que saint Matthieu n’en dit rien, pour passer plus vite à ceux qui entraient dans la généalogie de Jésus-Christ, et qui étaient du peuplé juif. Il dit donc : « Jacob engendra Juda et ses frères », parole qui marque la race des Juifs.
2. « Juda engendra Pharès et Zara, de Thamar. » Que faites-vous saint Évangéliste, de rapporter ainsi une histoire, qui nous fait souvenir d’un inceste ? – Mais de quoi vous