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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/32

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étonnez-vous ? vous dira-t-il. Si je ne rapportais la généalogie que d’un simple homme, je pourrais dissimuler quelque chose ; mais puisque nous parlons du mystère d’un Dieu incarné, non seulement nous ne devons pas taire ces choses, mais nous devons même en faire gloire, parce qu’elles relèvent davantage sa bonté et sa puissance, puisqu’il est venu, non pour éviter notre ignominie, mais pour l’effacer. Il en est de sa naissance comme de sa mort ; sa mort serait moins admirable sans la croix, qui en a été l’instrument infâme, mais dont l’infamie fait d’autant mieux éclater la bonté de Celui qui n’a pas craint de l’affronter pour l’amour des hommes ; de même, ce qu’il faut admirer dans sa naissance, ce n’est pas seulement qu’il ait pris un corps et se soit fait homme, mais encore qu’il ait daigné descendre de parents comme ceux que nous venons de voir sans rougir d’aucun des maux propres à l’humanité.
Il voulait nous déclarer hautement, dès sa naissance, qu’il ne dédaignait point nos bassesses, et nous apprendre en même temps qu’il ne faut point rougir des vices et des défauts de nos parents, mais ne penser, nous-mêmes, qu’à nous rendre vertueux. Car celui qui l’est, ne reçoit aucune tache de l’obscurité ou de l’infamie de sa naissance, quand il serait né d’une mère étrangère, ou d’une femme impudique. Que si le fornicateur, qui s’est converti, n’a plus à rougir de sa première vie, nous rougirons bien moins du désordre de nos parents, lorsque nous effacerons par notre vertu la honte de notre naissance.
Mais Jésus-Christ n’a pas voulu seulement nous donner cette instruction, il a voulu encore réprimer l’orgueil des Juifs : car ce peuple négligeant la vraie noblesse de l’âme, avait sans cesse le nom d’Abraham à la bouche, comme si la vertu de ses pères devait être la justification de ses vices. Jésus-Christ détruit d’abord cette erreur, et il leur apprend à ne se pas appuyer sur la vertu des autres, mais sur la leur propre. Il voulait encore leur représenter que leurs pères avaient été vicieux, et que Juda même, qui était le patriarche dont ils tiraient leur nom, était tombé dans un grand crime, puisque Thamar, qu’on nomme aussitôt, semble s’élever contre lui, et lui reprocher son impudicité. David aussi eut son fils Salomon de cette même femme d’une, avec laquelle il avait commis auparavant un adultère.
Si donc, ces grands hommes n’avaient pas toujours accompli la loi de Dieu, leurs descendants, moins bons qu’eux, étaient bien plus éloignés de le faire. Et si personne n’a parfaitement accompli la loi, tous ont donc péché, et la venue de Jésus-Christ était entièrement nécessaire. C’est aussi dans ce dessein que l’Évangile nomme les douze patriarches, afin d’abattre l’orgueil que les Juifs tiraient de la noblesse de leurs ancêtres : car plusieurs d’entre les patriarches étaient nés de mères esclaves. Cependant la différence des mères ne causa point de différence entre les enfants, et ils furent tous également patriarches et princes de leurs tribus. Cette égalité marquait déjà le privilège de l’Église. Car tel est l’avantage des Chrétiens, telle est la noblesse que nous tirons de Dieu même : que l’on soit libre, que l’on soit esclave, on a droit aux mêmes grâces. On ne considère dans cette cité du Christ que la seule bonne volonté et la noblesse de l’âme.
3. Outre ces raisons, il y en a encore une autre. Car ce n’est pas sans sujet, qu’après avoir dit : « Juda engendra Pharès », l’Évangéliste ajoute aussitôt, « et Zara. » Il paraissait assez inutile, après avoir nommé Pharès d’où Jésus-Christ descendait, de parler encore de Zara. Pourquoi donc le fait-il ? En voici la raison. Lorsque Thamar accouchait de ces deux enfants, Zara fit passer le premier sa main dehors, que la sage-femme lia d’un cordon rouge, afin de connaître lequel des deux était l’aîné. Mais Zara retirant aussitôt son bras et s’étant renfermé dans le ventre de sa mère, Pharès en sortit le premier et Zara ensuite. La sage-femme dit à Pharès en voyant ce qui était arrivé : « Pourquoi la haie a-t-elle été coupée à cause de vous ? » (Gen. 38,29) Considérez-vous les figures et les énigmes de nos mystères ? Ce n’est point sans un motif grave que Dieu a fait marquer ces particularités dans l’Écriture, Sans cela il aurait été indigne de la majesté de cette histoire, de rapporter les paroles d’une sage-femme et de particulariser ces circonstances, que l’un passa sa main le premier, quoiqu’il ne soit sorti qu’après son frère.
Que veut donc dire cette énigme ? Car tout y est mystérieux, jusqu’au nom-même de cet enfant. Car le mot de « Pharès » veut dire, « séparation et division. » Voyons donc ce qu’un événement si extraordinaire nous marquait (22). Ce