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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/316

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acquise par ses jeûnes, a voulu marcher par une autre voie. Il s’est trouvé, pendant le temps de sa prédication ; à la table des publicains et des pécheurs, et il a bien voulu boire et manger avec eux.
4. Après cela voici ce que nous avons à dire aux Juifs. Aimez-vous l’austérité ? Louez-vous le jeûne ? Pourquoi donc n’avez-vous pas cru saint Jean lorsqu’il a voulu vous persuader que Jésus-Christ était le Messie ? Que s’ils répondent au contraire que le jeûne est une chose rude et pénible, nous leur dirons : pourquoi donc n’avez-vous pas cru en Jésus-Christ, qui n’a pas jeûné comme saint Jean et qui amené une vie commune ? Ainsi qu’ils approuvassent l’une ou l’autre de ces conduites différentes, Dieu leur avait ouvert un chemin pour gagner le ciel. Mais au lieu de se servir de ce double moyen qu’ils avaient de se sauver, ils se sont jetés comme des bêtes furieuses et sur saint Jean et sur Jésus-Christ même.
Il n’y a donc pas de faute à imputer à ceux qui n’ont pas été crus, tout le crime retombe sur ceux qui n’ont pas voulu croire. Car il n’y a point d’homme raisonnable qui loue et qui blâme en même temps des choses toutes contraires. Par exemple celui qui aime les personnes gaies et de bonne humeur, n’aime point celles qui sont d’un naturel triste et sauvage. Et celui qui aime ces derniers, n’aura point d’inclination pour les premiers. Car nous ne pouvons avoir la même affection pour deux choses toutes contraires. C’est pourquoi Jésus-Christ fait parler ces enfants ainsi : « Nous avons joué de la flûte pour vous réjouir, et vous n’avez point dansé ; » c’est-à-dire : j’ai voulu vous attirer à moi, en menant une vie commune et ordinaire, et vous ne m’avez pas écouté : « Nous avons chanté des airs lugubres pour vous exciter à pleurer, et vous n’avez point témoigné de deuil. » C’est-à-dire, Jean est venu à vous, menant une vie dure et austère, et vous ne l’avez pas cru. Nous n’avions l’un et l’autre qu’un même but et qu’une même pensée, et quoique nous ayons suivi une conduite toute différente, cette contrariété apparente n’a pas empêché que nous n’ayons eu la même fin dans nos actions. C’était au contraire votre parfaite union qui produisait ces deux conduites si opposées. Après cela, quelle excuse vous reste-t-il ? C’est pourquoi il ajoute : « Mais la sagesse a été justifiée par ses enfants (19) » C’est-à-dire : Quoique vous n’ayez pas voulu me croire, vous n’aurez pas néanmoins sujet de vous plaindre de moi. David dit la même chose du Père : « Afin que vous paraissiez juste dans vos paroles. » (Ps. 50,6) Car encore que Dieu prévoie que tout le soin qu’il prend de nous par sa providence et par sa bonté doive être inutile, il ne laisse pas de faire de sa part tout ce qu’il doit faire, pour confondre les âmes ingrates, et pour ne leur laisser pas la moindre ombre dont ils puissent couvrir leur opiniâtreté et leur impudence.
Que si ces comparaisons de « flûtes » et de « danses » dont Jésus-Christ se sert ici pour expliquer de si grandes choses, paraissaient basses, ne vous en étonnez pas, puisqu’il en usait par condescendance pour la faiblesse de ses auditeurs. C’est ainsi qu’Ézéchiel (Ez. 4,16) se proportionne aux Juifs dans des exemples qui paraissent bas et disproportionnés à la majesté de Dieu. Car rien n’est plus digne de la bonté et de la grandeur de Dieu, que de s’abaisser ainsi pour gagner les hommes.
Mais considérez, je vous prie ici, dans quelles contradictions s’engagent les Juifs. Ils disent de saint Jean qu’il était possédé du démon. Ils disent encore la même chose de Jésus-Christ qui avait suivi une conduite toute différente. Ainsi ils se combattent dans leurs pensées, et ils ne sont pas d’accord avec eux-mêmes. Saint Luc ajoute ensuite une circonstance qui aggrave beaucoup le crime des Juifs, lorsqu’il dit : « Que les publicains ont justifié Dieu en recevant le baptême de Jean. Jésus-Christ donc ayant fait voir que la sagesse était justifiée par ses enfants, et que Dieu avait fait tout ce qu’il devait de sa part, commence ensuite à faire des reproches aux villes où il avait prêché. N’ayant pu rien gagner sur ces peuples par ses raisons, il déploie leur malheur, ce qui n souvent plus de force que les menaces. Après que sa doctrine et ses miracles leur ont été inutiles, il ne reste plus qu’à leur reprocher leur incrédulité opiniâtre. « Alors Jésus commença à faire des reproches aux villes dans lesquelles il avait fait plusieurs miracles, de ce qu’elles n’avaient point fait pénitence (20). Malheur à vous Corozaïn ! malheur à vous Bethsaïde (21) ! » Pour montrer que ces peuples n’étaient pas tombés dans ce malheur par une nécessité naturelle et inévitable, mais par leur seule malice, il marque entre ces villes celle d’où il avait