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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/318

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en divertissez, bien loin d’en avoir de l’aversion et de l’horreur.
Que ne montez-vous donc aussi sur le théâtre, aussi bien que ces bouffons, qui vous font rire ? Si ce qu’ils font n’est pas infâme, que n’imitez-vous ce que vous louez ? Allez seulement en public avec ces sortes de personnes. Cela me ferait rougir, dites-vous. Pourquoi donc estimez-vous tant ce que vous auriez honte de faire ? Les lois des païens rendent les comédiens infâmes ; et vous allez en foule, avec toute la ville, pour les regarder sur leur théâtre, comme si c’étaient des ambassadeurs ou des hérauts d’armées, et vous y voulez mener tout le monde avec vous, pour emplir vos oreilles des ordures et des infamies qui sortent de la bouche de ces bouffons. Vous punissez très-sévèrement vos serviteurs lorsqu’ils disent chez vous des paroles peu honnêtes. Vous ne pouvez souffrir rien de sale dans vos enfants, ni dans vos femmes le moindre mot qui choque l’honnêteté ; et lorsque les derniers des hommes vous invitent à entendre publiquement ces infamies que vous détestez si fort dans vos maisons, non seulement vous n’en avez point de peine, mais vous vous en divertissez, et vous louez ceux qui les débitent. N’est-ce pas là le comble de l’extravagance ?
Vous me répondrez peut-être que ce n’est pas vous qui dites ces choses si infâmes. Si vous ne les dites pas, vous aimez au moins ceux qui les disent. Mais d’où prouverez-vous que vous ne les dites pas ? Si vous n’aimiez point à les dire, vous n’auriez point tant de plaisir à les écouter, ni tant d’ardeur à courir à ces folies.
Quand vous entendez des personnes qui blasphèment, vous ne prenez point de plaisir à ce qu’elles disent. Vous frémissez au contraire, et vous vous bouchez les oreilles pour ne les point entendre. D’où vient cela, sinon parce que vous n’êtes point blasphémateur ? Conduisez-vous de même à l’égard de ces paroles infâmes ; et si vous voulez que nous croyions que vous n’aimez pas à dire des turpitudes, n’aimez pas non plus à les écouter.
Comment vous pourrez-vous appliquer aux bonnes choses, étant accoutumé à ces sortes de discours ? Comment pourrez-vous supporter le travail qui est nécessaire pour s’affermir dans la continence, lorsque vous vous relâchez jusqu’à prendre plaisir à entendre des mots et des vers infâmes, Car si, lors même qu’on est le plus éloigné de ces infamies, on a tant de peine à se conserver dans toute la pureté que Dieu nous demande : comment notre âme pourra-t-elle demeurer chaste, lorsqu’elle se plaira à entendre des choses si dangereuses ?
Ne savez-vous pas quelle pente nous avons au mal ? Lors donc qu’à cette inclination naturelle nous ajoutons encore l’art et l’étude, comment ne tomberons nous pas dans l’enfer, puisque nous nous hâtons de nous y jeter ? N’entendez-vous point ce que dit saint Paul : « Réjouissez-vous dans le Seigneur ? » (Phil. 1) Il ne dit pas, réjouissez-vous dans le démon. Comment écouterez-vous ce saint apôtre, comment serez-vous touché du ressentiment de vos péchés, étant toujours comme ivre et hors de vous, par la vue malheureuse de ces spectacles ?
6. Que si vous ne laissez pas néanmoins de venir en ce lieu, je ne m’étonne pas que vous vous acquittiez encore de ces devoirs extérieurs, ou plutôt je m’en étonne. Car vous ne venez ici que froidement et comme par coutume, au lieu que vous courez au théâtre avec une ardeur et une avidité insatiable. On n’en voit que trop les malheureux effets, lorsque vous retournez chez vous. C’est là que chacun de vous remporte toutes ces ordures dont les paroles licencieuses, les vers impudiques et les ris dissolus ont rempli vos âmes. Toutes ces images honteuses demeurent dans votre esprit et dans votre cœur. De là vient que vous n’avez que de l’aversion pour ce que vous devriez aimer, et que vous aimez ce que vous devriez avoir en horreur.
Il y en a parmi vous qui entrent dans le bain, lorsqu’ils reviennent d’un enterrement ; et lorsqu’ils reviennent de la comédie, ils ne pleurent point, au lieu qu’ils devraient verser des torrents de larmes. Un corps mort n’a rien d’impur, et ne souille point celui qui en approche. Mais le péché infecte l’âme de telle sorte, et y imprime des taches si horribles que toutes les eaux de la mer ne suffiraient pas pour les effacer. Il n’y a que les larmes et la pénitence qui le puissent faire. Mais comme ces taches sont invisibles, on n’y pense point. Ainsi nous ne craignons pas ce qui serait véritablement à craindre, et nous craignons ce qui n’est rien.
Mais que dirai-je du bruit et du tumulte de ces spectacles ? de ces cris et de ces applaudissements diaboliques ? de ces représentations