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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/332

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plus de délices à noircir la réputation du Sauveur, qu’à voir un miracle qui guérit cet homme. Ils montrent doublement leur malice, et par le dessein formé de contredire Jésus-Christ en tout, et par cette opiniâtreté si étrange avec laquelle ils s’opposaient à la guérison des autres.
Quelques Évangélistes disent que ce fut Jésus-Christ qui interrogea les Juifs ; mais le nôtre marque que ce fut au contraire les Juifs qui lui demandèrent : « S’il était permis de guérir le jour du sabbat, pour avoir un sujet de l’accuser. » Il est vraisemblable que les deux versions sont vraies l’une et l’autre. Comme ils étaient malicieux, et que d’ailleurs ils ne doutaient pas que Jésus-Christ ne guérît ce malade, ils voulaient le prévenir par cette question, pour empêcher ainsi ce miracle. Ils lui demandent donc « s’il est permis de guérir au jour du sabbat », non pour s’instruire en effet, si cela était permis, mais pour avoir lieu de le calomnier ensuite. Pour leur donner lieu de l’accuser, il suffisait que Jésus-Christ fit ce miracle. Mais ils veulent encore que ses paroles leur donnent prise contre lui, pour multiplier autant qu’ils peuvent les moyens de lui nuire.
Cependant Jésus-Christ demeure dans sa douceur ordinaire. Il guérit ce malade et il leur répond pour faire retomber leurs pièges sur eux, pour nous apprendre la modération, et pour faire voir leur dureté inhumaine. Saint Luc remarque qu’il fit mettre cet homme « au milieu » des Juifs (Lc. 6,8) : non qu’il eût quelque crainte d’eux, mais pour les aider à rentrer en eux-mêmes et pour les toucher de compassion. Mais n’ayant pu fléchir leur dureté, il est dit dans saint Marc (Mc. 3,5), qu’il s’affligea en voyant l’aveuglement de leur cœur, et qu’il leur dit : « Quel est celui d’entre vous, qui ayant une brebis qui vienne à tomber dans une fosse le jour du sabbat, ne la prenne et ne l’en retire (11) ? Et combien un homme ne vaut-il pas mieux qu’une brebis ? Il est donc permis de faire du bien les jours du sabbat (12). » Pour leur ôter d’abord tout sujet de s’emporter contre lui avec insolence, et de l’accuser encore de violer la loi, il se sert de cette comparaison, et il nous donne lieu d’admirer combien il diversifiait selon les rencontres, les raisons dont il se défend de violer le sabbat.
Il est vrai que dans le miracle de l’aveugle-né, il ne se défendit point d’avoir fait de la boue un jour de sabbat, quoique les Juifs l’en accusassent, parce qu’un miracle si extraordinaire suffisait pour montrer qu’il est l’auteur et le maître de la loi. Lorsqu’il commanda au paralytique de porter son lit le jour du sabbat et que les Juifs l’en accusaient, il se défendit, tantôt en Dieu, tantôt en homme. Il parle en homme lorsqu’il dit : « Si un homme est circoncis le jour même du sabbat, afin que la loi ne soit point violée », il ne dit pas, afin qu’un homme reçoive assistance, « pourquoi vous mettez-vous en colère contre moi, parce que j’ai guéri un homme dans tout son corps (Jn. 5) ? » Et il parle en Dieu lorsqu’il dit : « Mon Père agit depuis le commencement du monde jusqu’ici, et moi j’agis avec lui. » Lorsqu’il excuse ses disciples que l’on calomniait devant lui, il dit : « N’avez-vous point lu ce que fit David, quand il eut faim lui et ceux qui étaient avec lui ; comment il entra dans la maison de Dieu, et y mangea les pains offerts ? » Il les défend encore par la conduite ordinaire des prêtres qui faisaient beau coup de choses le jour du sabbat sans commettre aucune faute.
Mais ici il leur demande : « S’il était permis, le jour du sabbat, de faire du bien ou de faire du mal », et il leur fait cette question : « Qui d’entre vous ayant une brebis », et le reste ; parce qu’il savait qu’ils étaient avares, et qu’ils craignaient plus la perte d’une brebis qu’ils ne désiraient le salut des hommes.
Saint Marc rapporte « que Jésus-Christ les regardait (Mc. 3,5) », en leur faisant cette question, afin que son regard pût encore aide ; à les toucher de compassion. Mais tout cela ne put faire aucun effet sur leur endurcissement. Il guérit cet homme par sa seule parole, quoique souvent ailleurs il impose les mains sur les malades pour les guérir. Et cette circonstance rendait ce miracle encore plus grand. Mais rien ne pouvait adoucir les Juifs, le paralytique était guéri, et eux devenaient plus malades encore par là. Jésus-Christ avait tâché, et par ses paroles, et par ses raisons, et par ses actions de les faire revenir et de les gagner. Mais voyant que leur opiniâtreté était inflexible, il les quitte et il fait son œuvre. « Alors il dit à cet homme : Étendez votre main, et l’ayant étendue elle fut rendue saine comme l’autre (13). » Que font à cela les Juifs ? Ils sortent d’avec Jésus-Christ, ils s’assemblent et ils