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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/345

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avec force. « Race de vipères, comment pourriez-vous dire de bonnes choses étant méchants comme vous êtes, puisque la bouche parle de la plénitude du cœur (34) ? » Jésus-Christ, par ces paroles, accuse en même temps ses ennemis, et prouve par eux la vérité de ce qu’il vient de leur dire. Vous autres, leur dit-il, étant d’aussi mauvais arbres que vous êtes, vous ne pouvez porter de bons fruits. Je ne m’étonne donc pas que vous disiez ce que vous dites, puisqu’étant sortis de si mauvais pères, vous avez eu une éducation semblable à votre naissance, et que vous en retenez encore l’esprit et le cœur.
Mais remarquez avec quelle sévérité il les reprend, et combien ce qu’il leur objecte est sans réplique. Il ne leur dit point : « Comment pourriez-vous dire de bonnes choses, vous qui êtes une race de vipères ? La conséquence serait moins frappante ; mais comment pouvez-vous dire de bonnes choses, étant méchants comme vous êtes ? » Il les appelle « Race de vipères », parce que ces hommes se glorifiaient de leurs ancêtres. Et, pour leur montrer qu’ils n’en devaient attendre aucun avantage, il les retranche de la race d’Abraham ; il leur ôte ce titre d’honneur, dont ils s’enorgueillissaient si insolemment, et, au lieu d’un ancêtre si illustre, il leur donne pour pères des serpents, extraction plus conforme à leur malice noire et envenimée. « Puisque la bouche », ajoute-t-il, « parle de la plénitude du cœur. »
Il leur fait voir encore ici qu’il est Dieu, et qu’il connaît le fond des cœurs. Il nous apprend que nous rendrons compte un jour non seulement de nos paro1es, mais encore de nos mauvaises pensées, et qu’elles ne peuvent être cachées aux yeux de Dieu. Il montre même que les hommes peuvent aussi les connaître. Car il y a une si grande liaison et un si grand rapport du dedans avec le dehors, que lorsque le venin est au dedans, il faut nécessairement qu’il se répande et qu’il paraisse au-dehors par les paroles. Lors donc que vous entendez dire à quelqu’un des paroles mauvaises et scandaleuses, vous devez croire qu’il a en lui beaucoup plus de mal qu’il n’en fait paraître. Car ce qu’il dit de mauvais a un principe et une source, et ce qui paraît au-dehors n’est qu’une petite partie de cette plénitude de corruption qui est cachée au dedans. Cc reproche est sanglant, vous le comprenez ; car si l’impiété de leurs paroles fait voir que c’est le démon qui les leur inspire, jugez quelle est la corruption de leur cœur, et combien cette source d’où elle coule est empoisonnée. Et cette conséquence est très-certaine, parce que la langue n’ose pas dire tout ce que le cœur lui dicte, et qu’elle ne laisse pas sortir toute la corruption intérieure ; mais comme le cœur n’a aucun homme pour témoin, et qu’ayant perdu la crainte de Dieu, il n’appréhende point ses jugements, il produit hardiment dans ses pensées tout le mal qu’il a conçu en lui-même. Ainsi il arrive d’ordinaire qu’il y a encore plus de corruption dans notre volonté que dans nos paroles, parce que la crainte même de ceux qui nous écoutent nous retient dans ce que nous disons, au lieu que le cœur n’étant connu de personne, s’abandonne avec plus de liberté au dérèglement de ses pensées. Mais lorsqu’il y a au dedans une trop grande corruption, elle se répand enfin au-dehors. Et comme ceux qui sont pressés de rejeter les mauvaises humeurs qui les incommodent, se contraignent d’abord, mais enfin ne les peuvent plus retenir ; de même ceux qui ont de mauvaises pensées et de mauvais desseins dans le cœur, après s’être retenus quelque temps, rejettent enfin au-dehors ce venin caché, qui se répand en injures et en calomnies.
2. « L’homme qui est bon tire du bon trésor de son cœur ce qui est bon, et l’homme qui est mauvais tire de son mauvais trésor ce qui est mauvais (38). » – Ne croyez pas, nous dit-il, que cette parole : « Que la bouche ne parle que de la plénitude du cœur », ne soit vraie que dans le mal, elle l’est aussi dans le bien. Car il y a plus de vertu dans le fond du cœur des bons qu’il n’en paraît au-dehors dans leurs paroles. Il concluait donc de là qu’on devait croire les Juifs plus malicieux qu’ils ne le paraissaient être par ce qu’ils disaient, et qu’on devait aussi supposer en lui plus de bonté qu’il n’en paraissait dans ses paroles.
Il donne au cœur le nom de « trésor » pour mieux exprimer la multitude des biens ou des maux qu’il renferme. Il tâche ensuite de les frapper de terreur. Ne croyez pas, leur dit-il, que le jugement que Dieu vous réserve se termine seulement à faire connaître à tout le monde la corruption de vos cœurs, mais votre malice sera de plus condamnée à des tourments éternels, Il ne leur adresse pas son discours