Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/35

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Oui, c’est rendre grâces à Dieu que de lui confesser ses péchés, que de reconnaître qu’on est digne de tous les supplices, et qu’on ne souffre jamais autant qu’on devrait. C’est en cela que consiste l’action de grâces.
Prenons donc garde, mes frères, de ne point parler avantageusement de nous, puisque cette vanité nous rend odieux aux hommes, et abominables devant Dieu. Que nos paroles soient d’autant plus humbles que nos actions seront plus grandes ; et cette modestie nous attirera l’estime des hommes et la gloire de Dieu même ; ou plutôt non seulement la gloire de Dieu, mais ses récompenses infinies. N’exigez point votre récompense afin que vous méritiez de la recevoir. Reconnaissez que c’est la grâce de Dieu qui vous sauve, et Dieu agira comme s’il était votre débiteur, en récompensant non seulement vos bonnes œuvres, mais même cette humble reconnaissance.
Lorsque nous faisons des bonnes œuvres, Dieu ne nous doit récompense que pour ce que nous faisons ; mais lorsque nous croyons n’avoir rien fait, nous nous attirons une récompense encore plus grande que par toutes nos vertus. Car l’humilité seule n’est pas moins considérable que les plus grandes œuvres, puisqu’elles ne sont grandes qu’avec elle, et que sans elle, elles ne sont rien. Nous-mêmes, quand nous avons des serviteurs, nous ne les estimons jamais davantage que lorsque nous ayant servi avec une pleine volonté, ils croient néanmoins n’avoir rien fait. Si vous voulez donc que le bien que vous faites soit véritablement grand, croyez qu’il n’est rien, et il sera grand. C’est dans ce sentiment que le centenier disait autrefois : « Je ne suis pas digne, Seigneur, que vous entriez dans ma maison. » (Mt. 8,8) C’est par cette humilité qu’il en devint digne, et qu’il mérita d’être préféré par Jésus-Christ à tous les Juifs. Ainsi saint Paul dit : « Je ne suis pas digne d’être appelé apôtre, (1Cor. 15,9) », et c’est par là qu’il a mérité d’être le premier de tous. Ainsi saint Jean dit : « Je ne suis pas digne de dénouer le cordon de ses souliers » (Lc. 3,16), et il mérite par là de devenir l’ami de l’époux, et cette main qu’il ne croyait pas digne de toucher aux sandales du Christ, le Christ voulut qu’il la posât sur sa tête divine elle-même. Ainsi saint Pierre dit : « Retirez-vous de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur (Lc. 5,8) », et il devient par là le fondement de l’Église.
Car rien ne plaît tant à Dieu que de voir qu’on se met au rang des plus grands pécheurs. C’est là le principe de toute sagesse. Celui qui a le cœur humilié et brisé, ne sera point touché ni de vaine gloire ni d’envie, ni de colère contre son prochain ; il ne sera point sujet à quelque autre passion que ce puisse être. Comme lorsqu’un homme a le bras rompu, quelque effort qu’il puisse faire, il ne peut jamais le lever en haut, ainsi lorsque notre cœur sera vraiment contrit et brisé, quelque violence que les passions lui fassent pour le piquer de vanité, il ne pourra jamais s’élever. Que si celui qui pleure une perte temporelle, est alors comme insensible à toutes les passions de l’âme ; combien celui qui pleure ses péchés, jouira-t-il plutôt de la paix et de la tranquillité de la vertu ?
Mais qui peut, dites-vous, briser son cœur jusqu’à ce point ? Écoutez David en qui cette vertu a brillé de son éclat le plus vif. Voyez jusqu’où allait ce brisement de son cœur ! Car après avoir fait autrefois tant d’actions excellentes ; lorsqu’il fut chassé de sa maison et de sa ville, et qu’il se trouva même en danger de sa vie, voyant un homme vil et méprisable qui l’insultait, et qui le chargeait d’injures, non seulement il ne lui dit aucune parole fâcheuse, mais il arrêta même un de ses capitaines qui allait le tuer, en lui disant : « Laissez-le dire ; car le Seigneur le lui a commandé. » (2Sa. 19,6) Les prêtres lui offraient de l’accompagner partout dans sa fuite avec l’arche, mais il ne le souffrit pas, et il leur répondit : « Reportez l’arche de Dieu dans la ville, et remettez-la dans sa place ; et si je trouve grâce auprès du Seigneur, et qu’il me délivre des maux qui m’accablent, je reverrai son tabernacle ; mais s’il me dit : Je ne veux point de vous, me voici tout prêt, qu’il me traite comme il lui plaira. » (2Sa. 15,25)
Ne voyons-nous pas aussi le comble de la vertu dans cette modération, dont il usa envers Saül, non une ou deux fois, mais plusieurs ? Car il s’était déjà élevé au-dessus de toute la loi ancienne, et il approchait de la perfection de la vie apostolique. C’est pourquoi il agréait tout ce qui lui venait de la part de Dieu, sans demander le pourquoi de rien, sans avoir d’autre souci que d’obéir à la divine volonté et de