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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/354

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Mais examinons ce que veut dire l’exemple que Jésus-Christ leur rapporte d’un homme possédé du démon. Comme ceux, dit-il, qui sont délivrés d’un démon qui les possédait, et qui deviennent ensuite lâches et paresseux, attirent de nouveau le démon en eux, et en sont possédés encore plus dangereusement ; ainsi vous arrivera-t-il. Vous étiez possédés du démon, lorsqu’autrefois vous adoriez les idoles, et que vous égorgiez vos enfants pour en faire des sacrifices au diable, avec une cruauté qui fait horreur. Cependant je ne vous ai pas abandonnés en cet état. J’ai chassé ce démon qui vous possédait, par la voix de mes prophètes, et je suis venu moi-même pour vous purifier et pour vous guérir entièrement. Mais puisque vous ne voulez pas m’écouter, et que vous vous plongez toujours dans de nouveaux crimes, puisqu’après avoir persécuté les prophètes, vous voulez couronner votre malice en me tuant moi-même aussi bien qu’eux ; ne vous étonnez pas si vous souffrez des maux qui égalent vos offenses, et qui surpasseront tout ce que vous avez jamais souffert en Égypte, à Babylone et sous Antiochus. En effet, Vespasien et Titus ont fait plus de mal aux Juifs que leurs anciens ennemis. C’est pourquoi Jésus-Christ dit : « Il y aura alors une affliction telle « que l’on n’en a jamais vue et qu’on n’en « verra jamais de pareille. » (Mt. 24,31)
Mais cet exemple du possédé montre encore que les Juifs, alors destitués de toute vertu, seront d’autant plus susceptibles de toutes les impressions des démons. Quand ils péchaient autrefois, ils avaient des hommes de Dieu parmi eux qui les reprenaient. La providence de Dieu leur tendait la main pour les secourir. La grâce du Saint-Esprit veillait sur eux pour les redresser. Elle faisait tout pour les rappeler au bien. Mais quand le temps de la colère sera venu, ils seront entièrement privés de tous ces secours, ce qui rendra la vertu bien plus rare, le crime bien plus commun, et la tyrannie du démon bien plus violente.
Vous savez tous ce que nous avons vu de notre temps sous l’empire de ce Julien, qui a surpassé en impiété tous ceux qui avaient régné avant lui, et que lorsqu’il portait le fer et le feu contre l’Église, les Juifs se sont unis avec les païens, qu’ils ont pris leurs cérémonies, et qu’ils ont adoré comme eux les idoles. S’ils paraissent un peu plus sages maintenant, ce n’est que la crainte des empereurs qui les retient dans le devoir. Si leur malice n’avait ce frein qui l’arrête, ils seraient plus cruels que jamais, et ils se porteraient à des excès encore plus grands. Car on voit que dans les autres crimes, tels que les enchantements, la magie, et l’impudicité, ils vont plus loin que n’ont jamais été leurs pères. Et quoique retenus par un frein si fort, ils n’ont pas laissé de conspirer souvent, et de se soulever contre les empereurs, et de s’attirer ainsi d’effroyables maux.
4. Où sont donc ceux qui demandent des prodiges et des miracles ? Qu’ils reconnaissent enfin que tout ce que nous devons désirer, c’est d’avoir un esprit sage et une volonté reconnaissante envers Dieu ; et que lorsque cela nous manque tous les miracles sont inutiles. Les Ninivites ont cru sans avoir vu de miracles, et les Juifs, après tant de prodiges, sont devenus pires qu’auparavant. Ils ont été possédés de nouveau par des démons encore plus furieux, et ils se sont attiré un déluge de maux. Et certes c’est avec justice, puisque celui qui une fois délivré d’une affliction temporelle, n’en devient pas plus sage et plus retenu, mérite d’en souffrir une encore plus grande. C’est pourquoi Jésus-Christ dit que ce démon, après qu’il est sorti, « ne trouve plus de repos », c’est-à-dire, qu’il attaquera de nouveau l’homme où il était avec tarit d’adresse qu’il y rentrera une seconde fois. Ces deux choses les devaient faire rentrer en eux-mêmes : les maux qu’ils avaient soufferts et la délivrance qu’ils en avaient obtenue. Une troisième devait même encore leur faire plus d’impression, savoir, la crainte de tomber dans un état encore plus funeste que le premier.
Mais ce qui se passe aujourd’hui nous fait bien voir que ces paroles n’ont pas été seulement dites pour les Juifs. Elles nous regardent comme eux, puisqu’après avoir été éclairés de la lumière de Dieu, et avoir renoncé à nos anciens égarements, nous y retombons encore. Faut-il douter après cela que les péchés que nous commettons maintenant ne soient un jour plus sévèrement punis ? C’est l’avis que Jésus-Christ donnait au paralytique : « Vous voilà maintenant guéri, ne péchez plus, de peur qu’il ne vous arrive pis. » (Jn. 5,14)
Vous me demanderez peut-être ce qui pouvait arriver de pis à un homme qui était paralytique depuis trente-huit ans. Mais hélas !