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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/359

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père, afin qu’il ne différât peint de le suivre, combien eût-il été plus éloigné d’interrompre ses prédications pour des sujets qui ne le méritaient pas ? On voit donc qu’ils agissaient humainement en cette rencontre et par un désir secret de vaine gloire.
Saint Jean exprime encore plus clairement cette disposition des parents de Jésus-Christ, lorsqu’il dit : « Que ses frères mêmes ne « croyaient pas en lui. » (Jn. 7,5) Il rapporte même de leurs paroles où il y a beaucoup d’indiscrétion. Ils lui faisaient, dit-il, violence pour le faire venir à Jérusalem dans l’espérance de tirer de la gloire des miracles qu’il y ferait : « Si vous faites ces choses, faites-vous connaître au monde. Car nul homme « n’agit en secret ; lorsqu’il veut être connu dans le public. » (Id. 4) C’est alors que Jésus-Christ les réprimanda de leurs pensées charnelles et terrestres, parce que les Juifs disaient de lui : ce N’est-ce pas là ce fils d’un artisan dont nous connaissons le père et la « mère, et dont les frères sont parmi nous ? » lui reprochant ainsi la bassesse de sa naissance ; ses parents le portaient au contraire à se relever par la grandeur de ses miracles. Mais Jésus-Christ les rebute pour les guérir de cette passion.
Si le Sauveur avait voulu renoncer sa mère, il l’aurait fait, lorsqu’on en voulait tirer un sujet de le mépriser. Mais il a été si éloigné de cette pensée, et il a eu d’elle un soin si particulier, que près d’expirer sur la croix, il l’a recommandée au plus chéri de ses disciples, et lui a ordonné de la regarder comme sa mère. Que s’il parle d’elle en cet endroit avec plus de sévérité, c’est qu’il voulait guérir l’esprit de ses proches, qui ne le considéraient que comme un homme ordinaire, et qui tiraient vanité de ce qui paraissait de grand en lui. Il les reprend donc, mais comme un médecin ; et ces paroles ne sont pas pour les blesser, mais pour les guérir.
Ne considérez donc pas seulement cette réprimande de Jésus-Christ, laquelle est pleine de modération et de sagesse ; mais pensez en même temps, combien était téméraire et inconsidérée la hardiesse de ses proches, et surtout quel est celui qui fait la réprimande. Ce n’est pas un simple homme, c’est un Dieu, et le Fils unique du Père. Pesez bien aussi le dessein dans lequel il leur parle. Car il ne voulait point les confondre, mais les délivrer de la passion la plus tyrannique ; leur inspirer des sentiments plus relevés de sa personne ; et leur persuader qu’il n’était pas seulement le Fils, mais encore le Maître et le Seigneur de Marie. Considérez ces raisons et vous reconnaîtrez que cette réprimande de Jésus-Christ était très-digne de lui, très-utile à ceux à qui il la fait, et toute pleine de modération et de sagesse. Car il ne dit pas : va et dis à ma mère qu’elle n’est pas ma mère ; c’est à celui même qui lui parle qu’il répond : « qui est ma mère « et qui sont mes frères ? » Et ces paroles, outre le sens qui vient d’être indiqué, ont encore une autre portée. Laquelle ? Elles tendent à faire comprendre à ceux qui sont là que ni eux ni personne ne peut trouver assez d’avantage dans les liaisons de la chair et du sang pour avoir le droit de négliger la vertu. Car puisqu’il n’eût servi de rien à la Vierge même d’être la Mère de Jésus-Christ si elle n’eût soutenu cette dignité par sa vertu, combien toutes les alliances charnelles seront-elles moins utiles à tous les autres ? La parenté véritable qui nous lie avec Jésus-Christ, est de faire la volonté de son Père. C’est cette liaison qui ennoblit l’âme, et qui la rend plus illustre que tous les avantages de la chair et du sang.
2. Comprenons donc cette vérité, mes frères, et si nous avons des enfants qui se signalent par leur piété, ne tirons point vanité de leur gloire, si nous n’avons aussi leur vertu. Ne nous glorifions peint de même de la piété de nos pères, si nous ne tâchons de leur ressembler. Il peut se faire dans le christianisme que celui qui nous aura donné la vie ne soit pas notre père, et qu’un autre le sera véritablement, quoiqu’il ne nous ait pas engendrés. C’est pourquoi lorsqu’une femme disait à Jésus-Christ dans un autre endroit de l’Évangile : « Bienheureux le sein qui vous a porté, « et les mamelles que vous avez sucées « (Lc. 11,27) », il ne lui répond point : Je n’ai point été porté dans le sein d’une femme, et je n’ai point sucé ses mamelles ; mais « bienheureux au contraire ceux qui font la volonté de mon Père ! » Ainsi on peut remarquer partout qu’il ne désavoue pas cette liaison et cette parenté charnelle ; mais qu’il lui en préfère une autre qui est toute spirituelle et toute sainte.
Quand le bienheureux précurseur disait aux Juifs : « Race de vipères, ne dites point : Nous avons Abraham pour père (Mt. 3,17) » ils ne niaient pas qu’ils descendissent en effet d’Abraham selon la chair ; mais il leur déclarait qu’il ne leur servirait de rien d’être sortis d’Abraham, si leur vie n’était semblable à la sienne. C’est ce que Jésus-Christ exprime clairement, lorsqu’il leur dit : « Si vous étiez les enfants d’Abraham vous en feriez les actions. » Il ne veut pas dire qu’ils ne descendaient pas d’Abraham selon la chair, mais il les exhorte à