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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/361

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vous point cette parabole ? » (Mc. 4,13) Mais ce n’était pas seulement – pour ces raisons qu’il leur parlait en paraboles. Il 1e faisait encore pour donner plus de poids et plus de force à son discours, pour le mieux imprimer dans la mémoire de ses auditeurs, et pour leur rendre les vérités qu’il leur disait plus sensibles et plus palpables. C’est ainsi que les prophètes ont agi autrefois lorsqu’ils ont parlé aux peuples. Quelle est donc cette parabole ?
3. « Celui qui sème est sorti pour aller semer (3) » D’où est « sorti » celui qui est présent partout et qui remplit tout ? Comment a-t-il pu sortir et où a-t-il pu aller ? Mais quand Jésus-Christ s’est approché de nous par son incarnation, il ne l’a pas fait en passant d’un lieu en un autre, mais en se faisant homme et en se rendant visible à nous. Comme nos péchés nous séparaient de Dieu et qu’ils étaient comme une muraille qui nous fermait l’entrée pour aller à lui, il est lui-même venu à nous. Et – pour quel sujet y est-il venu ? Est-ce pour perdre la terre qui était toute couverte de ronces et d’épines ? Est-ce pour punir les laboureurs de leur lâcheté et de leur paresse ? Nullement. Mais il est venu pour en être le laboureur lui-même ; pour rendre cette terre fertile, en la cultivant avec soin, et pour y semer sa parole comme une semence précieuse de vertu et de piété. Car j’entends ici par cette « semence » sa parole ; par la « terre » qui la reçoit, nos âmes, et il est lui-même « celui qui la sème. » Mais que devient enfin cette semence ? Il s’en perd trois parties, et il ne s’en sauve qu’une.
« En semant, une partie de la semence tomba le long du chemin, et les oiseaux vinrent et la mangèrent (4). » Il ne dit pas qu’il ait lui-même jeté cette semence hors du chemin, mais qu’elle y est tombée. « Une autre tomba dans des lieux pierreux, où elle n’avait pas beaucoup de terre, et elle leva aussitôt, la terre où elle était ayant peu de profondeur (5). Le soleil s’étant levé ensuite, elle en fut brûlée ; et comme elle n’avait pas beaucoup de racine, elle se dessécha (6). Une autre tomba dans les épines, et les épines crurent et l’étouffèrent (7). Une autre partie de la semence tomba dans une bonne terre, et elle fructifia ; quelques grains rendant cent pour un, d’autres soixante, et d’autres trente (8). Que celui-là l’entende qui a des oreilles pour entendre (9). Il n’y a que cette quatrième partie de toute la semence qui se sauve, et encore même avec beaucoup d’inégalité et de différence. Jésus-Christ voulait dire par là qu’il offrait indifféremment à tous les instructions de sa parole. Car comme un laboureur ne choisit point en semant, et ne fait aucun discernement d’une terre d’avec une autre, mais répand sa semence également partout, Jésus-Christ de même, en prêchant, ne faisait point de distinction entre le riche et le pauvre, entre le savant et l’ignorant, entre l’âme ardente et celle qui était lâche et paresseuse. Il semait de même sur tous les cœurs, et il faisait de son côté tout ce qu’il devait faire, quoiqu’il n’ignorât pas quel devait être le succès de son travail. Après cela il pourra dire véritablement : « Qu’ai-je dû faire que je n’aie point fait ? » (Is. 13,9) Les prophètes comparent partout le peuple à une vigne. Isaïe dit : « Il est devenu comme une vigne. » (Is. 5) Et David dit : « Vous avez « transféré votre vigne de l’Égypte. » (Ps. 79,13) Et Jésus-Christ le compare à un champ semé, pour marquer que les hommes allaient à l’avenir lui obéir avec plus de promptitude et que la terre porterait bientôt d’excellents fruits.
Ces paroles : « Celui qui sème est sorti pour aller semer », ne doivent pas être regardées comme une redite. Car un laboureur sort souvent pour d’antres choses que pour semer. Il sort pour labourer et pour cultiver la terre. Il sort pour en arracher les épines et toutes les mauvaises herbes, ou pour d’autres sujets semblables ; mais Jésus-Christ n’est sorti que pour semer. D’où vient donc, mes frères, qu’une si grande partie de cette semence se perd ? Il n’en faut pas accuser celui qui sème, mais la terre qui reçoit cette semence, c’est-à-dire l’âme qui n’écoute point cette divine parole. Pourquoi ne dit-il pas plutôt que les lâches ont reçu cette semence et l’ont laissé perdre ? que les riches l’ont reçue et l’ont étouffée ? que ceux qui vivaient dans la mollesse l’ont reçue et qu’ils l’ont rendue inutile ? Jésus-Christ ne veut pas parler si clairement pour ne point porter ces peuples au désespoir. Il veut les laisser à eux-mêmes, et il veut que ce soit leur propre conscience qui les justifie ou qui les condamne.
Ce qui arrive ici à la semence dont une partie se perd, arrive aussi ensuite à la pêche, où l’on rejette une partie des poissons qu’on avait pris.