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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/362

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Jésus-Christ dit à dessein cette parabole à ses disciples, pont les fortifier par avance et pour les avertir que si dans la suite des temps ils voyaient beaucoup de ceux à qui ils auraient prêché l’Évangile, se perdre, ils ne devaient pas pour cela se décourager, puisque la même chose était arrivée à Jésus-Christ, qui, sachant le peu de succès que devait avoir la divine semence, n’avait pas néanmoins laissé de semer.
Mais comment peut-on concevoir, me dites-vous, qu’on sème sur des épines, sur des pierres et dans des chemins ? Je vous réponds que cela serait ridicule à l’égard d’une semence matérielle qu’on jette sur la terre ; mais à l’égard de nos âmes et de la parole de Dieu, c’est une chose qui ne peut être que très louable. On blâmerait très justement un laboureur s’il perdait ainsi sa semence, parce que les pierres ne peuvent devenir de la terre et que les chemins ne peuvent cesser d’être des chemins, ni les épines d’être des épines. Mais il n’en est pas ainsi de nos âmes Les pierres les plus dures peuvent se changer en une terre très fertile. Les chemins les plus battus peuvent n’être plus foulés aux pieds, ni exposés à tous les passants, mais devenir un champ bien préparé et bien cultivé. Les épines peuvent disparaître pour faire place à la semence, afin que le grain croisse et pousse en haut, sans qu’il trouve rien qui l’empêche de monter.
Si ces changements étaient impossibles, le semeur divin et adorable n’aurait jamais rien semé dans le monde. Et s’ils ne sont pas arrivés dans toutes les âmes, ce n’est point la faute du laboureur, mais de ceux qui n’ont pas voulu se changer. Il a accompli avec un soin entier ce qui dépendait de lui. Si les hommes, au lieu de correspondre à son ouvrage ; l’ont au contraire détruit en eux-mêmes, il n’est point responsable de leur perfidie, après qu’il a témoigné tant de bonté et tant d’affection envers les hommes.
Mais remarquez ici, je vous prie, qu’on ne se perd pas en une seule manière, mais en plusieurs qui sont différentes l’une de l’autre.
Ceux qui sont comparés « au chemin », sont les paresseux, les lâches et les négligents. Ceux qui sont figurés « par la pierre », sont ceux qui tombent seulement par faiblesse : « Celui », dit l’Évangile, « qui est semé sur les pierres est celui qui écoute la parole, et la reçoit aussitôt avec joie, mais il n’a point de racine en lui-même et n’a cru que pour un temps, et lorsqu’il s’élève quelque persécution à cause de la parole, il se scandalise, aussitôt. Lorsqu’un homme écoute la parole de Dieu et n’y donne point d’attention, l’esprit malin vient ensuite, et il enlève ce qui avait été semé dans son cœur. C’est là celui qui est marqué par la semence qui tombe le long du, chemin. » Ce n’est pas un crime égal de renoncer à la parole de l’Évangile, lorsque personne ne nous y contraint par ses persécutions, ou de le faire seulement en cédant à la force et à la violence.
Mais ceux qui sont figurés « par les épines » sont encore bien plus coupables que les autres.
4. Afin donc, mes frères, que nous ne tombions point dans ces malheurs, cachons cette divine semence dans le fond de notre âme et conservons-la comme un trésor précieux dans notre mémoire. Si le diable fait ses efforts pour nous la ravir, il dépend de nous d’empêcher qu’il ne nous l’ôte. Si cette semence se sèche, cela ne vient point de l’excès de la chaleur ; Jésus-Christ ne dit point que ce soit le grand chaud qui produise cet effet ; mais il dit : « Parce qu’elle n’a point de racine. » Si cette sainte parole est étouffée, il n’en faut point accuser les épines, mais celui qui les laisse croître. On peut couper si l’on veut cette tige malheureuse et se servir utilement de ses richesses. C’est pourquoi Jésus-Christ ne dit pas simplement « le siècle ; » mais « les soins du siècle ; » ni « les richesses » en général, « mais la tromperie des richesses. » N’accusons donc point les choses en elles-mêmes, mais l’abus que nous en faisons et la corruption de notre esprit. On peut être riche sans se laisser surprendre par les richesses. On peut demeurer dans le monde sans être accablé de ses soins. Les richesses ont deux maux qui sont opposés l’un à l’autre ; l’un d’exciter notre avarice et d’allumer nos désirs, et l’autre de nous rendre lâches et mous. Et c’est avec grande raison que Jésus-Christ attribue cette « tromperie » aux richesses. Car il n’y a rien daims les richesses que de trompeur. Ce n’est qu’un nom vain qui n’a rien de solide et de véritable. Le plaisir, la gloire, la beauté et toutes les choses semblables ne sont que des fantômes, qui n’ont point d’être et de subsistance.
Enfin, après avoir marqué ces différentes manières, par lesquelles les hommes se perdent,