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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/37

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n’en sont pas revenus meilleurs et qu’il était nécessaire que Dieu lui-même vînt habiter parmi eux pour les corriger.
Mais saint Marc, direz-vous, procède autrement : il ne dit rien de la généalogie de Jésus-Christ, et il abrège tout ; pourquoi cela ? Je crois que saint Matthieu a écrit le premier de tous, et que c’est ce qui l’a obligé à rapporter exactement cette généalogie, et à s’étendre assez au long sur ce qu’il était urgent de dire ; au lieu que saint Marc écrivant après lui, a tout naturellement abrégé ce qu’un autre avait déjà rapporté en détail, et ce que tout le monde connaissait. Vous me direz peut-être que cette raison n’a pas empêché saint Luc de donner la généalogie du Seigneur, et même plus longuement que ne fait saint Matthieu. À quoi je réponds que c’est parce qu’ayant été prévenu par saint Matthieu, il tâchait d’ajouter quelque chose à la relation de son devancier. Chacun d’eux imitant son maître, saint Marc reproduit le laconisme de saint Pierre, et saint Luc l’abondance de saint Paul, qui coule et se répand comme un grand fleuve.
2. Mais pourquoi saint Matthieu ne dit-il pas comme les prophètes au commencement de son évangile : « Voici la vision qui m’a apparu (Is. 1,1) ; » ou : « Voici la parole que le Seigneur m’a adressée ? » (Jer. 2,1) C’est parce qu’il écrivait pour des personnes dociles et remplies de déférence et d’attention. D’ailleurs les miracles mêmes rendaient témoignage à ses paroles, et les chrétiens pour qui il composait son évangile étaient déjà affermis dans la foi. Mais les prophètes ne faisaient pas tant de miracles, et ils étaient combattus par beaucoup de faux prophètes, auxquels les Juifs ajoutaient plus de foi qu’aux véritables. Voilà pourquoi ils usaient de ce genre de début. S’ils ont fait des miracles en certains temps, c’était à cause des étrangers et des barbares, afin d’augmenter le nombre des prosélytes, et pour donner quelque marque de la toute-puissance de Dieu, de peur que les ennemis de son peuple ne crussent l’avoir vaincu par la puissance de leurs idoles. Ainsi il est marqué qu’après les miracles opérés en Égypte, beaucoup d’Égyptiens suivirent les Israélites dans le désert. C’est ce qui arriva encore en Babylone après le miracle de la fournaise, ou l’interprétation des songes. Ils en virent aussi éclater beaucoup, lorsqu’ils étaient dans le désert, comme il s’en est fait aussi parmi nous pour l’établissement du christianisme, lorsque nous sommes sortis de l’erreur pour embrasser la loi du Sauveur. Mais ils ont cessé après que la religion a eu pris racine dans tout l’univers.
Après ces deux époques, les miracles ont été rares, et pour ainsi dire clairsemés, chez les Hébreux comme parmi les chrétiens ; ainsi Josué arrêta le soleil au milieu de sa course, et Isaïe le fit retourner en arrière. De nouveaux miracles ont également éclaté parmi nous, par exemple de notre temps sous l’empereur Julien, le plus impie de tous les princes. Car lorsque les Juifs entreprirent de rebâtir leur temple de. Jérusalem, on a vu sortir des fondations un feu qui mit en fuite ceux qui y travaillaient. Lorsque cet impie porta sa fureur jusqu’à profaner les vases sacrés, on a vu son trésorier, et son oncle qui portait le même nom que lui, mourir tous deux : l’un fut mangé des vers, et l’autre creva tout d’un coup par le milieu du corps. On a vu des fleuves cesser de couler dans des pays, à cause des sacrifices abominables qu’on y avait faits. On a vu enfin une famine se répandre sur toute la terre, en même temps que cet empereur impie y répandait ses désordres, Et ce sont là certes de grands miracles. Dieu fait d’ordinaire ces prodiges lorsque le mal se multiplie sur la terre ; lorsqu’il voit que les siens sont dans les dernières extrémités, et que leurs ennemis, enivrés de leur prospérité, les tyrannisent avec violence. Il a coutume de se déclarer alors, et de signaler sa puissance par des miracles, comme il le fit dans la Perse en faveur des Juifs.
Il est donc clair par ce que nous avons dit, que ce n’est pas sans raison que l’Évangéliste divise en trois parties la liste des ancêtres du Christ. Voyez maintenant où il commence chacune de ces parties, et où il la finit. La première commence à Abraham, et finit à David. La seconde commence à David, et finit à la transmigration de Babylone ; et la troisième commence à la transmigration de Babylone, et finit à Jésus-Christ. Bien que dès le commencement de cette généalogie, il nomme David et Abraham l’un à la suite de l’autre, il ne laisse pas de les nommer encore en leur rang : s’il les nomme ensemble et à part des autres, c’est parce qu’ils étaient les deux hommes à qui Dieu avait particulièrement promis le Messie.