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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/38

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Mais puisque l’Évangéliste parle de la captivité de Babylone, pourquoi ne parle-t-il pas de même de celle d’Égypte ? C’est parce que les Juifs ne craignaient point alors les Égyptiens, et qu’ils tremblaient au contraire au seul nom de Babylone. La Servitude de l’Égypte était une chose fort ancienne, mais celle de Babylone était toute récente. D’ailleurs ils n’avaient pas été envoyés en Égypte pour leurs péchés, tandis qu’ils furent transportés à Babylone, en punition de leurs crimes et de leur idolâtrie.
Si l’on voulait examiner le sens des noms hébreux, on y trouverait de grands mystères, qui ne servent pas peu à l’intelligence du Nouveau Testament, comme dans les noms d’Abraham, de Salomon, de Zorobabel, parce que ces noms n’ont été donnés que pour des raisons très importantes. Mais je passe ces choses pour ne point vous ennuyer par des longueurs, et pour venir à d’autres remarque plus considérables.
Après avoir énuméré tous les ancêtres de Jésus-Christ, lorsqu’il vient à Joseph, il ne le nomme pas simplement comme les autres ; mais il ajoute : « Qui était l’époux de Marie », afin de nous apprendre par ces mots que c’était à cause de Marie qu’il avait rapporté la généalogie de Joseph. Mais de peur qu’en lisant ces mots : « Qui était l’époux de Marie », on ne crût que Jésus-Christ serait né par la voie ordinaire du mariage, voyez comment il prévient cette pensée. Vous avez entendu, semble-t-il nous dire, le nom de l’époux, celui de la mère, et celui de l’enfant : écoutez maintenant comment cette naissance s’est passée.
Or Jésus-Christ « naquit de cette manière. » De quelle naissance allez-vous parler, saint Évangéliste, puisque vous avez déjà nommé tous les ancêtres de Jésus-Christ ? Je veux, nous répond-il, vous expliquer la manière dont il est né. Voyez comme il excite l’attention du lecteur ; il va raconter une chose nouvelle et extraordinaire, il prend donc une précaution et promet de dire la manière dont elle s’est faite.
Considérez, je vous prie, l’ordre admirable qu’il garde dans ce qu’il dit. Il ne rapporte point d’abord comment Jésus-Christ est né. Il prend soin auparavant de nous dire de combien de degrés Jésus était éloigné d’Abraham de David, et de la transmigration en Babylone, il avertit ainsi le lecteur d’avoir soin de bien supputer les temps, afin de se convaincre que le Christ dont on parle, est celui-là même qui a été prédit par les prophètes. Quand on aura compté les générations, et reconnu parla supputation des temps que Jésus-Christ est le Messie, le miracle de sa naissance se fera croire plus aisément. Comme il devait dire une grande chose, savoir, que Jésus-Christ est né d’une vierge, avant d’arrêter l’attention sur le compte des temps il couvre en quelque sorte délicatement ce mystère en nommant Joseph « l’époux de Marie. » Puis il divise la suite de cette généalogie, et il marque les temps pour donner sujet au lecteur de considérer que Jésus-Christ est Celui dont le patriarche Jacob avait prédit la naissance lorsque la race des princes de Juda cesserait ; Celui que le prophète Daniel avait aussi annoncé devoir venir au monde après ces semaines si fameuses dont il précise le nombre. En effet que l’on compte les années éboulées depuis le rétablissement de Jérusalem jusqu’à Jésus-Christ, et l’on trouvera que leur nombre concorde exactement avec le nombre révélé par Venge à Daniel. Mais comment donc est né Jésus-Christ ? « Joseph », dit l’Évangile, « ayant épousé Marie sa mère. » Il ne dit pas la Vierge ; mais simplement « sa mère » afin que ce qu’il dirait fût reçu plus aisément. Et après avoir préparé le lecteur en se retenant d’abord, et en ne lui faisant entendre qu’une chose commune et ordinaire, il le frappe ensuite par une merveille surprenante en disant : « Avant qu’ils eussent été ensemble elle fut reconnue grosse ayant conçu du Saint-Esprit. » Il ne dit pas avant qu’elle fût entrée dans la maison de son époux, parce qu’elle y était déjà. La coutume était autrefois de faire venir les fiancées dans la maison de leurs futurs maris ; ce qui se fait encore quelquefois. On voit que les gendres de Loth demeuraient chez leur beau-père avec leurs épouses. Marie demeurait donc ainsi avec Joseph son époux.
3. Mais pourquoi la Vierge ne conçut-elle point avant que Joseph l’eût épousée ? C’était, comme j’ai déjà dit, afin que ce mystère demeurât caché, et que la Vierge fût exempte de tout soupçon. Ensuite lorsqu’on voit un homme si juste qui eût dû plus que tout autre être jaloux en pareil cas, non seulement ne pas rejeter ni déshonorer son épouse, mais la garder avec lui respectueusement, mais la servir et la protéger pendant sa grossesse, on