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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/382

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toutes parts la semence de sa parole. « Et étant venu en son pays il les instruisait dans leur synagogue (54). » Je crois que ce « pays » dont l’évangile parle, est Nazareth, parce que nous allons voir dans la suite, « Que Jésus-Christ ne fit pas là beaucoup de miracles : » ce qu’on ne peut dire de Capharnaüm dont il est écrit : « Et vous, Capharnaüm qui avez été élevée jusqu’au ciel, vous serez abaissée jusques au fond des enfers, parce que si les miracles qui ont été faits au milieu de vous avaient été faits dans Sodome, elle se serait conservée peut-être jusques aujourd’hui. »(Mt. 11,23 ; Lc. 10,16) Étant venu en son pays il n’y fait que peu de miracles, pour ne pas irriter davantage l’envie de ses concitoyens contre sa personne, et pour ne pas attirer une plus grande condamnation sur leur incrédulité si opiniâtre.
Mais il leur propose sa doctrine sainte qui ne méritait pas moins d’être admirée que les miracles. Et cependant ces insensés, bien loin d’être frappés d’étonnement et d’admirer un homme qui leur parlait de la sorte, le méprisent au contraire à cause de Joseph qui passait pour son père ; quoiqu’ils eussent tant d’exemples, dans les siècles précédents, d’hommes, qui, sortis d’une race obscure, s’étaient par eux-mêmes rendus très-illustres. David était fils d’un laboureur ; Amos, d’un gardeur de chèvres, et gardeur de chèvres lui-même ; et Moïse, ce grand législateur, était né d’un père beaucoup au-dessous de lui. Plus Jésus-Christ leur paraissait un homme simple, plus ils devaient être frappés des grandes choses qu’il leur disait, puisque c’était une preuve que sa sagesse n’était point l’effet d’une étude humaine, mais de la seule grâce de Dieu. Et cependant ce qui leur devait donner de l’admiration, ne leur donne que du mépris.
Jésus-Christ fréquentait les synagogues, de peur qu’en demeurant toujours dans le désert, on ne le regardât comme un schismatique, et comme un ennemi de l’État : « Étant donc saisis d’étonnement, ils disaient : D’où est venue à celui-ci cette sagesse et cette puissance (54) ? » Ils appelaient ses miracles du nom de puissance, ou bien ils marquaient par ce terme la prédication de son Évangile. « N’est-ce pas là le fils de ce charpentier (55) ? » Mais c’est précisément ce qui augmente le miracle et le prodige. « Sa mère ne s’appelle-t-elle pas Marie ? et ses frères, Jacques, Joseph, Simon et Jude ? Et ses sœurs ne sont-elles pas toutes parmi nous ? D’où lui viennent donc toutes ces choses (56) ? Et ils se scandalisaient à son sujet (57). » Quoi donc ! n’était-ce pas cela même qui devait surtout vous porter à le croire ? Mais l’envie est une étrange passion, et elle se combat souvent elle-même. Ce qu’il y avait de plus surprenant, de plus merveilleux, de plus capable d’attirer ces hommes à Jésus-Christ, c’était là ce qui les en éloignait Je plus. Que leur dit donc le Fils de Dieu ? « Un prophète n’est sans honneur que dans son pays et dans sa maison (57). Et il ne fit pas là beaucoup de miracles à cause de leur incrédulité (58). » Saint Luc dit la même chose. Mais, dira quelqu’un, n’était-ce pas au contraire une raison d’en faire davantage ?
Car puisque l’Évangile marque qu’il était admiré à cause de ces miracles, pourquoi n’en faisait-il pas un grand nombre dans un pays où il n’était pas considéré comme il méritait ? C’est parce qu’il ne cherchait jamais sa gloire dans ses œuvres miraculeuses, mais le seul avantage des hommes. Comme donc les miracles ne gagnaient rien sur ceux-ci, Jésus-Christ méprisa la gloire qui lui en serait revenue, et il ne voulut pas qu’un plus grand abus de ses grâces rendît ces hommes plus punissables.
Cependant remarquez combien il avait laissé passer de temps, et combien il avait fait de miracles avant que de revenir à Nazareth. Et néanmoins ils ne le peuvent encore souffrir, et leur envie en devient plus furieuse.
Mais d’où vient, me direz-vous, qu’il a voulu faire parmi eux quelques miracles ? C’était pour ne pas donner sujet à ce peuple de lui dire : « Médecin, guérissez-vous vous-même. » C’était pour l’empêcher de se plaindre de lui et de dire qu’il les haïssait, qu’il était leur ennemi, et qu’il méprisait ses concitoyens. C’était encore pour les empêcher de s’excuser et de dire : s’il avait fait des miracles parmi nous nous aurions cru en lui. C’est pourquoi il en fait quelques-uns et s’abstient d’en faire davantage, pour accomplir d’un côté ce qui était de son devoir, et pour éviter de l’autre d’attirer sur eux une plus grande condamnation.
Considérez, mes frères, qu’elle était la force