Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/383

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

des paroles de Jésus-Christ, puisque malgré leur envie, ces hommes ne laissaient pas d’être frappés d’admiration. Mais comme, dans les miracles de Jésus-Christ, ils n’accusaient pas l’action qui paraissait au-dehors, mais se formaient seulement de vaines chimères qui n’avaient point de fondement, en disant : « Il chasse les démons au nom de Béelzébub « (Mt. 12,24 ; Lc. 11,14) » de même lorsqu’il s’agit de sa doctrine, ils ne la blâment point en elle-même, mais ils se rejettent sur sa personne pour le décrier par la bassesse de sa naissance.
Considérez, mes frères, la modestie du Fils de Dieu : il ne les méprise point, il ne les traite point avec aigreur, mais il leur dit avec une douceur extrême : « Un prophète n’est sans honneur que dans son pays ; » et il ne s’arrête pas là, mais il ajoute « et dans sa maison », pour marquer, je crois, ses propres frères.
2. Jésus-Christ dans saint Luc (Lc. 4,25) rapporte quelques exemples semblables. Il fait voir qu’Élie ne se réfugia pas chez ses concitoyens, mais chez une veuve étrangère, et qu’Élisée ne guérit point de lépreux parmi les Juifs, mais le seul Naaman qui était un étranger, et qu’il ne fit aucun miracle sur ses concitoyens. Jésus-Christ leur parlait de la sorte pour leur faire voir que leurs pères avaient été méchants comme eux, et que si leur conduite était coupable, elle n’était pas quelque chose de nouveau. « En ce temps-là Hérode le Tétrarque entendit parler des actions de Jésus (14, 1). » Le roi Hérode, le père de celui dont parle ici l’Évangile, celui enfin qui avait fait mourir les innocents, était mort. Si l’écrivain sacré marque si expressément le temps, ce n’est pas sans raison ; il veut nous faire voir l’orgueil et l’indifférence de ce potentat qui n’entend parler des merveilles qu’opérait Jésus-Christ que longtemps après qu’elles ont commencé d’éclater. C’est ce qui arrive tous les jours aux grands du monde. Comme ils sont pleins du faste de leur grandeur, ils ne connaissent que tard ces choses si extraordinaires, parce qu’ils s’en mettent fort peu en peine.
Mais considérez ici, mes frères, quelle est la force de la vertu ! ce tyran craint tellement saint Jean tout mort qu’il est, que cette frayeur lui fait reconnaître la résurrection. « Il dit à ceux de sa cour : C’est sans doute Jean-Baptiste que j’ai tué, qui est ressuscité d’entre les morts, et c’est pour cela qu’il se fait par lui tant de miracles (2). » Admirez jusqu’où va la crainte de ce tyran. Il n’ose pas dire ces paroles à des étrangers. Il ne se découvre qu’à ceux de sa maison. Mais sa pensée était bien absurde, et d’une grossièreté toute militaire. Soit, on avait vu des morts ressusciter, mais en avait-on jamais vus qui eussent opéré les mêmes œuvres que Jésus-Christ opérait alors ? Il me semble que l’ambition se mêle aussi avec la crainte dans ces paroles,
Car c’est le propre des âmes déréglées de s’abandonner ainsi en même temps à des passions toutes contraires. Saint Luc rapporte que le peuple, en parlant de Jésus-Christ, disait que « c’était Élie ou Jérémie, ou quelque autre des anciens prophètes (Lc. 9,7) ; » mais ce prince voulant parler plus sagement que le peuple, dit cette impertinence de la résurrection de saint Jean. Peut-être aussi qu’Hérode, entendant dire que Jésus-Christ était Jean-Baptiste (quelques-uns en effet le disaient), répondit d’abord ; non ; car j’ai tué Jean à cause de son insolence (Saint Marc et saint Luc rapportent en effet que ce prince se vantait d’avoir décapité Jean) ; et que voyant ensuite la persistance de ce bruit, de cette croyance, il finit, lui aussi, par dire comme tout le monde. L’Évangéliste prend de là occasion de raconter assez au long la mort de saint Jean. Pourquoi ne la rapporte-t-il que comme un fait accessoire, et seulement en passant ? Parce que, son unique objet, c’était de parler de Jésus-Christ. Saint Matthieu, non plus que les autres Évangélistes, ne font jamais de digression, à moins qu’elle ne puisse servir à leur but principal. C’est pourquoi ils n’auraient pas même mentionné cette histoire, si elle n’eût été liée à celle de Jésus-Christ, si Hérode n’eût dit que Jésus-Christ n’était autre que saint Jean ressuscité. Saint Marc dit qu’Hérode estimait beaucoup saint Jean quoiqu’il le reprît avec une grande liberté. Car la vertu a tant de force, qu’elle se fait respecter même de ses plus grands ennemis. L’évangile donc rapporte ainsi cette histoire : « Hérode ayant « fait prendre Jean l’avait fait lier et mettre en « prison à cause d’Hérodiade, la femme de « son frère (3). Parce que Jean lui disait : il ne « vous est point permis d’avoir cette femme (4). « Et ayant