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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/384

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envie de le faire mourir il avait eu peur du peuple, parce que Jean était regardé comme un prophète (5). » Saint Jean ne reprenait point cette femme, mais seulement Hérode, parce qu’il avait plus de part au crime, et plus de pouvoir pour le faire cesser. Considérez aussi combien l’Évangéliste se modère, et comme il rapporte cet événement, en le racontant plutôt comme une histoire, qu’en l’exagérant comme un grand crime. « Comme Hérode célébrait le jour de sa naissance, la fille d’Hérodiade dansa publiquement devant lui et elle lui plut (6). » O festin diabolique ! ô assemblée de démons ! ô danse cruelle !, ô récompense encore plus cruelle ! On y décide en un moment la mort la plus injuste. On y fait mourir un homme qui ne méritait que des louanges et des couronnes. On apporte à ce festin cette tête qui était le trophée des démons, et le moyen dont on se servit pour gagner cette victoire était digne d’un si détestable succès : « Car la fille d’Hérodiade dansa, et plut à Hérode. De sorte qu’il lui promit avec serment de lui donner tout ce qu’elle lui demanderait (7). Mais cette fille ayant été instruite auparavant par sa mère, lui dit : Donnez-moi présentement dans ce plat la tête de Jean-Baptiste (8). » Cette fille est doublement criminelle : premièrement en ce qu’elle danse ; secondement en ce qu’elle plaît à Hérode, et lui plaît de telle sorte, qu’elle reçoit un homicide comme le prix de sa danse.
Considérez aussi la cruauté de ce prince, et son insensibilité pleine de folie. Il s’engage par min serment, et il permet à cette fille de lui demander tout ce qu’elle veut. Mais lorsqu’il reconnut dans quel excès il s’était engagé, il en fut fâché », dit l’Écriture. Pourquoi fut-il fâché de la mort d’un homme qu’il avait osé faire emprisonner ? C’est parce que la vertu est si puissante, qu’elle se fait admirer même des impies. Mais que dirons-nous de cette femme furieuse ? Au lieu d’admirer saint Jean de l’honorer, de le respecter, et de l’aimer comme celui qui faisait tous ses efforts pour la délivrer de l’oppression honteuse de ce tyran, elle ne lui dresse que des pièges, elle ne désire que sa mort, et elle la demande comme une grâce qui n’était digne que d’un démon. « Néanmoins il craignit à cause du serment qu’il avait fait, et de ceux qui étaient à table avec lui, et il commanda qu’on la lui donnât (9). » Malheureux prince ! que ne craigniez-vous plutôt ce qui était plus à craindre ? Si vous craigniez d’avoir ces personnes pour témoins de votre parjure, que ne craigniez-vous davantage d’avoir tous les siècles pour témoins d’un meurtre si exécrable ?
3. Mais comme je crois que plusieurs de ceux qui m’écoutent, ignorent quel était le crime que saint Jean reprenait en ce prince, et qui donna lieu à sa mort, je pense qu’il est nécessaire d’en dire un mot. Et ceci vous servira pour admirer encore davantage la sagesse des lois de Moïse. Car Hérode avait violé l’une de ces anciennes lois, et saint Jean la soutenait contre lui : « Si quelqu’un », dit Moïse, « meurt sans enfants, qu’on donne à son « frère la femme qu’il laisse veuve. » (Deut. 25,5)
Comme la mort alors paraissait un mal dont on ne pouvait se consoler, et qu’en ces temps-là on ne s’attachait qu’à la vie présente, Moïse ordonne par une loi, que le frère qui restait épouserait la femme de son frère mort, et donnerait le nom de celui-ci à l’enfant qu’il en aurait, afin que sa maison ne fût point détruite. Comme les enfants font la plus grande consolation de ceux qui meurent, si celui qui mourait n’en avait point laissé après lui, il semblait qu’il aurait été inconsolable dans sa mort. Moïse voulant donc adoucir les regrets de ceux à qui la nature n’aurait point donné d’enfants, commanda que leur frère épousant leur veuve, les enfants qui naîtraient de ce mariage portassent le nom du frère mort. Mais lorsque celui qui mourait avait des enfants, ce mariage n’était plus permis.
Vous me direz, peut-être : Pourquoi n’était-il pas aussi bien permis au fière du mort d’épouser sa veuve qu’à un étranger ? C’est parce que Dieu a voulu étendre ainsi davantage les alliances, et donner aux hommes plus de moyens de s’unir les uns avec les autres. D’où vient donc, me direz-vous, que lorsqu’un homme mourait sans enfants, sa veuve n’épousait pas un étranger ? C’est parce que l’enfant sorti de ce second mariage n’eût point été censé du premier mari ; au lieu que le frère même donnant des enfants à son frère mort, ces enfants pouvaient plus aisément passer pour être de lui. On n’obligeait donc le frère du mort à soutenir la maison de son frère, que dans le cas où ce frère n’aurait point