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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/403

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pas épargné la sienne ?
Dieu avait ordonné aux Juifs de célébrer certaines fêtes, afin que ces cérémonies revenant tous les ans, rappelassent à leur mémoire le souvenir des grâces qu’ils avaient reçues de Dieu, grâces dont le Seigneur avait voulu que ces fêtes leur fussent un monument éternel. Mais Dieu renouvelle tous les jours le souvenir de ses dons par la célébration de nos saints mystères. Ne rougissez donc point de la croix. C’est la croix qui fait toute notre gloire. C’est d’elle que viennent aujourd’hui nos plus redoutables mystères. C’est ce don auguste qui nous honore infiniment. C’est cette table sacrée qui nous relève.
Quand je dirais que Dieu a étendu le ciel, qu’il a créé la terre et les mers, qu’il a envoyé ses anges et ses prophètes, je ne dirais rien d’égal à ce qu’il a fait pour nous dans ce sacrement. Le plus grand de tous nos biens et celui qui est la source des autres, c’est que Dieu n’ait point épargné son propre Fils pour sauver des serviteurs et des esclaves. Que nul Judas, que nul Simon ne s’approche donc de cette table, puisque l’un et l’autre de ces misérables ont péri par leur avarice. C’est pourquoi évitons ce crime, et ne nous imaginons pas que lorsque nous avons dépouillé les veuves et les orphelins par nos rapines et nos violences, ce soit assez pour être sauvés de donner à cet autel un calice d’or enrichi de pierreries. Si vous voulez honorer ce sacrifice, offrez-y votre âme pour laquelle Jésus-Christ a été sacrifié. Faites qu’elle devienne toute d’or. Mais si elle demeure plus pesante que le plomb et que la terre, à quoi vous serviront ces vases que vous offrez ?
Ne pensons pas tant, mes frères, à offrir à Dieu de magnifiques présents, qu’à prendre garde que œ que nous lui offrons ne soit le fruit que de nos justes travaux. Les vases qui ne sont point souillés par l’avarice, sont plus précieux que s’ils étaient d’or. L’Église n’est point un magasin d’orfèvrerie, mais une sainte assemblée d’anges. Ce sont nos âmes que nous devons rendre pures et brillantes comme l’or, puisque c’est cette pureté de nos âmes qui fait que Dieu reçoit de nous ces autres vases. La table sur laquelle Jésus-Christ fit la cène avec ses disciples n’était pas d’argent, et le calice dans lequel il leur donna son sang divin ; n’était pas d’or. Cependant tout y était précieux et digne d’un profond respect, parce que tout y était plein du Saint-Esprit.
Voulez-vous donc honorer le corps de Jésus-Christ ? Ne le méprisez pas, lorsqu’il est nu et pendant qu’en cette Église vous le couvrez d’étoffes de soie, ne lui laissez pas souffrir ailleurs le froid et la nudité. Car Celui qui a dit « Ceci est mon corps », et qui a produit cet effet par la vertu de sa parole, a dit aussi : « Vous m’avez vu souffrir la faim, et vous ne « m’avez pas donné à manger. Car quand vous « l’avez refusé à quelqu’un de ces petits, c’est « à moi-même que vous l’avez refusé. » (Mt. 25) Le corps de Jésus-Christ qui est sur l’autel, n’a pas besoin d’habits précieux qui le couvrent, mais d’âmes pures qui le reçoivent, au lieu que cet autre corps de Jésus-Christ formé des pauvres qui sont ses membres, a besoin de notre assistance et de tous nos soins.
Apprenons donc, mes frères, à traiter sagement de si grands mystères, et honorons Jésus-Christ comme il veut être honoré de nous. Le culte le plus agréable que nous puissions rendre à celui que nous voulons honorer, c’est le culte qu’il choisit lui-même et qu’il aime, et non celui que nous choisissons. Saint Pierre prétendait autrefois honorer Jésus-Christ en l’empêchant de lui laver les pieds ; mais il le déshonorait plus qu’il ne l’honorait par sa résistance. Honorez-le donc aussi de la manière qu’il le désire, c’est-à-dire en lui donnant l’aumône dans la personne des pauvres. Dieu, comme je vous l’ai déjà dit, ne cherche point des vases d’argent, mais des âmes d’or.
4. Ce n’est pas que je vous défende de faire ces présents à l’église ; mais je vous conjure seulement qu’après ces offrandes, ou plutôt qu’avant de les faire, vous ayez soin d’assister les pauvres. Dieu reçoit ces présents que vous faites à l’église : mais il agrée bien davantage ceux que vous faites aux pauvres : puisqu’à l’égard des premiers il n’y a que celui qui les fait qui en tire de l’avantage, au lieu que dans les autres, celui même qui les reçoit en tire aussi du secours. On peut croire dans les premiers que nous recherchons notre gloire, mais les seconds ne sont que le fruit de notre compassion et de notre amour.
Quel avantage peut recevoir Jésus-Christ, de voir ici sa table couverte de vases d’or, pendant qu’il meurt de faim dans la personne des pauvres ? Commencez par le soulager dans sa faim, et s’il vous reste quelque