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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/404

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argent, ornez ensuite son autel. Vous lui faites présent d’une coupe d’or, et vous lui refusez un verre d’eau froide ? Que lui sert d’avoir ici de magnifiques voiles, et de n’avoir pas les vêtements les plus nécessaires dans ses membres ? Croyez-vous que lorsque vous négligez un pauvre qui meurt de faim, et que vous allez couvrir l’autel de Jésus-Christ d’or et d’argent, il vous ait obligation de cet or, et que plutôt il ne s’en irrite pas ? Croyez-vous que lorsque vous ne vous mettez pas en peine de revêtir un pauvre qui meurt de froid, et que vous apportez ici des colonnes d’or, en disant que vous le faites pour sa gloire, il regarde ces richesses comme un honneur que vous lui rendez et non pas plutôt comme une sanglante raillerie, et comme le dernier de tous les outrages ?
Croyez donc que c’est là le jugement que Jésus-Christ porte de vous, lorsque vous parez son autel, et que vous négligez d’assister les pauvres. Il est pauvre et étranger. Il va de porte en porte demander de quoi vivre, et vous le méprisez dans cet état pour orner le pavé d’une église et d’une chapelle, pour en revêtir richement les murailles, pour en dorer des pilastres et des colonnes, pour faire briller des lampes d’argent ! A quoi lui sert toute cette magnificence, lorsque vous le laissez gémir dans une prison, sans même aller le visiter ?
Je vous prie encore une fois de croire que je ne vous dis point ceci pour vous défendre ces présents que vous faites à l’église. Je ne vous le dis que pour vous exhorter de les accompagner de vos aumônes, ou plutôt de ne les faire qu’après vos aumônes. Dieu n’a condamné personne pour n’avoir pas enrichi nos temples de ces ornements superbes ; mais il menace ceux qui ne feront point l’aumône des supplices de l’enfer. Lors donc que vous ornez vos temples, ne méprisez pas les pauvres, qui sont des temples bien plus excellents. Les rois et les princes infidèles, les tyrans et les voleurs peuvent piller ces premiers ; mais le diable même ne vous peut faire perdre ce que vous donnez au pauvre. Cet argent est pour vous en sûreté, et il est en dépôt dans un lieu où rien ne lui pourra nuire. Que, dit Jésus-Christ lui-même ? « Vous aurez toujours des « pauvres avec vous ; mais vous ne m’aurez « pas toujours. » (Mt. 26,12) C’est ce qui me porte à vous dire que nous devons avoir un soin particulier de faire ici l’aumône à Jésus-Christ, parce que nous ne l’aurons pas toujours en cette qualité de pauvre, mais seulement pendant cette vie. Si vous voulez en passant savoir le sens de cette parole, le voici. Il n’adresse pas ces paroles à ses disciples, quoiqu’il semble le faire, mais il les dit à cause de la faiblesse de cette femme qui venait de répandre un parfum sur sa tête. Comme elle était encore imparfaite, et qu’elle voyait les disciples murmurer contre elle, Jésus-Christ dit cette parole pour l’empêcher de se troubler, et comme pour la consoler. C’est pourquoi il dit : « Pourquoi inquiétez-vous cette femme ? »
Il montre assez dans un autre endroit que nous l’aurons toujours avec nous, lorsqu’il dit : « Je serai avec vous jusqu’à la consommation du siècle. » (Mt. 28) Ce qui fait tous les jours voir que si Jésus-Christ parlait ici autrement, c’était pour empêcher que la foi naissante de cette femme ne fût traitée trop rudement par les apôtres, et qu’elle ne séchât presque aussitôt qu’elle commençait à germer. N’abusons donc point de cette parole qui fut dite pour le sujet que je vous indique. Lisons plutôt l’un et l’autre Testament : voyons ce qui est ordonné à toutes les pages touchant l’aumône, et faisons-la à l’avenir avec autant de soin que l’Écriture nous y exhorte. Ce sera ainsi que nous nous purifierons de nos péchés : « Donnez l’aumône », dit Jésus-Christ, « et tout vous sera pur. » (Lc. 13) L’aumône est plus grande même que le sacrifice. Dieu le dit lui-même : « Je veux l’aumône et non le sacrifice. » (Mt. 9) L’aumône nous ouvre les cieux : « Vos prières et vos aumônes », dit l’ange à Corneille, « sont montées en la présence de Dieu. » (Act. 10) L’aumône est une vertu plus nécessaire que la virginité. Nous en voyons une preuve dans les dix vierges, dont les unes furent bannies de la chambre de l’époux, parce qu’elles n’avaient pas fait l’aumône, et les autres y entrèrent parce que l’huile de la compassion et de la miséricorde n’avait point manqué dans leur cœur. Considérons ceci, mes frères, et semons nos biens sur les pauvres avec abondance, afin de moissonner avec fruit les biens éternels qui nous sont promis, par la grâce et par la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui est la gloire dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.