Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/408

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Après tant de marques de sa divinité et de sa puissance souveraine, il commence enfin à parler des viandes, pour en abolir la distinction. Il avait différé jusque-là de donner aucune atteinte à cette règle, parce qu’elle s’enfermait tout le judaïsme-et qu’en la détruisant il détruisait en même temps tout le reste. On en devait conclure qu’il fallait-de même abolir la circoncision : mais Jésus-Christ ne le dit pas expressément, parce que cette loi, beaucoup plus ancienne que les commandements de Moïse, était encore alors dans une plus grande vénération. C’était un point sur lequel il se réservait de statuer par ses disciples après sa résurrection. La circoncision était un point si important parmi les Juifs que les apôtres, voulant la détruire, sont obligés auparavant de la confirmer et de la maintenir, pour l’anéantir ensuite avec plus de facilité. Mais remarquez avec quelle sagesse Jésus-Christ introduit ici la loi.
« Et ayant appelé à lui le peuple, il leur dit : Écoutez et comprenez bien ceci (10). » Il ne leur déclare pas tout d’un coup ce qu’il leur veut dire. Il les rend attentifs d’abord en leur parlant d’une manière obligeante (c’est ce que l’Évangéliste marque par ce mot : « Et ayant appelé à lui le peuple) », puis en choisissant le moment favorable. Après qu’il a confondu les pharisiens et qu’il leur a fermé la bouche par le reproche du Prophète, il commence alors à établir sa loi, lorsque ce peuple était plus disposé à recevoir ce qu’il devait dire. Il ne se contente pas d’appeler simplement ce peuple, il demande son attention en disant : « Écoutez et comprenez bien ceci ; » comme s’il disait : Ce que je vais vous dire a besoin d’une grande application, et vous devez bien m’écouter pour le comprendre. Si vous avez témoigné tant de déférence pour des hommes qui ont violé la loi de Dieu, et qui ne vous ont appris que des traditions humaines, combien en devez-vous plus avoir pour moi qui vous instruis de la vraie sagesse, et qui vous donne des lumières proportionnées au temps bienheureux auquel Dieu vous a fait naître. Il ne dit point que cette distinction des viandes fût une chose superflue et inutile ; que Moïse en cela eût fait une ordonnance déraisonnable, ou qu’il ne l’eût fait que par condescendance. Mais en leur parlant d’une manière familière, et en se servant d’une comparaison commune, il leur confirme ce qu’il leur dit, par ce qui arrive tous les jours dans la nature.
« Ce n’est pas ce qui entre dans la bouche qui rend l’homme impur, mais c’est ce qui en sort qui le rend impur (11). » Il se sert toujours de comparaisons naturelles, lorsqu’il établit des lois ou qu’il prononce des sentences. Les pharisiens et les docteurs écoutant ceci ne le contredisent point, ils ne lui disent point : que nous dites-vous ? Après que Dieu a fait mille ordonnances touchant le discerne ment des viandes, osez-vous maintenant les ruiner par cette ordonnance nouvelle ? Comme Jésus-Christ les avait réfutés et couverts de confusion, en découvrant la corruption de leur cœur et le secret de leurs pensées, ils se retirent sans oser rien répondre. Et remarquez, mes frères, avec quelle retenue Jésus-Christ leur parle, et comment il n’ose pas d’abord se déclarer contre le discernement des viandes. Il ne dit pas absolument : Ce ne sont pas les viandes qui rendent l’homme impur ; mais : « Ce n’est pas ce qui entre dans la bouche qui « rend l’homme impur ; » ce qui se pouvait entendre des mains qu’on ne lavait pas avant que de se mettre à table. Et quoique Jésus-Christ l’entendît de la nourriture, le peuple néanmoins le pouvait prendre en ce sens. Cette distinction des viandes s’observait si exactement que saint Pierre même, après la résurrection, dit à Dieu : « Non, Seigneur, je n’ai jamais rien mangé qui fût souillé ou impur. » (Act. 10,7) Car bien que cet apôtre parlât de la sorte plutôt à cause des autres, et seulement pour se justifier à l’égard de ses accusateurs, en leur montrant qu’il avait voulu résister à Dieu même sur ce point, et que toutes ses résistances avaient été inutiles, il ne laisse pas néanmoins de faire voir par ces paroles combien on avait d’égard à cette observance et avec quelle exactitude elle se pratiquait. C’est pourquoi Jésus-Christ n’exprime pas formelle ment le mot de « viandes », et qu’il use de cette expression : « ce qui entre dans la bouche. »
Et de peur même de s’être fait entendre encore trop clairement par ce terme, il voile encore son discours par ce qu’il ajoute pour le terminer : « Mais un homme ne devient point impur pour manger sans avoir lavé ses mains », comme pour témoigner que ce n’était que de ce sujet qu’il parlait dans tout son discours. C’est pourquoi, comme je l’ai déjà remarqué, il ne dit pas : « Un homme ne