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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/409

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devient point impur pour manger des viandes ; » mais, « sans avoir lavé ses mains ; » comme s’il n’eût voulu établir que ce point dans tout ce qu’il dit ici, afin que les pharisiens ne pussent le contredire. Ces paroles néanmoins scandalisèrent non le peuple, mais les pharisiens et les docteurs. « Alors les disciples s’approchant de Jésus-Christ lui dirent : Savez-vous bien que les pharisiens ayant entendu ce que vous venez de dire, en ont été scandalisés (12) ? » C’était sans aucun sujet, puisque Jésus-Christ n’avait rien dit qui fût contre eux. Mais que fait le Sauveur en cette rencontre ? Il ne se met point en peine de lever ce scandale. Il prononce au contraire cette, sentence terrible : « Toute plante qui n’aura point été plantée par mon Père qui est dans le ciel, sera arrachée (43). » Car Jésus-Christ savait lorsqu’il fallait négliger les scandales, ou lorsqu’il fallait y avoir égard. Il dit ailleurs : « Afin que nous ne les scandalisions point, allez jeter votre filet dans la mer ; » au lieu qu’il dit ici : « Laissez-les, ce sont des aveugles qui conduisent des aveugles : que si un aveugle conduit un autre aveugle, ils tomberont tous deux dans le précipice (14). » Ce qui porta les apôtres à représenter à Jésus-Christ le scandale des pharisiens, ce n’était pas tant la douleur qu’ils en ressentaient, que le trouble dont ils étaient eux-mêmes quelque peu émus pour avoir entendu ces paroles. Mais comme ils n’osaient exprimer au Sauveur leurs propres sentiments, ils mettent en avant les pharisiens pour obtenir ainsi l’éclaircissement qu’ils désiraient. Et pour voir qu’en effet c’était là leur pensée, il ne faut que considérer ce que fait saint Pierre, le plus zélé de tous les apôtres, et qui les prévenait toujours. « Pierre lui dit : Expliquez-nous cette parabole (15). » Il cache à Jésus-Christ le trouble qu’il sentait dans son cœur ; et n’osant dire clairement qu’il était aussi scandalisé de ces paroles, il tâche de se guérir de son scandale par l’explication qu’il en demande. C’est pourquoi Jésus-Christ lui fait ce reproche. « Et Jésus lui répondit : Quoi ! vous avez encore vous-même si peu d’intelligence (16) ? » Mais examinons ici, mes frères, cette parole du Sauveur : « Toute plante qui n’aura point été plantée par mon Père qui est dans le ciel, sera arrachée. » Les Manichéens soutiennent que ces paroles se doivent entendre de l’ancienne loi ; mais ce qui les précède doit fermer la bouche à ces impies. Car si cela se pouvait entendre de la loi, comment Jésus-Christ aurait-il voulu un peu auparavant la soutenir avec tant de force ? Comment aurait-il dit aux pharisiens : « Pourquoi vous-mêmes violez – vous la loi de Dieu pour suivre votre tradition ? » Comment se serait-il aussi servi de l’autorité du Prophète, en disant : « Ce peuple m’honore des lèvres ; mais son cœur est bien éloigné de moi ? » Ce n’est donc point de la loi que Jésus-Christ parle en ce lieu ; mais des traditions des Juifs. Si Dieu a dit : « Honorez votre père et votre mère », comment peut-on ne pas regarder comme une « plante » de Dieu, ce qui a été dit par Dieu même ?
4. Mais la suite fait bien voir encore qu’il ne parle que contre les pharisiens, et contre leurs traditions humaines. Car il dit aussitôt après : « Ce sont des aveugles qui conduisent des aveugles. » Il est clair qu’il se serait exprimé autrement s’il eût voulu parler de la loi, et qu’il eût dit par exemple : « c’est un aveugle qui conduit des aveugles. » S’il ne parle pas ainsi, c’est qu’il voulait détourner de la loi et faire retomber sur les seuls pharisiens tout le poids de sa condamnation. Puis pour séparer d’eux le peuple qui les écoutait, il dit : « Si un aveugle conduit un autre aveugle, ils tomberont tous deux dans le précipice. » C’est déjà un grand mal que d’être aveugle ; mais lorsque nous sommes en cet état, bien loin de prendre un guide, vouloir même être le conducteur des autres, c’est un double et un triple mal. Si un aveugle doit tout craindre lorsqu’il est sans guide, combien est-il plus en danger lorsqu’il veut être lui-même le guide et le conducteur des autres ?
Que dit donc saint Pierre à Jésus-Christ ? Il ne lui dit point : Seigneur, que venez-vous de dire, ou à quel dessein nous parlez-vous de la sorte ? Il se contente de le prier d’éclaircir ce qui lui paraissait obscur. Il ne l’accuse point d’avoir rien dit qui pût blesser la loi ; il craignait trop que Jésus-Christ ne remarquât qu’il s’était scandalisé. Mais pour montrer encore que ce n’était point son ignorance mais son scandale qui le faisait parler de la sorte, il ne faut que considérer que cette parole dont il demande l’éclaircissement n’avait rien d’obscur. C’est pourquoi Jésus-Christ lui fait ce