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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/423

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en disant : « Je ne veux pas les renvoyer », il faisait voir assez clairement ce qu’il pouvait.
Après donc que les apôtres lui eurent représenté quelle était la multitude de ce peuple et la solitude du désert où ils étaient, en disant : « Comment pourrions-nous trouver dans ce désert assez de pain pour rassasier une si grande multitude ? » sans qu’ils comprissent encore rien au dessein de Jésus-Christ, par les paroles qu’il leur avait dites, il commence enfin à agir par lui-même, et il leur demande : « Combien avez-vous de pains ? Sept, lui répondirent-ils, et quelques petits poissons (34). » Ils n’ajoutent pas ici comme la première fois : « Mais qu’est-ce que cela pour tant de monde ? » Ce qui fait voir que s’ils n’étaient pas encore assez intelligents pour comprendre toutes les merveilles de Jésus-Christ, ils étaient néanmoins un peu plus avancés qu’ils n’étaient au temps du premier miracle. C’est pourquoi Jésus-Christ leur, fit à dessein la même demande, afin d’élever leur esprit, et de les faire souvenir du premier miracle qu’ils Lui avaient déjà vu faire.
Mais après avoir vu la faiblesse des apôtres, voyez maintenant, mes frères, la grandeur de leur vertu. Et admirez jusqu’où allait leur amour pour la vérité, puisqu’écrivant eux-mêmes cette histoire dans la suite, ils n’y ont rien caché de leur faiblesse, ni déguisé de leurs imperfections, quoiqu’elles fussent si considérables. Car c’était en effet une grande faute d’avoir si tôt oublié un si grand miracle, opéré il, n’y avait pas longtemps ; et ce n’est pas sans sujet que Jésus-Christ leur fit le reproche qu’ils n’ont pas même voulu omettre.
2. Il faut encore remarquer ici, mes frères, la vertu prodigieuse des apôtres, et admirer jusqu’à quel point ils avaient appris à ne faire aucun état du manger ; en effet, ils sont dans le fond d’un désert où ils ont déjà demeuré trois jours, et ils n’ont pour toute nourriture que sept pains. Pour les autres circonstances du miracle, elles sont les mêmes que dans la première multiplication ; Jésus commande au peuple de s’asseoir par terre, puis il fait croître les pains dans les mains de ses disciples. « Il commanda donc au peuple de s’asseoir sur la terre (35). Et prenant les sept pains et les poissons, après avoir rendu grâces, il les rompit et les donna à ses disciples, et ses disciples les donnèrent au peuple (36). » Mais la suite n’est pas la même que dans le premier miracle. « Car tous en mangèrent et furent rassasiés. Et on emporta sept corbeilles pleines des morceaux qui étaient restés (37). Or, ceux qui en mangèrent étaient au nombre, de quatre mille hommes, sans compter les femmes et les enfants (38). » La première fois il avait nourri cinq mille hommes, et l’on avait rempli douze paniers des pains qui restaient ; pourquoi donc ne reste-t-il ici que sept corbeilles, lorsque cependant il n’y avait que quatre mille hommes ? Pourquoi, plus il y a de monde, plus trouve-t-on de pain de reste ? Nous pourrions répondre fort simplement que ces sept corbeilles d’ici étaient peut-être plus grandes que ces douze paniers d’alors, ou que Jésus-Christ, pour empêcher qu’on ne confondît ces deux miracles, et qu’on ne les fît passer pour un seul, voulut mettre entre les deux quelque différence ; voilà pourquoi il égale les paniers qui restaient du premier miracle au nombre de ses apôtres, et les sept corbeilles du second à celui des pains.
Mais il faisait encore voir bien clairement sa puissance souveraine par ces petites circonstances, et marquait avec quelle facilité il accomplissait les plus grands miracles, puisqu’il lui était si aisé de faire tout réussir dans la manière qu’il lui plaisait. Car je regarde ceci, mes frères, comme l’effet d’une grande puissance dans le Fils de Dieu, d’avoir fait trouver ce nombre si juste, et d’avoir fait rester si précisément douze paniers en nourrissant les cinq mille hommes, et sept corbeilles en nourrissant les quatre mille, sans qu’il y eût rien de plus ou de moins que ce nombre.
Ce dernier miracle se termine enfin comme le premier. Car il est marqué dans l’un et dans l’autre que Jésus-Christ, après avoir renvoyé le peuple, se retira « et monta dans une barque. » Comme Jésus-Christ n’avait encore point fait de miracle qui attirât autant le peuple à le suivre que cette multiplication des pains, et non seulement à le suivre, mais à le prendre même pour roi, il voulut faire voir jusqu’à quel point il fuyait la royauté. Il se retira aussitôt et monta sur une barque, afin que ce peuple ne le pût suivre. « Et ayant renvoyé le peuple, il monta sur une barque, et vint au pays de Magedan (39) ». Alors les pharisiens et les sadducéens vinrent à lui pour le tenter et le prièrent de leur faire voir quelque prodige dans l’air (1).