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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/424

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« Mais il leur répondit : Le soir vous dites : il fera beau parce que le ciel est rouge (2). Et le matin vous dites : Nous aurons aujourd’hui de l’orage, parce que le ciel est sombre et rougeâtre (3). » Saint Marc dit que lorsqu’ils se furent approchés du Sauveur et qu’ils l’eurent – prié de leur faire voir quelque signe, il en gémit et dit en soupirant : « Pourquoi ce peuple me demande-t-il un prodige ? » (Mc. 6,42.} Cette demande captieuse qu’ils faisaient à Jésus-Christ ne mériterait que son indignation, et néanmoins le Fils de Dieu est si doux qu’il ne s’irrite point contre leur malice. Il est au contraire touché de leur misère.
Il s’afflige que leur maladie soit incurable, et qu’après tant de preuves si publiques de sa puissance, ils viennent encore le tenter. Il savait que ce n’était point pour croire en lui qu’ils lui faisaient cette demande, mais seulement pour le surprendre. S’ils se fussent adressés à lui avec plus de sincérité, il leur eût accordé volontiers tout ce qu’ils lui demandaient. Nous avons vu, il n’y a pas longtemps, qu’après avoir dit à une femme chananéenne : « Il n’est pas juste de prendre le pain des enfants et de le donner aux chiens, » il ne laisse pas néanmoins de l’exaucer ensuite ; combien donc leur eût-il accordé plutôt cette grâce, s’ils la lui avaient demandée sans déguisement ? Mais comme ils ne venaient que dans le dessein de le tenter, il les appelle très-justement « hypocrites », puisqu’ils n’avaient pas dans le cœur ce qu’ils témoignaient par leurs paroles. S’ils eussent été disposés à croire en lui, ils ne lui auraient point fait cette demande.
Et une autre marque encore qu’ils ne faisaient pas cette demande dans l’intention d’acquérir la foi, c’est qu’en entendant les reproches qui leur sont faits, ils ne s’excusent point sur leur ignorance, et ne disent point qu’ils venaient à lui pour s’instruire. Mais quel prodige les pharisiens pouvaient-ils désirer de voir dans l’air ? Ils voulaient, peut-être que Jésus arrêtât le soleil, ou qu’il donnât un frein à la lune, ou qu’il excitât des foudres et des éclairs, ou qu’il fît un changement dans tout l’air, et quelque merveille semblable. Jésus-Christ leur répond : « Hypocrites, vous savez bien reconnaître ce que présagent les diverses apparences du ciel, et vous ne savez point reconnaître les signes des temps que Dieu a marqués (4). » Admirez, mes frères, la douceur et l’humilité du Fils de Dieu. Il ne leur refuse pas absolument de faire ce qu’ils lui demandent comme il avait fait ailleurs, lorsqu’il dit : « On ne leur donnera point de signes », mais il donne la raison de ce refus, quoiqu’en lui faisant cette demande ils n’eussent aucun désir de s’instruire de la vérité. Quelle est donc cette raison ? Comme il y a dans l’air, dit-il, des marques du beau et du mauvais temps ; et que personne, en voyant celles qui présagent le mauvais, il ne s’attend à voir le ciel serein, comme en voyant le ciel serein, il ne s’attend point aux orages : vous devez raisonner de même à mon sujet.
Ce temps que vous voyez de mon premier avènement est bien différent de ce que sera le second. Vous n’avez besoin maintenant que de voir les prodiges que je fais sur la terre ; je réserve à mon autre avènement les prodiges qui paraîtront dans les airs. Je suis venu main, tenant comme médecin ; mais je viendrai alors en juge. Je suis venu maintenant chercher la brebis égarée, et je viendrai alors me faire rendre compte de vos actions. C’est pourquoi je me suis caché d’abord en venant, mais j’ouvrirai alors les cieux ; j’obscurcirai le soleil ; je ferai disparaître la lumière de la lune ; je ferai trembler toutes les puissances des cieux, et je paraîtrai tout d’un coup dans l’air, comme un éclair qui brille et qui surprend tout le monde.
Mais ce n’est pas maintenant, le temps de faire ces prodiges, puisque je ne suis venu que pour mourir, et pour endurer les outrages les plus sanglants. Ne savez-vous pas que le Prophète a dit de moi : « Il ne disputera point, il ne criera point, et on n’entendra point sa voix dans les places publiques ? » (Is. 42,2) Et qu’un autre prophète a dit : « Il descendra comme la pluie sur une toison ? » (Ps. 71,6) Que si vous m’objectez ici les miracles qui furent faits autrefois au temps de Pharaon, je vous réponds qu’il s’agissait alors de délivrer mon peuple d’un ennemi, et qu’ainsi ces miracles étaient nécessaires ; au lieu que venant aujourd’hui chez des amis et au milieu de mon peuple, je n’ai point besoin de tous ces prodiges.
3. De plus, comment puis-je vous accorder ces grandes choses que vous demandez, puisque vous ne croyez pas les petites que je fais