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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/434

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indigne de moi de souffrir, et je vous réponds qu’il n’y a que le diable qui puisse s’opposer à mes souffrances. C’est ainsi qu’il réfute les pensées de cet apôtre par un raisonnement tout contraire.
Lorsque saint Jean refusa de le baptiser, parce qu’il jugeait son baptême trop indigne du Sauveur, Jésus-Christ lui persuada au contraire de le faire, en lui montrant qu’il convenait qu’il en fût ainsi ; et bientôt encore il dira à Pierre, lorsque ce disciple voudra l’empêcher de lui laver les pieds : « Vous n’aurez point de part avec moi, si je ne vous lave les « pieds (Jn. 13,9) ; » c’est de la même manière qu’il traite ici saint Pierre, c’est-à-dire qu’il réfute ses raisons par des raisons contraires, et que par la sévérité de sa réprimande, il lui ôte la crainte qu’il avait de sa passion.
Que personne donc, mes frères, ne rougisse de ces marques augustes et adorables de notre salut. La croix de Jésus-Christ est la source de tous nos biens. C’est par elle que nous vivons, et que nous sommes ce que nous sommes. Portons la croix de Jésus-Christ et parons-nous-en comme d’une couronne de gloire. C’est elle qui est comme le sceau et l’accomplissement de toutes les choses qui regardent notre salut. Si nous sommes régénérés dans les eaux sacrées du baptême, la croix y est présente. Si nous nous approchons de la table du Seigneur, pour y recevoir son saint corps, elle y paraît avec éclat. Si l’on nous impose les mains pour nous consacrer au ministère du Seigneur, elle y est encore présente. Enfin, quoi que nous fassions, nous voyons partout ce signe adorable, qui est tout ensemble la cause et la marque de notre victoire. Nous l’avons dans nos maisons ; nous la peignons sur nos murailles ; nous la gravons sur nos portes ; nous l’imprimons sur nos visages, et nous la portons toujours dans le cœur. Car la croix est un signe et un monument sacré, qui rappelle en notre mémoire l’ouvrage de notre salut, le recouvrement de notre ancienne liberté, et l’infinie miséricorde de notre Sauveur Jésus-Christ, qui par l’amour qu’il nous a porté, a été comme une brebis que l’on mène à la boucherie.
Lors donc que vous imprimez ce signe sacré sur vous, souvenez-vous de ce qui a donné lieu à cette croix et de ce qui l’a rendue nécessaire. Que ce souvenir réprime en vous votre orgueil, qu’il arrête votre colère et qu’il étouffe toutes vos autres passions. Lorsque vous formez ce signe sur votre front, armez-vous d’une sainte hardiesse et rétablissez votre âme dans sa première liberté. Car vous n’ignorez pas, mes frères, que la croix est le prix qui vous l’a fait recouvrer. C’est pourquoi saint Paul nous exhortant à rentrer dans cette liberté si digne d’un véritable chrétien, nous y porte en nous parlant de la croix et du sang du fils de Dieu : « Vous avez été », dit-il, « rachetés d’un grand prix, ne vous rendez point esclaves des « hommes. » (1Cor. 6,20)
Considérez quel est le prix qui a été donné pour votre rançon, et vous ne serez plus l’esclave d’aucun homme sur la terre. Ce prix, mes frères, et cette rançon c’est la croix. Vous ne la devez donc pas marquer négligemment du bout du doigt sur votre visage. Vous devez la graver avec amour dans votre cœur par une foi très-fervente. Si vous l’imprimez de la sorte sur votre front, nul des esprits impurs n’osera s’approcher de vous en voyant sur votre visage les armes qui l’ont terrassé, et cette épée étincelante dont il a reçu le coup mortel. Si la seule vue des lieux où les bourreaux exécutent les criminels, vous fait frémir d’horreur et trembler de crainte, dans quel trouble et quelle terreur doivent entrer les démons, en voyant les armes dont Jésus-Christ s’est servi pour les vaincre ?
Ne rougissez donc pas de la croix, afin que Jésus-Christ ne rougisse point de vous, lorsqu’il viendra dans la majesté de sa gloire, et qu’il fera briller ce signe d’une lumière plus éclatante que les rayons du soleil. Car elle paraîtra alors aux yeux de tous les hommes qui auront été dans le monde. Elle publiera hautement l’innocence et la charité de celui qui s’y est laissé attacher, et elle convaincra toute la terre qu’il n’a rien omis pour sa part de tout ce qui’ était nécessaire pour notre salut. C’est la croix qui, du temps de nos pères et du nôtre, a ouvert ces bienheureuses portes qui nous avaient été fermées ;. qui a détruit la vertu mortelle des breuvages empoisonnés que nous avions pris ; qui a déraciné de nous toutes les plantes envenimées qui poussaient des rejetons de mort, et qui a guéri les morsures horribles dont ces bêtes infernales nous avaient cruellement déchirés. Car si cette adorable croix a brisé les portes de l’enfer pour nous