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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/433

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marqué la vocation des Gentils. Cependant ils ne comprirent pas encore ce que leur disait Jésus-Christ. Cette parole leur était comme voilée, et leurs yeux étaient enveloppés d’une nuit si épaisse qu’elle les empêchait de rien voir, parce qu’ils ne savaient pas encore qu’il dût ressusciter d’entre les morts. C’est pourquoi Jésus-Christ s’applique davantage à les tires de leur aveuglement. Il leur éclaircit ces difficultés, afin qu’ils puissent les comprendre.
Mais ils n’y comprirent rien, et cette parole leur fut toujours un mystère. Ils craignaient même de lui demander, non s’il mourrait ; mais comment et de quelle mort il mourrait : enfin ils n’osaient s’informer de ce que signifiait ce qu’ils entendaient. Comme ils ne savaient ce que c’était que de ressusciter, ils croyaient qu’il valait mieux ne point mourir que de ressusciter après être mort. Pendant que les autres apôtres étaient tous dans le trouble et dans l’agitation, sain ! Pierre le plus zélé prend seul la liberté de parler à Jésus-Christ, non devant les autres apôtres, mais en particulier. « Et Pierre l’ayant tiré à part, commença à le reprendre en lui disant : Ah Seigneur, à Dieu ne plaise, cela ne vous arrivera pas (22). » Quoi ! mes frères, cet Apôtre, après avoir reçu du Père une révélation si rare ; après avoir été appelé « heureux » par le Fils de Dieu même, tombe en si peu de temps du haut de cette grandeur où il était élevé, et la passion de Jésus-Christ lui fait peur ! Mais il ne faut pas s’étonner que celui qui n’avait point reçu de révélation de Dieu pour comprendre ce mystère, tombât dans le scandale, lorsqu’il en entendait parler. Dieu voulait nous faire voir que cet apôtre n’avait point parlé de lui-même, lorsqu’il avait confessé si généreusement la divinité du Sauveur, et c’est pourquoi il permettait qu’il se troublât si fort ensuite, lorsqu’on lui dit des choses que Dieu ne lui avait pas révélées. Il en est saisi de frayeur, et il les entend dire cent fois sans les pouvoir jamais comprendre.
Il avait appris que Jésus était le Fils de Dieu ; mais il n’en savait pas davantage. Le mystère de sa croix et de sa résurrection lui était entièrement inconnu. Ainsi vous voyez avec quelle sagesse Jésus-Christ fait à ses disciples le commandement de ne déclarer cette vérité à personne. Car si elle trouble et épouvante ceux mêmes qu’il fallait nécessairement en instruire, quel trouble n’eût-elle point excité dans les autres ? Mais Jésus-Christ voulant montrer avec quel amour il s’offrait de lui-même à tant de maux, fait un sévère reproche à saint Pierre, et il l’appelle « Satan. »
4. « Mais Jésus se tournant dit à Pierre : Retirez-vous de moi, Satan, vous m’êtes à scandale, parce que vous ne goûtez point ce qui est de Dieu, mais seulement ce qui est humain (23). » Que tous ceux qui rougissent de la croix de Jésus-Christ écoutent cette parole. Si le Prince même des apôtres, quoiqu’il n’eût pas encore appris de Dieu ce mystère, est appelé « satan » par Jésus-Christ même ; que doivent attendre ceux qui renoncent cette croix après qu’elle a été adorée de toute la terre ? Si le Fils de Dieu fait un reproche si sévère à celui qu’il venait d’appeler « heureux », et qui avait fait une confession si excellente et si relevée, jugez comment il traitera un jour ceux qui après tant de preuves ne reçoivent et n’adorent pas encore le mystère de la croix.
Il ne lui dit pas simplement que le démon a parlé par lui ; il lui en donne le nom même : « Retirez-vous de moi, Satan. » Tout son désir en s’opposant ainsi à Jésus-Christ était seulement que son Maître qu’il aimait ne souffrît pas. Mais le Fils de Dieu le reprend à dessein avec cette vigueur, parce qu’il savait, et que saint Pierre en particulier, et que tous les autres apôtres craignaient étrangement la mort de leur Maître, et qu’ils ne pouvaient souffrir d’en entendre parler. C’est pourquoi Jésus-Christ déclare ce que ce disciple avait de plus caché dans le secret de son cœur : « Vous ne goûtez point ce qui est de Dieu, mais seulement ce qui est humain. »
Que veulent dire ces paroles : « Vous ne goûtez point ce qui est de Dieu, mais seulement ce qui est humain ? » Saint Pierre jugeant des souffrances de son Maître d’une manière fort grossière et toute charnelle croyait que cette mort lui était honteuse et indigne de sa grandeur. C’est de quoi Jésus-Christ le reprend. Il semble qu’il lui dise : Il n’est point indigne de moi de souffrir la mort, et il n’y a que les pensées basses et terrestres où vous vous laissez aller, qui vous en lassent juger de la sorte. Si vous aviez écouté mes paroles avec l’Esprit de Dieu, en éloignant de vous toutes ces pensées charnelles, vous connaîtriez quelle gloire je tirerai de cette conclusion et de cette ignominie. Vous dites qu’il est