Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/441

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

extrêmement durs, admirez comment le Sauveur les adoucit. Il relève le courage de ses apôtres, en leur proposant le prix inestimable dont il les récompenserait. Il ne se contente pas de leur faire voir seulement les biens qu’ils mériteraient par ces souffrances il leur montre encore les maux qu’ils éviteraient, sur lesquels même il s’arrête davantage que sur les biens, parce qu’il savait que les hommes sont moins touchés des promesses des récompenses, que des menaces des supplices. Voyez donc comment, après avoir commencé son discours par là, il le termine de même. « Car celui qui voudra sauver son âme la perdra, et celui qui la perdra pour l’amour de moi, la sauvera (25). » C’est comme s’il leur disait : Il semble que je ne vous épargne point, en vous ordonnant de souffrir ces maux. Cependant, je ne le fais que pour vous épargner davantage. Le père qui épargne son fils, le perd. Celui qui ne l’épargne point, le sauve. Le Sage a dit : « Si vous frappez votre fils de verges, il ne mourra pas, et vous sauverez son âme de la mort. » Et ailleurs : « Celui qui aime son fils fermera ses plaies, et bandera ses blessures. » (Prov. 23,13 ; Sir. 30,7) C’est ainsi que les généraux d’armée agissent envers leurs soldats. Si, pour les épargner, ils leur commandaient de ne point sortir du camp, ils les perdraient sans ressource. Afin donc, mes disciples, que vous ne tombiez pas dans ce malheur, je vous commande de vous tenir toujours préparés à la mort. Vous allez être en butte à une cruelle et sanglante guerre. Ne vous tenez donc pas à l’ombre. Ne vivez pas d’une vie lâche et molle, mais sortez du camp, et témoignez votre courage en combattant vos ennemis. Si vous mourez dans cette guerre, c’est alors que vous trouverez la vie.
3. On voit ici que, dans les armées, le soldat le plus résolu à la mort, est aussi celui qui se fait le plus remarquer, qui est le plus invincible, et qui donne plus de terreur à ses ennemis. Cependant, s’il mourait alors, le prince pour qui il combat ne lui redonnerait pas la vie, et ne lui pourrait témoigner sa reconnaissance. Combien donc, dans cette guerre toute sainte, où nous sommes animés d’une espérance si ferme de la résurrection, devons-nous être prêts à donner une vie que nous retrouverons un jour ? Nous le devons, premièrement, parce que sacrifier sa vie est quelquefois le plus sûr moyen de la sauver ; ensuite, parce que si nous la perdons, nous en retrouverons une autre infiniment plus heureuse. Mais, comme Jésus-Christ avait dit : « Celui qui veut sauver son âme la perdra », il explique dans la suite ce qu’il entend par ce mot de « sauver », afin qu’on ne confondît pas ce faux salut avec le salut qu’il donne. « Que servirait-il à un homme de gagner le monde entier et de perdre son âme ? Et que donnera l’homme en échange de son âme (26) ? » Vous voyez donc, mes frères, que ce faux salut est une véritable « perte », pire que toutes les pertes d’ici-bas, puisqu’elle est sans remède, et qu’elle ne se peut réparer. Ne me dites point, dit Jésus-Christ, que celui qui, par sa lâcheté, éviterait tous les maux que je vous prédis, aurait sauvé son âme. Comparez son âme, si vous voulez, avec le monde entier, et jugez quel avantage il trouverait de le posséder tout entier, s’il perdait enfin son âme. Si vos domestiques vivaient dans toutes sortes de délices, pendant que vous, qui êtes leur maître, seriez accablé de maux, quel avantage auriez-vous d’être le maître de ces personnes heureuses, étant si misérable vous-même ? C’est ainsi que vous devez regarder votre âme. Elle gémit pendant que le corps est dans la joie ; et lorsque l’un est plein de force et de vigueur, l’autre est toute languissante et sans force : « Car, que donnera l’homme en échange de son âme ? » A-t-il une autre âme qu’il puisse donner pour la racheter ?
Si vous avez perdu de l’argent, vous le pouvez remplacer par d’autre argent. Si vous avez perdu une maison ou des esclaves, ou quelque autre chose semblable, vous pouvez les racheter. Mais si vous perdez votre âme, vous n’en avez point d’autre que vous puissiez donner en échange pour la recouvrer. Quand vous seriez roi de tout l’univers, vous ne pourriez, en donnant tout ce que vous y possédez, trouver de quoi racheter votre âme. Et faut-il s’étonner que cela vous arrive à l’égard de votre âme, puisque cela n’est que trop vrai à l’égard de la vie du corps ? Quand vous auriez cent royaumes, pourriez-vous en les donnant guérir une maladie mortelle ? Pourriez-vous par toutes vos richesses vous rétablir en santé, et vous arracher d’entre les bras de la mort ? Jugez par là de votre âme, et croyez que ce