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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/442

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que je vous dis est encore bien plus vrai d’elle qu’il ne l’est du corps. C’est pourquoi je vous conjure, mes frères, de renoncer à tout autre soin, et de ne veiller à l’avenir qu’à la garde de votre âme. Appliquez sur elle toute votre vigilance. Ne soyez pas si malheureux que de vous embarrasser pour des choses superflues, et qui vous sont étrangères, pendant que vous négligez ce qui vous doit être le plus cher. Cependant c’est le malheur où nous voyons tomber aujourd’hui presque tous les hommes. Ils sont semblables à ceux qui travaillent aux mines. Ces mines d’or et d’argent ne les enrichissent point ; et au lieu de trouver quelque avantage pour eux au milieu de tant de trésors, ils n’y trouvent que leur perte. Ils souffrent des travaux horribles, et les autres en ont le fruit. Ils passent une vie misérable dans une longue suite de périls, et leurs périls ne servent que pour établir le repos des autres. Leurs sueurs leur sont stériles pour eux-mêmes ; et ils n’en tirent d’autre avantage que leur propre mort.
4. Il y a bien des hommes aujourd’hui qui imitent ces malheureux, et qui ne travaillent que pour amasser du bien aux autres. Je trouve ces gens encore même plus misérables que ceux qui travaillent aux métaux ; puisque ces travaux, quoique pénibles, sont moins terribles que l’enfer, qui est la malheureuse fin de tous les travaux des avares. Ceux-là trouvent au moins dans la mort la fin de leurs sueurs et de leurs peines ; au lieu qu’elle devient pour les avares le renouvellement de leurs maux. Si vous me répondez que vous jouirez vous-même du fruit de vos travaux lorsque vous serez bien riche, montrez-moi comment votre âme en sera plus dans la joie, et alors je vous croirai. Car vous savez que notre âme est ce que nous avons de plus précieux. Mais si ce n’est que le corps qui s’engraisse, lorsque l’âme sèche de jour en jour, que vous sert cette abondance de biens que vous possédez ? Que sert le plaisir de la servante lorsque la maîtresse se meurt ? Que sert le vêtement magnifique, lorsque le corps est près – de mourir ? C’est pourquoi Jésus-Christ insiste beaucoup sur ce point, et il redit encore a Que donnera l’homme en échange de son « âme ? » voulant par toutes sortes de moyens nous rappeler au soin de notre âme, et nous apprendre à n’estimer qu’elle. Jésus-Christ donc, après avoir étonné ses apôtres par ces paroles de terreur, les console dans la suite. « Le Fils de l’homme doit venir dans la « gloire de son Père avec ses anges, et alors il rendra à chacun selon ses œuvres (27). » Vous voyez par ces paroles que la gloire du Père et du Fils est la même gloire. Que s’ils n’ont que la même gloire, il est clair aussi qu’ils n’ont que la même substance. Car si, selon saint Paul, il se trouve dans une même substance, une inégalité de gloire : « La gloire du soleil », dit-il, « est autre que celle de la lune, et celle de la lune est différente de celle des étoiles, et une étoile est différente d’une autre étoile en clarté (1Cor. 15,41) », quoique tous ces astres ne soient que d’une même substance ; comment lorsque la gloire est la même, la substance pourrait-elle être différente ? Car Jésus-Christ ne dit pas qu’il viendra dans une gloire pareille à celle de son Père, ce qui nous eût laissé lieu de douter ; mais il marque précisément qu’il viendra « dans la gloire de son Père », pour faire voir que la gloire de l’un est la gloire même de l’autre. Pourquoi donc, dit Jésus-Christ à son apôtre, pourquoi, ô Pierre, tremblez-vous, lorsque je vous parle de ma mort, puisque c’est alors que vous me verrez dans la gloire de mon Père ; et que si je suis dans la gloire, vous y serez aussi vous-même ? Les biens que je vous destine ne se termineront pas sur la terre. Vous ne sortirez de cette vie que pour entrer dans une autre qui vous comblera d’une éternité de bonheur.
Mais lorsque Jésus-Christ a parlé des biens, il ne s’arrête pas là, Il ne veut pas terminer ce discours par des paroles si consolantes. Il y mêle encore la terreur de son jugement, la crainte de son tribunal, l’appréhension de ce compte exact qu’il nous redemandera, la frayeur de cet arrêt irrévocable, de ces yeux qui perceront jusqu’au fond des cœurs ; de cette lumière à qui rien ne se pourra cacher, et de cette vérité qui ne pourra être surprise par aucun déguisement. Il tempère encore néanmoins ce discours terrible, et il mêle à des paroles si étonnantes, d’autres considérations qui relèvent notre courage. Car il ne dit pas qu’il punira alors les pécheurs ; mais « qu’il rendra à chacun selon ses œuvres. » Il use à dessein de cette expression, afin que, représentant d’un côté aux pécheurs ce qu’ils doivent attendre, il assure de l’autre ceux qui