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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/446

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disaient : Nous sommes fort indifférents et fort insensibles à cette confusion qui nous vient de la part des hommes. Tout ce qu’ils peuvent dire de nous dans leurs plus sanglantes railleries et dans leurs outrages les plus atroces, n’est pas capable de faire que nous nous y arrêtions. Toute notre crainte, Seigneur, et toute notre appréhension est de tomber alors dans cette confusion dont tous les pécheurs de la terre seront couverte en votre présence. Et en disant ceci, ils se souviennent en même temps des flammes éternelles de l’enfer et de ce fleuve de feu, comme aussi des récompenses du ciel et de ces couronnes de gloire, qu’ils y attendent. Et ils ne disent pas : Afin que nous ne soyons point punis ; mais « que nous ne soyons point couverts de confusion » ; parce que ce leur serait une confusion plus in supportable que l’enfer même, de voir alors qu’ils auraient offensé Dieu. Mais comme les plus faibles et les plus grossiers ne sont pas assez frappés du malheur de cette honte, ils ajoutent : « Quand vous rendrez à chacun selon ses œuvres ». Reconnaissez donc, mes frères, quels services nous ont rendus aujourd’hui ces bienheureux solitaires ; combien nous avons appris de choses très-importantes de ces pauvres étrangers, éloignés de tout commerce avec le monde ; de ces habitants des déserts, ou plutôt de ces citoyens du ciel. Car, au lieu que nous sommes étrangers à l’égard du ciel, et citoyens de la terre, ces bienheureux solitaires sont au contraire étrangers à notre égard et sont les compagnons des anges.
Ces saints hommes, après ces actions de grâces, ayant le cœur touché de componction et les yeux trempés de larmes, vont chercher dans le sommeil quelque relâche à leur travail, et dorment seulement autant qu’il est nécessaire pour prendre un léger repos. Ils se relèvent presque aussitôt après, et font de toute la nuit, comme un jour qu’ils passent dans la psalmodie, dans les louanges, et dans les actions de grâces.
Ce ne sont pas seulement les hommes qui vivent de cette sorte. On y voit aussi des femmes embrasser avec courage cette vie angélique, et vaincre la faiblesse de leur sexe par la ferveur de leur foi. Rougissons, mes frères, rougissons-nous autres qui sommes hommes, en nous comparant avec ces âmes si généreuses. Cessons enfin d’être toujours plongés dans l’amour de cette vie, et d’avoir l’esprit rempli d’ombres, de songes et de fumée. La plus grande partie de notre vie se passe dans l’insensibilité. Nos premières années ne sont pleines que de puérilités et de folies. Celles qui approchent de la vieillesse commencent à éteindre en nous la vigueur de tous nos sens. Il ne nous reste entre les unes et les autres qu’un petit nombre d’années, pour goûter les plaisirs et jouir des délices de la vie, et l’on doit même reconnaître que cet intervalle si court ne peut goûter à son aise ces vains divertissements, parce que nous y sommes déchirés d’une infinité de travaux et de mille inquiétudes. Cherchons donc, mes frères, d’autres plaisirs, je vous en conjure. Attachons-nous à des biens qui sont immuables et éternels, et désirons une vie qui ne passera jamais.
Il ne vous est pas impossible d’imiter dans vos villes la vie de ces admirables solitaires. Vous pouvez étant mariés, et vivant dans votre famille, prier et jeûner comme eux, et entrer dans les sentiments d’une véritable componction. Les premiers chrétiens qui vivaient du temps des apôtres, demeuraient au milieu des villes, et y pratiquaient la vie des plus parfaits anachorètes. Il y en avait entre eux qui étaient occupés à des métiers et à des arts, comme Priscille et Aquila. Tous les prophètes autrefois comme Isaïe, Ézéchiel et le grand Moïse, avaient des femmes et des enfants, sans qu’ils leur fussent un obstacle à la vertu.
Imitons donc, mes frères, ces grands modèles. Rendons continuellement grâces à Dieu, chantons-lui toujours des hymnes : embrassons la tempérance, la continence et toutes les autres vertus. Faisons refleurir dans les villes la vie des déserts, afin que nous soyons agréables devant Dieu et devant les hommes, et que nous méritions d’acquérir un jour ces biens éternels, que je vous souhaite par la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, par qui et avec qui on rend au Père, la gloire, l’honneur et la force, maintenant et toujours, et dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.