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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/445

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joie qu’ils lui demandent, il répande dans leur cœur cette justice sans laquelle il ne faut point espérer de joie. « Afin qu’étant contents de ce que nous « avons, nous soyons remplis de bonnes « œuvres ». Voyez combien ces saintes âmes accomplissent à la lettre cette parole de l’Évangile : « Donnez-nous aujourd’hui notre pain « de chaque jour ». Et ils ne demandent même ce pain que par le rapport qu’il a avec les choses spirituelles, « afin », disent-ils, « que nous soyons remplis de toutes sortes de bonnes œuvres. » C’est-à-dire, que nous ne fassions pas seulement ce que nous devons, mais que nous passions même au-delà de ce qui nous est ordonné. C’est ce que marque ce mot : « Nous soyons remplis de toutes sortes de bonnes œuvres. » Ainsi, ne demandant à Dieu que ce qui leur est précisément nécessaire pour la vie, ils souhaitent au contraire, non seulement de lui obéir dans ce qui est absolument nécessaire pour le salut, mais encore de lui témoigner leur amour par une obéissance sans bornes et sans mesure. C’est là la marque des vrais serviteurs de Dieu ; c’est là la marque des hommes généreux et des âmes vertueuses de se tenir toujours prêtes à toutes sortes de biens.
6. Mais pour s’humilier dans la vue et dans la connaissance de leur faiblesse, et pour protester que si la grâce de Dieu ne les soutient, ils sont incapables par eux-mêmes de former aucun bon dessein ; après que ces saints solitaires ont dit : « Afin que nous soyons remplis « de toutes sortes de bonnes œuvres », ils ajoutent aussitôt : « En Jésus-Christ Notre-Seigneur, avec qui vous appartient l’honneur, la gloire « et l’empire avec le Saint-Esprit, dans tous les « siècles des siècles. Ainsi soit-il », ils finissent cette prière, comme ils l’avaient commencée, c’est-à-dire par l’action de grâces. Et ils semblent recommencer aussitôt une nouvelle prière, quoique ce ne soit que la suite de la précédente. C’est ainsi qu’a fait saint Paul dans ses épîtres. Il rompt souvent dès le commencement de sa lettre la suite de son discours pour donner des louanges à Dieu ; comme lorsqu’ayant dit : « Selon la volonté de Dieu et du Père, à qui est la gloire dans tous les siècles. Ainsi soit-il (Gal. 1,4) » ; il reprend aussitôt la suite qu’il avait interrompue, et le sujet sur lequel il écrivait ; ou comme lorsqu’il dit ailleurs : « Ils ont adoré et servi la créature plutôt que le Créateur qui est, béni dans tous les siècles. Ainsi soit-il ».(Rom. 1,25) Il ne finit pas là son discours, mais il le reprend aussitôt. Que personne donc ne condamne ces anges visibles, comme confondant leurs discours et ne gardant aucun ordre dans leurs prières, parce qu’après en avoir rompu la suite pour bénir Dieu, ils la reprennent aussitôt pour continuer leur saint cantique. Ils suivent en cela les règles et la pratique des apôtres ; ils commencent et finissent toujours leurs discours par les louanges de Dieu. « Gloire à vous, Seigneur ; gloire à vous, ô Saint ; gloire à vous, ô R. de ce que vous nous avez donné de quoi nous nourrir ». Ils nous apprennent par là à ne pas rendre seulement grâces à Dieu pour les plus grandes choses, mais encore pour les plus petites. Ils bénissent Dieu pour cette nourriture temporelle et confondent par leur humble reconnaissance, l’orgueil des manichéens et de tous ceux qui rejettent cette vie comme étant mauvaise. Car, de peur que leur éminente vertu et que ce mépris qu’ils font des aliments ne donnât lieu aux hommes de croire qu’ils les rejetaient avec horreur, et qu’ils s’en séparaient comme d’une chose qui était impure, ils font voir par cette prière que ce n’est – point par cette considération qu’ils s’abstiennent d’en user, mais seulement parce qu’ils désirent de pratiquer l’abstinence et le jeûne avec une sévérité plus exacte.
Il est très-remarquable qu’en rendant grâces à Dieu des dons qu’ils en ont déjà reçus, ils viennent aussitôt à lui en demander de plus grands, et que, sans s’arrêter à ce qui ne regarde que cette vie, ils s’élèvent aux choses célestes en disant : « Remplissez-nous du Saint-Esprit ». Car nous ne pouvons faire aucune bonne action comme il faut, si nous ne sommes remplis de cette grâce, comme nous ne pouvons rien entreprendre de généreux ni de grand, si nous ne sommes soutenus de la force de Jésus-Christ. Comme donc nous venons de voir, que lorsqu’ils ont dit : « Afin « que nous soyons remplis de toutes sortes « de bonnes œuvres », ils ajoutent aussitôt : « En Jésus-Christ Notre-Seigneur » ; ils disent de même ici : « Remplissez-nous du Saint-Esprit. Afin que nous soyons agréables devant vos yeux, et que nous ne soyons point couverts de confusion en votre présence ». Comme s’ils