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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/459

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la mort funeste de saint Jean il conclut : « C’est ainsi que le Fils de l’homme doit bientôt être traité par eux ». Ainsi, lorsqu’il eut chassé un démon que ses disciples n’avaient pu chasser, l’Évangile dit : « Jésus-Christ étant en Galilée dit à ses apôtres : Le Fils de l’homme doit être livré entre les mains des pécheurs qui le feront mourir, et il ressuscitera le troisième jour ». Il usait de cette conduite pour diminuer, par l’éclat de ses miracles, l’excès de la douleur que cette prédiction causait à ses disciples. C’est ce qu’il tâche de faire en cet endroit de notre Évangile, lorsqu’il rappelle en leur mémoire le traitement qu’on avait fait souffrir à saint Jean.
Que si quelqu’un me demande ici pourquoi, puisqu’Élie doit faire tant de biens lorsqu’il viendra, Dieu différait tant de l’envoyer ? Je réponds que les Juifs étaient si inconvertibles alors, que prenant Jésus-Christ pour Élie, ils n’en étaient pas plus portés à croire en lui. Car nous voyons que les Juifs croyaient que Jésus-Christ était ce prophète : « Quelques-uns », disaient les apôtres, « croient que vous êtes Élie, et d’autres que vous êtes Jérémie ». D’ailleurs il n’y avait point d’autre différence entre saint Jean et Élie que celle du temps. Si cela est, me direz-vous, comment croiront-ils alors ? Car l’Évangile dit formellement « qu’il rétablira toutes choses ». Je réponds premièrement qu’ils croiront alors ce prophète, parce qu’ils le connaîtront mieux ; mais principalement, parce que la gloire de Jésus-Christ sera répandue alors dans toute la terre et qu’elle sera plus brillante que le soleil. Mais lorsqu’à ces raisons Dieu ajoutera encore la prédication de ce grand prophète qui publiera hardiment que Jésus est le Fils de Dieu, il ne faut point douter que les Juifs ne le reçoivent et qu’ils ne l’écoutent avec beaucoup de docilité.
Quand Jésus-Christ dit ici : « Et ils ne l’ont point connu », il fait comme leur apologie, et il excuse en quelque sorte la grandeur de leur crime. Jésus-Christ donc, mes frères, console ses apôtres dans la douleur qu’ils ressentaient de sa passion future, en leur témoignant que tous les cruels traitements qu’il souffrira des Juifs seront injustes, et en enfermant ce souvenir si triste entre deux miracles : l’un qui s’est déjà fait sur le haut du Thabor, et l’autre qu’il va faire au pied de cette montagne.
Après que Jésus-Christ eut parlé de la sorte à ses apôtres, ils ne lui demandent point quand Élie viendrait. Ils étaient trop abattus par le souvenir de la passion, et ils étaient en même temps saisis d’un trop profond respect et d’une frayeur trop sainte à cause de cette gloire qu’ils venaient de voir. On peut remarquer assez souvent dans l’Évangile que, lorsqu’ils s’apercevaient que Jésus-Christ ne voulait pas s’expliquer clairement, ils ne le pressaient pas et demeuraient dans le silence. Lors donc qu’étant dans la Galilée il leur dit : « Le Fils de l’homme doit être livré entre les mains des pécheurs qui le tueront », l’Évangéliste ajoute : « Cette parole les affligea extrêmement », et saint Marc dit : « Qu’ils ne savaient ce que voulait dire cette parole, et qu’ils n’osaient lui en demander l’éclaircissement ». (Mc. 9,31) Saint Luc dit de même : « Que cette parole leur était cachée, afin qu’ils n’en eussent aucune connaissance, et qu’ils appréhendaient de l’interroger. » (Lc. 9,22) « Après qu’il fut venu vers le peuple, un homme s’approcha de lui, et s’étant jeté à genoux à ses pieds, lui dit : Seigneur, ayez pitié de mon fils qui est lunatique, et est tourmenté misérablement. Car il tombe souvent dans le feu et souvent dans l’eau (14). Je l’ai présenté à vos disciples et ils ne l’ont pu guérir (15) ». L’Évangile marque ici beaucoup de circonstances qui nous font voir que la foi de cet homme était très-faible. Premièrement, Jésus-Christ lui dit lui-même, « que tout est possible à celui qui croit », comme pour lui dire que jusque-là il n’avait pas cru. Cet homme lui dit ensuite : « Seigneur, aidez mon peu de foi. » Il lui dit encore : « Si vous pouvez » (Mc. 9,22-23), comme doutant qu’il le pût. Si c’était donc l’incrédulité de cet homme qui empêchait la guérison de son fils, pourquoi Jésus-Christ en rejette-t-il la cause sur ses disciples, sinon pour montrer qu’ils pouvaient faire ces sortes de miracles sans y être aidés par la foi de ceux qui imploraient leur assistance ? Car si souvent la foi de ceux qui demandent ces grâces, est assez grande pour les mériter de Dieu sans la foi de ceux mêmes qui les font ; quelquefois aussi la grande foi de ceux à qui l’on s’adresse suffit seule pour les faire. On en voit des exemples dans l’Écriture. (Act. 10) Corneille, par la seule force de sa foi, attira sur lui la grâce du Saint-Esprit ; et Élisée ressuscita un mort, sans que personne