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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/460

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y contribuât, puisque ceux qui le jetèrent devant lui, ne le firent que par un transport de crainte, et non par le mouvement de leur foi. (2R. 13) L’appréhension qu’eurent les voleurs leur fit seule jeter ce corps mort auprès du sépulcre du prophète qui lui rendit aussitôt la vie par le seul attouchement de ses os. Nous devons donc conclure que les apôtres ne purent guérir ce possédé, parce qu’ils hésitèrent dans la foi, non pas tous, puisque les plus fermes colonnes n’étaient pas là.
3. Mais je vous prie, mes frères, de considérer quelle est la malignité de cet homme, qui vient devant tout un peuple accuser les apôtres de faiblesse et d’impuissance : « Je l’ai présenté », dit-il, « à vos disciples, et ils ne l’ont pu guérir » Mais Jésus-Christ, pour excuser ses apôtres, attribue à cet homme la plus grande part de la faute et dit : « O race incrédule et dépravée, jusques à quand serai-je avec vous ? jusques à quand vous souffrirai-je «(16)» ? Il n’adresse pas seulement ces paroles à cet homme qui le priait, mais généralement à tous les Juifs. Car il est vraisemblable que plusieurs d’entre eux furent scandalisés de l’impuissance des apôtres, et qu’ils les méprisèrent en eux-mêmes. Lorsqu’il dit : « Jusqu’à quand serai-je avec vous » ? il fait voir le grand désir qu’il avait de mourir, et avec quelle ardeur il souhaitait de retourner à son Père. Il montre assez que ce qui lui était pénible en ce monde, c’était, non de souffrir la croix, mais de demeurer avec ces Juifs incrédules.
Il ne termine pas là son discours, il ajoute encore : « Amenez-le-moi ici ». Il lui demande combien il y avait de temps que ce possédé souffrait de ce mal ; afin d’excuser en quelque sorte ses disciples, et de faire aussi concevoir à ce père quelque espérance de la guérison de son fils, en lui persuadant qu’il lui était facile de le délivrer de cet état. Il souffre néanmoins sur l’heure que le démon le tourmente et qu’il le déchire. Ce qu’il permit, non par un vain désir de gloire, en faisant voir son autorité par le reproche qu’il fit au démon devant tout le peuple ; mais pour consoler le père, afin, qu’en voyant le démon trembler à sa seule parole, il fût plus disposé à croire le miracle qu’il allait voir.
Cet homme, ayant donc répondu que son fils souffrait ce tourment depuis son enfance, et ayant ajouté aussitôt : « Mais si vous pouvez « quelque chose, aidez-nous et ayez pitié de « notre état », Jésus-Christ lui répond sur l’heure : « tout est possible à ceux qui « croient », faisant encore retomber sur son peu de foi le délai de la guérison de son fils. Quand le lépreux dit à Jésus-Christ : « Seigneur, si vous voulez, vous pouvez me guérir » (Mt. 8,3) ; et qu’il rendait par ces paroles témoignage à sa souveraine puissance, Jésus-Christ loua ce qu’il avait dit, et le confirma même en disant : « Je le veux, soyez guéri ». Mais parce que cet homme, en disant : « Si vous pouvez, aidez-nous », parlait d’une manière indigne de la toute-puissance du Sauveur, il lui en fait un reproche : « Tout est possible », dit-il, « à celui qui croit », comme s’il lui disait : Ma force est si infinie, qu’elle peut même communiquer aux autres la puissance de faire des miracles. Si vous croyez donc comme il faut, vous pourrez guérir sans peine, non seulement votre fils, mais même les autres ; et aussitôt après cette parole, il chasse, le démon.
Mais il faut admirer la providence et la bonté de Dieu sur ce possédé, non seulement en ce qu’il le délivra enfin du démon ; mais encore plus, en ce qu’il le conserva durant une si longue possession. Car, sans une protection toute particulière, il n’est pas douteux qu’il serait mort longtemps auparavant. Le démon, qui le jetait tantôt dans le feu et tantôt dans l’eau, l’eût tué sans doute, si Dieu n’eût donné un frein à sa fureur, et s’il n’eût mis des bornes â la violence de sa rage. C’est ce qui fût aussi arrivé à ces démoniaques, qui couraient nus dans les, déserts, qui se frappaient eux-mêmes, et qui se déchiraient avec des pierres.
Que si l’Évangile appelle ce possédé « lunatique », il ne s’en faut pas étonner, puisque c’est le nom que son propre père lui donnait. Vous direz peut-être que l’Évangile use encore aussitôt de ce terme, puisqu’il est dit ensuite que Jésus-Christ guérit « plusieurs lunatiques » ? Il ne parle en cela que selon l’usage commun. Car le démon, par sa malice, voulant décrier cet astre, tourmentait plus ou moins les possédés, selon le cours et le décours de la lune ; non pas, certes, que la lune exerçât aucune action sur eux ; mais, encore une fois, c’était un effet de la malice du démon, qui voulait faire attribuer à la lune ce qu’il faisait lui-même. Il a réussi à faire admettre cette opinion fausse par beaucoup d’esprits, et, de