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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/46

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honneur, et quoiqu’il fût vivant lui-même et cette image, morte, il crut néanmoins que ce qui n’avait point de vie, lui donnerait de la gloire à lui qui vivait. Qui n’admirera cette extravagance et cette folie ? Plus il tend à s’élever, plus il se rabaisse. Il met sa confiance dans une chose sans âme plutôt qu’en lui-même, qui était vivant et animé. Il veut diviniser du bois ou de l’or, et il se rend d’autant plus ridicule, qu’il espère acquérir plus d’estime par cette vile matière qui est hors de lui, que par sa vertu propre et par le mérite de sa vie. C’est comme si un homme se croyait plus estimable, de ce qu’il n une grande maison et un escalier magnifique, que de ce qu’il est homme.
Plusieurs encore aujourd’hui imitent ce prince. Il se voulait faire estimer par une statue, ils veulent se signaler, ou par leurs habits, ou par leurs chevaux, ou par leurs chariots superbes, ou par leurs maisons et leurs colonnes magnifiques. Car après avoir perdu la gloire propre à la dignité d’hommes, ils cherchent de tous côtés une gloire misérable et digne du dernier mépris.
Ce n’est pas ainsi que ces trois généreux serviteurs de Dieu fâchèrent de se signaler autrefois. Ils s’attachèrent au véritable honneur ; jeunes, étrangers, captifs, esclaves et manquant de tout, ils ne laissèrent pas d’être plus glorieux que ceux qui étaient au faîte des honneurs et des biens du monde. Toutes les richesses de Nabuchodonosor, cette statue, ces gouverneurs de provinces, ces officiers, ces gens de guerre sans nombre, enfin tout ce qu’il pouvait avoir ou en vérité ou en apparence, ne lui suffit pas pour le faire paraître aussi grand qu’il l’aurait souhaité. Et ces trois jeunes hommes, qui n’ont rien de toutes ces choses, trouvent que leur seule vertu leur suffit, et tout pauvres qu’ils sont, ils sont à l’égard de ce prince paré de sa pourpre et de son diadème, ce qu’est la lumière du soleil à l’égard d’une pierre qui n quelque éclat.
Ces jeunes captifs et ces admirables esclaves sont conduits devant tout le monde. Ils sont présentés devant ce roi, qui fait allumer sous leurs yeux une fournaise épouvantable. Tout ce qu’il y avait de grand dans le royaume, les gouverneurs, les généraux, les satrapes, et tout cet appareil du diable y était. Le bruit des trompettes et des clairons, et le son de tous les instruments de musique, frappait l’air et l’oreille de tous côtés. On allumait cependant la fournaise et sa flamme s’élevait jusqu’aux nuées. Tout était rempli de frayeur et de tremblement. Il n’y n que ces trois jeunes hommes qui demeurent intrépides. Ils se rient de cet appareil tragique comme d’un jeu d’enfants. Ils montrent un courage et une humilité admirable. Et parlant à ce prince d’une voix qui s’élève au-dessus du bruit des trompettes, ils lui disent : « Sachez, roi (Dan. 3,17) ; » ils l’appellent de la sorte, quoique ce fût un tyran, parce que leur dessein n’était pas de lui dire quelque parole injurieuse, mais seulement de donner des preuves de leur piété. C’est pourquoi ils ne lui font pas de longs discours, mais ils lui disent en un mot : « Il y a un Dieu dans le ciel qui peut nous délivrer de vos mains (Id). » Pourquoi nous effrayez-vous de ces troupes si nombreuses, de cette fournaise ardente, de ces épées qui nous menacent et de ces gardes qui nous environnent ? Le Dieu que nous adorons est au-dessus de tout cela et il peut tout.
Mais comme ils savaient que Dieu pouvait permettre qu’ils fussent brûlés, et craignant, si cela arrivait, de passer pour menteurs, ils ajoutent : « Et quand il ne plairait pas à Dieu de nous retirer de vos mains, sachez, ô roi, que nous n’adorerons point vos dieux. » (Dan. 3,18)
11. S’ils eussent dit : S’il ne plaît pas à Dieu de nous délivrer, c’est à cause de nos péchés, ces impies ne l’eussent pas cru. C’est pourquoi ils n’en disent rien alors ; mais ils le font dans la fournaise, où ils avouent et répètent sans cesse qu’ils ont péché, et qu’ils sont punis pour leurs péchés. Devant le roi, ils ne disent rien de semblable, ils déclarent simplement que quand ils devraient être brûlés, ils ne trahiront point leur religion. Car ils ne cherchaient point ici leur récompense, mais ils faisaient tout pour le seul amour de Dieu. Cependant ils étaient dans la servitude, ils gémissaient dans la captivité, et ne jouissaient d’aucune douceur de la vie ; ils avaient perdu leur pays, leur liberté et leurs biens.
Et ne dites point qu’on les honorait dans la cour de ce prince. Car saints et justes comme ils étaient, ils eussent mieux aimé mille fois mendier leur pain en leur pays, et avoir la joie d’adorer Dieu dans son temple, que d’être honorés parmi ces barbares. Ils disaient comme David : « J’aime mieux être vil et abject dans