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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/47

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la maison de Dieu, que de demeurer dans la tente des pécheurs. Un seul jour, mon Dieu, vaut mieux dans votre temple que mille partout ailleurs. » (Ps. 83,11) Ils auraient cent fois mieux aimé être les derniers dans le peuple de Dieu que de régner dans Babylone. Ils le font assez voir par ce qu’ils disent dans la fournaise, où ils témoignent que la demeure de ce pays leur était insupportable. Car quelque honneur qu’on leur rendît dans la maison de ce prince, ils ne pouvaient être sans douleur, en voyant leurs frères dans les dernières extrémités du malheur. Et c’est le propre des saints de ne préférer jamais la gloire et l’honneur, ni toute autre chose, au salut et à l’avantage de leurs frères.
Considérez donc comment ces saints, lorsqu’ils étaient dans les flammes, prient pour tout le peuple, au lieu que nous oublions, nous, de prier pour nos frères, lorsque nous sommes dans l’état le plus tranquille. En interprétant le songe du roi, ils n’avaient eu aucun égard à leurs intérêts, mais au bien des autres. Car ils firent assez voir depuis combien ils méprisaient la mort. Ils s’offrent dans toutes les rencontres pour fléchir la colère de Dieu, et ne croyant pas le mériter par eux-mêmes, ils ont recours aux mérites de leurs pères, et ils protestent qu’ils ne peuvent offrir à Dieu « qu’un esprit humilié et un cœur contrit. » (Dan. 3,39)
Imitons donc, mes frères, ces jeunes hommes. Il y a encore aujourd’hui une statue d’or que le démon veut nous faire adorer, c’est l’amour de l’argent : mais demeurons toujours fermes. Que le bruit des trompettes, le concert des instruments, ni tous les attraits de ces biens trompeurs ne nous touchent point. Quand nous devrions tomber dans la fournaise de la pauvreté, entrons-y plutôt que d’adorer cette idole, et nous trouverons que les flammes deviendront pour nous une rosée rafraîchissante. N’appréhendez point la pauvreté, quoique nous l’appelions une fournaise. Car, jetés dans la fournaise, ces jeunes hommes en devinrent plus purs et plus éclatants ; au lieu que la flamme qui en sortit consuma ceux qui avaient adoré l’idole.
Tout se passa alors en un même temps et visiblement ; mais Dieu n’accomplit aujourd’hui ces choses qu’en partie, et il réserve le reste en l’autre vie. Ceux qui aiment mieux souffrir dans la fournaise de la pauvreté que d’être idolâtres des richesses, brillent déjà dès ici-bas, mais ils brilleront encore plus dans le ciel : et ceux au contraire qui amassent des richesses d’iniquité, souffriront alors les plus grands supplices. Le Lazare est sorti de cette fournaise aussi éclatant que ces trois jeunes hommes, et le mauvais riche, qui était du nombre de ceux qui adorèrent l’idole, fut condamné au feu éternel.
Ce qui est arrivé à ces jeunes hommes n’était qu’une figure de l’avenir. De même que, jetés dans la fournaise, ils n’éprouvèrent aucun mal, et qu’il en sortit un feu qui dévora ceux qui étaient au-dehors, ainsi les saints passent sans douleur par la fournaise de la pauvreté, et ils en deviennent même plus éclatants ; au lieu que la flamme se lancera sur les idolâtres de la richesse avec plus de violence que les bêtes les plus farouches, et les entraînera dans l’abîme du feu éternel.
Si quelqu’un ne croit pas à l’enfer, qu’il jette les yeux sur cette fournaise de Babylone. Que la créance des choses passées l’aide à croire celles qui sont à venir, et qu’il n’appréhende pas la fournaise où le pauvre est éprouvé, mais celle où les péchés seront punis. Dans celle-là, il n’y n que paix et que rosée ; dans celle-ci il n’y a que flammes et que douleur. Les anges sont dans la première pour en adoucir l’ardeur, et les démons sont dans la seconde pour en rendre le feu encore plus brûlant.
12. Que les riches écoutent ceci, eux qui allument la fournaise de la pauvreté, pour y consumer les pauvres. Les pauvres n’y trouveront rien qui leur nuise, parce que Dieu leur fera ressentir la douceur d’une rosée céleste, mais les riches seront eux-mêmes la proie des flammes qu’ils ont allumées de leurs propres mains. L’ange descendit alors pour soulager ces jeunes hommes. Allons de même soulager ceux qui sont dans la fournaise de la pauvreté. Que nos aumônes soient comme une rosée qui les rafraîchisse. Éloignons d’eux les flammes qui les environnent, afin d’avoir quelque part à la couronne que Dieu leur prépare. C’est ainsi que nous mériterons d’éloigner de nous le feu de l’enfer par cette parole que Jésus-Christ nous dira : « J’ai eu faim, et vous m’avez nourri (Mt. 25,35) », laquelle dans le dernier jour nous tiendra lieu d’une divine rosée, pour nous rafraîchir au milieu des flammes.