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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/461

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là, est venu le mot de « lunatique », appliqué à certains démoniaques.
« Les disciples vinrent après trouver Jésus en particulier, et lui dirent : Pourquoi nous autres ne l’avons-nous pu chasser (19) » ? Il me semble qu’ils craignaient d’avoir déjà perdu la grâce des miracles que Jésus-Christ leur avait donnée, et la puissance qu’ils avaient reçue sur les esprits impurs. C’est pour cela qu’ils viennent interroger Jésus-Christ « en particulier ». Ce n’était point par un mouvement de honte qu’ils affectaient ce « secret ». S’ils eussent cru n’avoir plus cette puissance, il leur eût été inutile de craindre que le peuple le sût de la bouche du Sauveur, lorsque les faits l’eussent dit assez d’eux-mêmes, mais ils interrogent Jésus-Christ « en particulier », parce qu’ils avaient à lui parler d’une chose grande et secrète. Que leur répond donc le Fils de Dieu ?
« Jésus leur répondit : C’est à cause de votre incrédulité. Car je vous dis en vérité : Si vous aviez de la foi comme un grain de sénevé, vous diriez à cette montagne : Transportez-vous d’ici là, et elle s’y transporterait, et rien ne vous-serait impossible (20) ». Si vous demandez ici quand on a vu les apôtres faire ce que dit ici Jésus-Christ, et transporter les montagnes d’un lieu en un autre, je vous répondrai qu’ils ont fait bien davantage en ressuscitant une infinité de morts. Car c’est l’effet d’une bien plus grande puissance de rappeler une âme dans un corps mort, que de transporter une montagne. On dit qu’on a vu dans la suite quelques saints bien moins considérables que les apôtres faire ces sortes de miracles, et transporter les montagnes selon les besoins. Que s’il ne s’est point trouvé d’occasion semblable du temps des apôtres, il serait injuste de les en blâmer. Et il faut remarquer que Jésus-Christ ne leur dit pas en général : vous transporterez les montagnes, mais vous pourriez les transporter. S’ils ne l’ont pas tait, ce n’est point par impuissance et par faiblesse, puisqu’ils ont fait d’autres choses incomparablement plus grandes ; c’est seulement parce que l’occasion ne s’en est pas présentée, et qu’ils n’ont pas jugé cela nécessaire. Peut-être même qu’ils ont fait cette sorte de miracle, et que l’on n’en a rien marqué. Car on n’a pas écrit toutes les merveilles que les apôtres ont faites.
Mais nous pouvons dire encore qu’une des raisons pour lesquelles les disciples ne purent guérir ce possédé, c’est qu’en ce moment ils étaient dans un état d’imperfection et de faiblesse. Car ils n’avaient pas toujours une foi égale et ils n’étaient pas toujours dans la même disposition. Nous avons vu que saint Pierre est appelé par Jésus-Christ même, tantôt « heureux » et tantôt « Satan », et que le Sauveur les reprend tous en général, de ce qu’ils ne comprenaient pas le mystère du « levain ». Il est donc assez vraisemblable que les apôtres étaient alors dans cette disposition de faiblesse, qui leur était assez ordinaire avant la croix du Sauveur.
La « foi » dont Jésus-Christ parle ici, est la foi des miracles, et il la compare à un grain de sénevé, pour montrer sa vigueur et sa grande force. Car encore que cette graine paraisse la plus petite de toutes, elle surpasse néanmoins toutes les autres par sa vertu et par sa puissance. Et Jésus-Christ, pour montrer qu’un peu d’une véritable foi produisait des effets prodigieux, la compare à cette graine. Mais le Fils de Dieu ne s’arrête pas encore là, et après avoir fait voir que la foi pouvait agir sur les montagnes même, il dit : « Enfin rien ne vous sera impossible ».
4. Je vous prie, mes frères, d’admirer ici deux choses ; la vertu des apôtres, et la force du Saint-Esprit. La vertu des apôtres parait en ce qu’ils ne rougissent point d’avouer leur impuissance ; et la force du Saint-Esprit se fait voir en ce que trouvant des âmes qui selon Jésus-Christ n’avaient pas même un grain de foi, il les a néanmoins élevées peu à peu jusqu’à une telle perfection qu’il a répandu la foi en elles comme une source très-abondante. « Cette sorte de démons ne se chasse que par « la prière et par le jeûne (21) ». Jésus-Christ comprend dans ce mot « de démons » non seulement tous les lunatiques, mais en général toutes sortes de possédés. Il commence peu à peu à former ses disciples, et à les porter au jeûne. Car il ne faut point objecter ici ce qui arrive quelquefois, quoique rarement, qu’on a vu des personnes chasser des démons sans le jeûne ; Si cela est arrivé à un ou à deux, il n’en faut pas faire une loi : mais on peut dire en général que si l’on peut quelquefois sans le jeûne guérir ceux qui sont possédés, il est entièrement, impossible que celui qui est possédé, et qui vit dans le plaisir et dans les dé lices, soit jamais délivré du démon qui le possède.